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Le sous-cautionnement : un concept méconnu du droit OHADA. Par Cheick Oumar Diakité, Juriste.
Parution : vendredi 24 juin 2022
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Le législateur OHADA n’a prévu que quatre modalités du cautionnement : le cautionnement simple, le cautionnement solidaire, le cautionnement réel et la certification de caution.
Dans l’espoir d’une consécration future, cet article a pour objet de démontrer au législateur OHADA l’intérêt que peut révéler le mécanisme de sous-cautionnement.

On ne saurait parler de sous-cautionnement sans se pencher succinctement sur la notion de cautionnement qui lui est intrinsèquement liée. Le législateur OHADA définit le cautionnement comme étant un contrat par lequel la caution s’engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même [1]. Son homologue français, quant à lui, le définit comme étant le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. [2].

Ces deux définitions nécessitent quelques observations. En effet, en disant du cautionnement qu’il s’agit d’un contrat, nous estimons que le législateur OHADA n’avait pas besoin de préciser l’acceptation de l’engagement de la caution par le créancier, d’autant plus qu’il s’agit d’un contrat consensuel et qu’en précisant en amont qu’il s’agit d’un contrat, l’acceptation est présumée, puisque les contrats se forment par la rencontre de l’offre et de l’acceptation [3]. Concernant la définition du législateur français, on pourrait lui reprocher le terme de paiement qui, en langage courant, nous renvoie aux dettes de somme d’argent, cantonnant ainsi l’objet du contrat de cautionnement à l’exécution d’une obligation de donner.

Le sous-cautionnement est une modalité du contrat de cautionnement. Ignoré du droit OHADA, il est, selon l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du Droit des sûretés en France, le contrat par lequel une personne s’oblige envers la caution à lui payer ce que peut lui devoir le débiteur à raison du cautionnement. En d’autres termes, le sous-cautionnement est le contrat par lequel la sous-caution s’engage à payer la dette que devra le débiteur principal à la caution, après que celle-ci sera subrogée dans les droits du créancier par l’effet du paiement utile qu’elle aura effectué.

Le sous-cautionnement apparaît donc comme une garantie offerte à la caution de recouvrer le paiement qu’elle a effectué au profit du créancier en lieu et place du débiteur principal défaillant. Il garantit la dette du débiteur principal, mais seulement à l’égard de la caution « principale ». Il présente donc un intérêt capital pour la caution qui, après paiement utile, dispose d’un recours subrogatoire et d’un recours personnel contre le débiteur principal.

La présente étude portera exclusivement sur la validité et l’intérêt du sous-cautionnement.

Cela dit, au regard de l’insolvabilité persistante dont peut faire montre le débiteur principal, la caution se trouve souvent dans des difficultés pour recouvrer la créance qu’elle a contre ce dernier, après le paiement qu’elle aura effectué auprès du créancier.

Cette étude nous permettra donc de cerner l’intérêt de la consécration de ce mécanisme dans l’espace OHADA et les conditions juridiques de sa mise en œuvre.
Pour ce faire, il sied de se poser la question suivante : le législateur OHADA a-t-il intérêt à prévoir ce mécanisme ?

La réponse à cette interrogation s’articulera autour des intérêts du sous-cautionnement (II).

Mais avant, précisons ses conditions d’existence ou de prise d’effet (I).

I- Existence ou prise d’effet du sous-cautionnement.

Le sous-cautionnement ne saurait exister en dehors d’une obligation de donner (A). Il ne saurait par ailleurs prendre effet en dehors de la subrogation de la caution dans les droits du créancier, à travers un paiement utile (B).

A- L’obligation de donner.

Si le contrat de cautionnement, en lui-même, garantit les obligations de donner, de faire et de ne pas faire, le sous-cautionnement ne saurait exister en dehors d’une obligation de donner ayant été exécutée par la caution, en cas de défaillance du débiteur principal.

En effet, la caution peut bel et bien s’engager à livrer un bien (obligation de donner) à accomplir une prestation (obligation de faire) ou à indemniser le préjudice subi par le créancier du fait pour le débiteur principal de manquer à son obligation de ne pas faire.

A titre illustratif, une sous-caution ne saurait garantir un recours de la caution contre le débiteur principal d’une obligation de restitution dans le cadre d’un contrat de dépôt, car tout simplement le bien restitué par la caution n’était pas dans le patrimoine de celle-ci pour donner lieu à un transfert de propriété, qui justifierait une action récursoire, sauf à elle, bien entendu, de donner un bien lui appartenant, en lieu et place de celui remis par le déposant ou de justifier de frais engagés dans le cadre de l’exécution de l’obligation du débiteur principal. En d’autres termes, par l’exécution de l’obligation de restitution du dépositaire, en l’espèce, la caution ne s’appauvrit pas, en principe, et ne saurait donc prétendre à un quelconque remboursement.

Il est important de préciser que la prise d’effet du sous-cautionnement est conditionnée par le paiement utile effectué par la caution.

B- Un paiement utile.

L’obligation de la sous-caution est soumise à une condition suspensive. Le législateur français l’ayant bien compris, l’exprime d’ailleurs en ces termes : « ce que peut lui devoir (à la caution) le débiteur principal ».

En effet, l’efficacité du sous-cautionnement est conditionnée par la subrogation de la caution dans les droits du créancier, par l’effet du paiement utile. Par paiement utile, il faut entendre le paiement d’une dette due.

Dans cet ordre d’idées, une caution qui aurait payé en lieu et place du débiteur principal sans avertir ou mettre en cause ce dernier qui était en mesure de déclarer la dette éteinte ne saurait être subrogée dans les droits du créancier. Dans une telle situation, la condition suspensive n’étant pas intervenue, le sous-cautionnement serait de jure frappé de caducité.

Analysons à présent les intérêts de ce mécanisme.

II- Intérêts du sous-cautionnement.

Le premier intérêt du sous-cautionnement réside dans sa définition : il prémunit la caution de l’insolvabilité ultérieure du débiteur principal au moment de l’action subrogatoire (A). Et cette garantie aura pour effet, d’un point de vue sociologique, voire économique, de faciliter l’obtention du crédit (B).

A- La garantie des cautions.

S’il est vrai que classiquement le cautionnement est un contrat d’ami, donc un contrat à titre gratuit, il a plus tendance, de nos jours, à migrer vers un caractère professionnel, voire intéressé. La caution, qui n’est plus un simple ami, peut donc demander au débiteur principal une garantie sur le paiement qu’elle pourrait effectuer à sa place. Dans cette perspective, les commerçants personne physique ou morale qui désirent faire de la fourniture de cautions aux futurs débiteurs leur principale activité doivent être prémunis de l’éventuelle insolvabilité du débiteur principal.

C’est en ce sens que le sous-cautionnement a tout son intérêt, et nous déplorons son absence dans notre Droit légiféré des sûretés, nonobstant toutefois le fait que le principe de l’autonomie de la volonté pourrait laisser imaginer que l’on puisse valablement conclure un sous-cautionnement dans les Etats membres de l’OHADA.

Cependant, puisque l’harmonisation du droit permet de se prémunir notamment des éventuels conflits de lois qui pourraient surgir, il serait tout à fait intéressant que le législateur OHADA songe à consacrer ce mécanisme, afin de ne pas laisser la caution dans des difficultés de recouvrement de sa créance, alors que c’est elle qui a contribué à l’obtention du crédit et à la réalisation, le cas échéant, d’une activité économique.

Par ailleurs, la caution qui a une garantie de recouvrer la créance qu’elle pourrait avoir contre le débiteur principal, par le mécanisme de la subrogation personnelle, sera plus encline à s’engager, d’où la facilitation de l’obtention du crédit et le développement subséquent des activités économiques.

B- Plus de facilité dans l’obtention du crédit.

En bénéficiant d’une garantie contre le débiteur principal en cas de défaillance de ce dernier la caution sera plus encline à consentir de s’engager à payer la dette du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci. Par conséquent, l’emprunteur, ou plus généralement le futur débiteur, pourra obtenir plus facilement un crédit auprès des établissements de crédit qui exigent la fourniture d’une telle sûreté. Cette facilitation de l’obtention du crédit, en elle-même, aura des conséquences positives pour l’économie, puisque les sûretés constituent le socle de l’économie moderne.

En effet, pas de sûreté pas de crédit, et pas de crédit, pas d’économie moderne, comme le dit un adage populaire. La garantie de la caution vis-à-vis du débiteur principal s’avère donc d’intérêt capital et nous estimons que le droit OHADA gagnerait à le consacrer dans ses textes, d’autant plus qu’il s’assigne pour objectif, entre autres, de propulser le développement économique en Afrique.

Cheick Oumar Diakité Juriste, Poète et Écrivain. [->diakitecheick754@gmail.com]

[1Article 13 de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant Organisation des sûretés.

[2Article 2288 de l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021.

[3Voir Article 1073 de la loi 035 portant Code civil guinéen de 2019.

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