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Porter plainte après un accident de la route : une necessité absolue. Par Michel Benezra, Avocat.
Parution : mardi 24 mai 2022
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La victime d’un accident de la route (piéton, cycliste, automobiliste, passager d’une voiture ou d’un scooter, motard…), aura alors plusieurs démarches à réaliser et notamment celle de déposer plainte auprès des services de police ou de la gendarmerie.

En effet, outre les premières démarches après un accident de la circulation [1] (pratiques, médicales, administratives et juridiques), la question de savoir s’il existe un intérêt à déposer plainte se pose systématiquement pour la victime blessée.

En apparence, il est difficile de répondre à cette question et ce d’autant que les avis divergent régulièrement qu’il s’agisse des autorités ou qu’il s’agisse d’avocats spécialisés en réparation des dommages corporels.

En réalité il faut savoir que la victime ne déclenche pas l’action publique puisque c’est le Procureur de la République qui engagera, in fine, les poursuites contre le responsable de l’accident de la circulation s’il estime bien sûr, qu’une faute a bien été commise (la faute simple suffit).

Aussi, que la victime de l’accident de la route dépose plainte ou pas, cela n’influera pas sur la décision du Procureur de la République qui décidera seul.

Le réel intérêt de déposer plainte pour une victime de la route réside dans plusieurs arguments dont le dernier est essentiel vis à vis du droit à indemnisation des préjudices corporels de la victime mais si en principe cette indemnisation est régie par la Loi Badinter.

Le dépôt de plainte après un accident de la route pour assouvir un besoin psychologique de la victime de la route.

La victime de la route qui survit donc à cet événement dramatique ressentira le besoin de comprendre ce qu’il s’est passé et nécessairement voudra déposer plainte afin de « comprendre » même si en réalité, parfois aucune explication ne sera réellement présentée pour une infraction involontaire.

Le dépôt de plainte facilite les démarches administratives de la victime de la route.

Bien évidemment, dès lors qu’il y a des dégâts corporels, les victimes ne doivent pas rédiger un constat puisque c’est la police ou la gendarmerie qui s’en charge sous la forme d’un procès-verbal.

Déposer plainte permet aussi à la victime d’être présente au procès pénal du responsable de l’accident de la circulation.

Dès lors que la victime a déposé plainte, elle recevra alors une convocation au tribunal sous la forme d’un « avis à victime » et pourra se constituer partie civile. A défaut, elle ne sera pas informée de la date de l’audience du prévenu.

Enfin, le dépôt de plainte, permet à la victime, mais surtout à son avocat spécialiste des procédures d’indemnisation, d’accéder au dossier pénal.

Cette dernière fonction n’est pas anodine puisqu’en cas de divergence de la version des faits, la victime sera entendue et sa version sera confrontée à celle du présumé responsable ou de l’expertise en accidentologie.
Dès lors que deux versions différentes de l’accident existent les responsabilités pénales, mais aussi, les responsabilités civiles, peuvent alors avoir une incidence non négligeable sur l’indemnisation des préjudices corporels de la victime.

Pour exemple dans le cas d’un accident de la circulation entre deux véhicules automobiles, si le conducteur « A » est venu sur la voie du conducteur « B », il est a priori responsable de l’accident. Néanmoins, si le conducteur « B » affirme que le conducteur « A » allait beaucoup trop vite pour pouvoir réagir, le procureur pourrait alors poursuivre « A » pour des blessures involontaires, et « B » pour excès de vitesse. Au niveau civil, voilà que « B », la victime, pourra voir son droit à indemnisation amputé d’une partie à cause de sa vitesse.

Il est donc essentiel de déposer plainte même si certains préconisent de ne pas le faire puisqu’une action civile peut être aussi engagée et serait plus « simple ».

Néanmoins, le fait de déposer plainte permettra de conserver une action supplémentaire sous la main, « gratuite », en cas d’échec des négociations amiables par exemple, voire, plus rapide dans certains cas qu’une action civile.

En matière d’accidents de la circulation, il existe des matières techniques qui se croisent. Ainsi le droit du dommage corporels ne peut pas se passer du droit routier ou droit pénal routier.

Aussi, l’avocat qui agit aux côtés des victimes de la route devra non seulement être compétent en droit de la réparation du dommage corporel pour envisager l’indemnisation de tous les préjudices de la victime accidentée, mais aussi, en droit routier afin d’aller relever les infractions pénales et incidences réelles sur la procédure afin de ne pas « subir » la procédure.

Alors il est certain en revanche que cela demande davantage de temps à consacrer à la victime et que cela implique une organisation parfaite puisque l’avocat devra non seulement se présenter aux expertises et négociations amiables, mais aussi aux audiences pénales et civiles.

En pratique le dépôt de plainte se réalisera au sein du commissariat ou de la gendarmerie en charge du dossier mais si la victime gravement blessée est toujours hospitalisée, les agents pourront entendre la victime directement sur son lit d’hôpital. Dans ce dernier cas, il faut absolument que la victime hospitalisée soit assistée d’un proche à ce moment pour lui permettre une relecture sereine du procès-verbal d’audition avant signature.

Si le procureur de la République, seul à pouvoir engager les poursuites, décidait qu’aucune faute n’a pu être relevée et classait alors le dossier, la victime pourrait avec l’aide de son avocat introduire un recours hiérarchique motivé auprès du procureur Général de la Cour d’appel. La motivation est essentielle et prendra sa source dans les incohérences relevées par l’avocat compétent en droit pénal routier.

Le Procureur Général pourrait alors revenir sur la décision du Procureur de la République ou la confirmer. Dans ce dernier cas, la victime pourrait décider de se constituer partie civile en saisissant un juge d’instruction afin qu’il instruise à charge et à décharge, sous réserve d’une consignation par la victime d’une somme d’argent.

Il existe deux types de procédure, la procédure longue (avec la désignation d’un juge d’instruction) et la procédure courte (avec une convocation directe en audience). Dans tous les cas, la victime de la route pourra solliciter la mise en place d’une expertise médicale directement à l’audience de jugement du responsable de l’accident. Un médecin-expert sera alors désigné pour évaluer les préjudices corporels de la victime dans un rapport qui servira de base à la liquidation des préjudices de la victime.

Bien sûr, à tout moment, un accord amiable peut intervenir mais la procédure pénale doit rester ce garde-fou qui devient une obligation à notre sens et non une simple option dès lors que les séquelles de la victime sont graves et perdurent (traumatisme crânien sévère, amputation, paraplégie, tétraplégie…).

L’essentiel pour la victime est donc de se faire assister par un avocat compétent pour lui permettre d’être indemnisée intégralement.

Michel Benezra, avocat associé Benezra Avocats Droit Routier & Dommages Corporels [->info@benezra.fr] https://www.benezra-victimesdelaroute.fr