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Entrée en vigueur du brevet européen à effet unitaire : relisez vos contrats ! Par Franck Delamer et Frédérique Durieux, CPI.
Parution : vendredi 3 juin 2022
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Le brevet européen à effet unitaire et la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) vont entrer en vigueur prochainement.
Avant de demander l’effet unitaire ou de déroger (« opt-out ») à la compétence exclusive de la Juridiction Unifiée du brevet pour un brevet européen ne bénéficiant pas de l’effet unitaire, les titulaires devront être conscients des obligations qui pèsent sur eux du fait de contrats existants et éventuellement les aménager.
Voici une revue des principaux points à prendre en compte dans le cadre de copropriété ou de licence d’un brevet européen.

Comment gérer la demande d’effet unitaire pour un brevet européen en copropriété ?

Rappelons tout d’abord que l’effet unitaire ne peut être obtenu si le(s) titulaire(s) du brevet européen ne sont pas les mêmes sur l’ensemble du territoire des Etats membres participants [1].

La demande d’effet unitaire doit être présentée par l’ensemble des propriétaires du brevet.

Il convient donc de recueillir l’accord des copropriétaires.

Le délai pour requérir l’effet unitaire étant très court (un mois à compter de la délivrance du brevet européen), il est recommandé d’entreprendre dès maintenant une revue du portefeuille de brevets en copropriété afin de prendre une décision conjointe pour chaque demande de brevet européen en instance et d’être ainsi prêts à demander l’effet unitaire lorsque la délivrance interviendra.

Comment gérer la demande d’opt-out pour un brevet européen en copropriété ?

La demande d’opt-out pour une demande de brevet ou un brevet européen sans effet unitaire doit elle aussi être présentée par l’ensemble des propriétaires.

Bien qu’aucun délai officiel ne soit imparti pour demander l’opt-out, l’engagement d’une action devant la JUB empêche que la dérogation ne soit accordée. Les copropriétaires auront donc intérêt, s’ils souhaitent bénéficier de cette dérogation, à la demander dès que possible afin d’éviter qu’une action d’un tiers ne vienne l’empêcher. Comme expliqué dans notre précédent article [2], l’opt-out pourra être demandé à tout moment dans une période de trois mois (« sunrise period ») précédant l’entrée en vigueur de l’Accord sur la Juridiction Unifiée du brevet puis pendant une période transitoire d’au moins sept ans suivant cette entrée en vigueur.

Les copropriétaires devront donc se concerter dès que possible quant à la stratégie d’opt-out.

Le licencié peut-il influer sur la décision de demande d’effet unitaire et d’opt-out ?

La demande d’effet unitaire et la demande d’opt-out ne peuvent être présentées que par le(s) titulaire(s) du brevet.

Par conséquent, un licencié, même exclusif, n’est pas habilité à procéder à ces formalités.

Certaines licences prévoient une obligation d’information du licencié des décisions prises par le titulaire quant au déroulement des procédures de délivrance, voire de concertation sur la stratégie de protection. Il conviendra donc de vérifier le contenu de chacune de ces licences afin de respecter ces obligations.

Inversement, d’autres licences délèguent au licencié la responsabilité de la gestion des brevets concédés. Des aménagements devront être prévus afin que la demande d’effet unitaire ou d’opt-out soit bien présentée par le propriétaire.

Quel est l’impact du nouveau système pour le licencié ?

Contrairement à une cession qui ne peut être effectuée que pour l’ensemble des Etats membres participants, une licence d’un brevet européen à effet unitaire peut être concédée pour tout ou partie du territoire des Etats membres participants.

Le titulaire et le licencié pourront donc définir librement le territoire d’exploitation, que le brevet européen bénéficie ou non de l’effet unitaire.

Le droit du licencié d’agir en contrefaçon devant la JUB dépend du caractère exclusif ou non de la licence et des stipulations spécifiques contenues dans la licence :
- Le licencié exclusif peut former une action en contrefaçon devant la JUB sauf si la licence en dispose autrement et à condition que le titulaire du brevet en ait été informé au préalable ;
- En revanche, le licencié non exclusif n’est habilité à former une action devant la JUB que dans la mesure où cela est expressément autorisé par l’accord de licence, et à condition que le titulaire du brevet en ait été informé au préalable.

Franck Delamer ([->delamer@regimbeau.eu]) Conseil en Propriété Industrielle Service Contrats, Valorisation & Data Frédérique Durieux ([->durieux@regimbeau.eu]) Conseil en Propriété Industrielle Mandataire en Brevets Européens

[1A la date d’entrée en vigueur, les Etats membres participants seront au nombre de 17 : Autriche, Allemagne, Belgique, Bulgarie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Suède, Lituanie, Lettonie, Slovénie.