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Pour quelles raisons un enfant peut-il être placé ? Par Céline Cabaud, Avocate.
Parution : mercredi 25 mai 2022
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L’assistance éducative est un ensemble de mesures pouvant être pris par l’autorité judiciaire (Juge des enfants et Procureur de la République) afin de protéger les mineurs dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger ou dont les conditions d’éducation ou de développement sont gravement compromises.

Ces mesures sont toujours prises dans l’intérêt de l’enfant et donneront lieu à un débat contradictoire avec l’assistance possible d’un avocat.

Comment est saisi le Juge des enfants ?

Le Juge peut être saisi sur requête des parents ou de l’un d’eux, du tuteur, de la personne ou du service à qui l’enfant est confié, ou du Ministère public.

Le mineur lui-même peut aussi saisir le Juge et deviendra alors partie à la procédure.

Enfin, le Juge peut exceptionnellement se saisir d’office.

Quelles sont les prérogatives du Juge des enfants au cours de la procédure ?

Le magistrat devra informer les personnes qui ne sont pas à l’origine de la requête et donner avis de l’ouverture de la procédure au Parquet (article 1182 du CPC).

Il procède ensuite à l’audition des parents, du tuteur, de la personne ou du représentant du service à qui l’enfant est confié, ainsi qu’à celle du mineur s’il est capable de discernement.

Il a également la possibilité d’entendre toute autre personne dont l’audition lui paraît utile [1].

Le juge peut aussi ordonner toute mesure d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur [2].

C’est ce qu’on appelle les mesures d’investigation judiciaires éducatives.

Il s’agit de recueillir des éléments sur la personnalité du mineur ainsi que sur sa situation familiale et sociale.

Cette mesure permet la mise en place d’entretiens avec le mineur et sa famille afin de per-mettre une analyse complète de ses conditions de vie.

Le Juge des enfants a ainsi un rôle primordial quant aux investigations visant à établir l’existence d’un danger.

A l’issue de ces investigations :
- En cas d’absence de danger, le Juge prononcera un non lieu à mesure d’assistance éducative ;
- Dans le cas inverse, le magistrat ordonnera une mesure d’assistance éducative.

Quelles situations justifient la mise en place de mesures éducatives ?

Le « danger » auquel peut être exposé un mineur peur résulter d’une situation matérielle, psychologique ou encore physique mettant en péril son éducation ou son développement physique, affectif, intellectuel ou social.

Cela peut se manifester par un désintérêt pour l’enfant, un fort absentéisme scolaire, un dé-faut d’alimentation, de propreté, de soins médicaux, ou par la présence de traces de violences physiques ou verbales, etc.

Ce danger doit être actuel ou imminent.

Dans l’ensemble des cas, le Juge doit constater et qualifier la situation ainsi que sa gravité en se fondant sur les éléments du dossier afin de motiver sa décision.

En quoi consistent les mesures d’assistance éducative ?

Si l’adhésion des parents aux mesures éducatives doit être recherchée, elle n’est cependant pas obligatoire en raison de la mission première du Juge qui est de garantir l’intérêt de l’enfant.

Une mesure de médiation familiale peut d’ailleurs éventuellement être mise en place dans certains cas [3].

Dès lors, le Juge des enfants disposent de plusieurs mesures, à savoir :

1. Mesure d’assistance éducative en milieu ouvert [4]

Il s’agit de la mesure d’assistance éducative privilégiée qui consiste en le maintien du mineur dans son milieu actuel.

Ce maintien peut être assorti de certaines obligations (comme fréquenter un établissement sanitaire ou d’éducation) ou encore de périodes d’hébergement temporaire dans un service spécialisé. Une personne ou un service qualifié est alors chargé de suivre le développement de l’enfant et d’apporter aide et conseil à la famille tout en tenant informé le juge de la situation. Il s’agit alors d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert.

2. Mesure de placement [5]

En cas de danger pour l’enfant au sein du milieu familial, celui-ci peut être confié :
- A l’autre parent ;
- A un membre de la famille ;
- A un tiers digne de confiance ;
- A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ;
- A un service ou un établissement habilité pour l’accueil des mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ;
- A un service ou établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé.

A savoir que le placement du mineur dans l’une des trois structures évoquées ne peut être ordonné qu’après évaluation des conditions d’éducation et de développement du mineur.

Ce placement doit intervenir en cohérence avec le projet pour l’enfant et à l’issue de son audition lorsque ce dernier est capable de discernement.

En outre, « le lieu d’accueil de l’enfant doit être recherché dans l’intérêt de celui-ci et afin de faciliter l’exercice du droit de visite et d’hébergement par le ou les parents et le maintien de ses liens avec ses frères et sœurs » [6].

Le Juge des enfants peut modifier lui-même les mesures d’assistance éducative en fonction de l’évolution de la situation et ce, à tout moment conformément à l’article 375-6 du Code civil.

Cette modification peut également être demandée par les personnes suivantes :
- L’enfant lui-même ;
- Les parents, agissant ensemble ou séparément, ou le tuteur de l’enfant ;
- La personne ou service à qui l’enfant a été confié ;
- Le procureur de la République.

Quelles sont les conséquences de l’assistance éducative pour les parents ?

Ils continuent à exercer tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec la mesure, conformément à l’article 375-7 du Code civil.

Les parents doivent également continuer à supporter les frais d’éducation et d’entretien de l’enfant.

Dans le cas où les parents conservent un droit de correspondance et un droit de visite, le juge peut en aménager l’exercice en imposant par exemple la présence d’un tiers lors de ces visites.

Quels sont les droits du mineur dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative ?

Conformément à l’article 1186 du CPC, un avocat peut assister ou représenter un enfant mineur.

L’intervention de l’avocat, concernant le mineur, n’est malheureusement pas obligatoire et est aujourd’hui limitée à la double condition :
- Que le mineur soit capable de discernement ;
- Et qu’il en fasse la demande.

Cette limitation est regrettable et a fait l’objet d’une résolution du Conseil National des Barreaux en date du 4 juin 2021 afin qu’une réécriture de l’article 1186 CPC soit opérée et que la présence d’un avocat après du mineur soit systématique.

Aussi l’alinéa 4 de l’article 375-1 du Code civil précise que :

« Lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, (…) la désignation d’un administrateur ad hoc pour l’enfant non capable de discernement » peut être sollicité par le Juge.

Il s’avère que l’assistance par un avocat est donc privilégiée et même souhaitable, l’enfant se retrouvant confronté souvent pour la première fois à la justice, subi une perte de repère important et a besoin d’un véritable accompagnement. L’avocat aura accès à la procédure avant l’audience et pourra veillé aux intérêts de ce dernier.

Céline Cabaud Cabinet MCC Avocat Barreau de Saint Denis de la Réunion (974) https://mccavocat.com

[1Article 1182 Code de Procédure Civile.

[2Article 1183 CPC.

[3Article 375-4-1 Code Civil.

[4Article 375-2 CC.

[5Article 375-3 Code Civ.

[6Article 375-7 alinéa 3 CC.