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Rémunération des heures de trajet du représentant syndical au CSE. Par Aude Simorre, Avocat.
Parution : mardi 31 mai 2022
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Dans la décision en cause, le délégué syndical au CSE et CSE central saisi la juridiction prud’homale pour obtenir le paiement de ses temps de trajet pour se rendre aux réunions du CSE. Ce temps de trajet, en l’espèce, dépasse le temps normal de trajet domicile travail.
Décision commentée : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 avril 2022, 20-17.038, Inédit.

Le salarié demande en conséquence le paiement de ses heures comme du temps de travail effectif.

Or, on sait que concernant le temps de trajet consacré par un salarié sans mandat au-delà de son temps de trajet normal domicile travail, ce temps n’est pas rémunéré comme une heure de travail effectif mais indemnisé en fonction des accords en place dans l’entreprise.

La Cour a d’ailleurs rappelé récemment à ce sujet que l’indemnisation prévue par un accord collectif d’entreprise pour compenser le temps de trajet dépassant le temps normal de trajet ne doit pas être dérisoire (Cour de Cassation, 30 mars 2022, n°20-15022).

1. L’assimilation des heures de trajet à un temps de travail effectif.

Concernant notre salarié représentant syndical au CSE, la Cour d’Appel, confirmée par la Cour de Cassation se voit néanmoins donner raison.

La Cour de Cassation confirme en effet que, le salarié représentant syndical n’étant sensé souffrir d’aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de son mandat doit se voir payer le temps de trajet pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail qu’il passe pour se rendre aux réunions du CSE comme du temps de travail effectif.

La Cour précise que ces heures doivent être payées comme du temps de travail effectif qu’elles se déroulent pendant et hors l’horaire normal de travail.

La Cour fonde son raisonnement sur l’ancienne version de l’article L2315-12 du Code du Travail qui concernent la rémunération des heures passées par le délégué syndical aux réunions obligatoires du CSE.

La Cour ajoute une précision importante concernant la charge de la preuve en indiquant que la Cour d’Appel n’a pas inversé la charge de la preuve en accordant également le paiement des heures de trajet passé en dehors du temps de travail normal du salarié sans que ce dernier n’ait à démontrer la nécessité de réaliser ses temps de trajet en dehors de son temps de travail normal.

Ceci est donc une exception au fonctionnement de la charge de la preuve concernant les heures de délégation réalisées en dehors du temps de travail normal du salarié : le salarié devant alors démontrer la nécessité de prendre ses heures de délégation en dehors de son temps de travail (Cour de Cassation, 1er octobre 2020, n°18-2409).

2. Une différence de traitement laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale.

Si la Cour de Cassation confirme la Cour d’appel sur la condamnation au rappel de salaire demandé par le salarié elle censure son raisonnement concernant le rejet des demandes de dommages et intérêt formulés par le salarié sur le fondement de la discrimination.

En effet, le salarié arguait d’une différence de traitement notamment avec un de ses collègues d’une autre obédience syndicale, qui lui, se faisaient bien rémunérer son temps de déplacement aux réunions du CSE comme du temps de travail effectif.

La Cour d’appel avait jugé que ce faisant, le salarié n’apportait pas la preuve de fait laissant supposer une discrimination. Elle prétendait que le collègue serait dans une situation distincte du fait qu’il était rattaché à un autre secteur géographique.

La Cour de Cassation censure ce raisonnement en jugeant que les deux salariés étaient bien dans une situation identique au regard de la différence de traitement contesté. En effet, le secteur de rattachement de chacun des salariés ne changeant rien à la nécessité pour chacun d’eux, en leur qualité de représentant du personnel, de se rendre aux réunions organisées par l’employeur.

La Cour juge ainsi qu’au contraire : le salarié apportait bien la preuve d’un fait laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale.

Décision inédite au bulletin : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 avril 2022, 20-17.038, Inédit.

Aude Simorre Avocat au Barreau de Paris