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La réparation complémentaire de l’accident de service/maladie professionnelle du fonctionnaire. Par Charles Carluis, Avocat.
Parution : mardi 5 juillet 2022
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En plus de la réparation statutaire, tout agent public victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle est en droit d’obtenir une indemnisation complémentaire réparant ses préjudices personnels. Explications et mode d’emploi.

Le fonctionnaire victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle entraînant un arrêt de travail, doit être placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) et doit à ce titre pouvoir prétendre au versement de son plein traitement jusqu’à sa reprise de fonctions ou son admission à la retraite.

En outre, une allocation temporaire d’invalidité (ATI) peut être versée au fonctionnaire, ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité physique créée par l’accident de service ou la maladie professionnelle.

C’est la réparation « statutaire » de l’accident de service ou de la maladie professionnelle, connue de tous.

Mais en plus de cette réparation minimale, tout agent public victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle est en droit d’obtenir de son employeur public une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de l’accident ou de la maladie.

C’est la réparation complémentaire, qui demeure encore trop souvent méconnue alors qu’elle peut être financièrement intéressante.

Eléments d’explications :

En plus de la réparation statutaire, tout agent public, quel que soit son statut (titulaire, contractuel, stagiaire), victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, dont l’imputablité au service est reconnue, peut demander, sur un fondement jurisprudentiel [1] :
- Une indemnité complémentaire pour la réparation des souffrances morales et physiques ainsi que des préjudices esthétiques et des troubles dans les conditions d’existence pouvant résulter de l’accident ou de la maladie, même en l’absence de faute de la collectivité (c’est ce qu’on appelle une responsabilité de plein droit) ;
- A condition de prouver que l’accident ou la maladie est imputable à une faute de la collectivité ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien lui incombait, le versement d’une indemnité visant à réparer intégralement le dommage ;
- Une indemnité complémentaire pour la réparation des préjudices patrimoniaux d’une autre nature que ceux réparés forfaitairement et des préjudices personnels, même en l’absence de faute de la collectivité [2].

Aussi, même en l’absence de faute de l’administration, l’agent victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle peut obtenir réparation de plusieurs préjudices, notamment :
- Les souffrances endurées (tant physiques que psychiques) ;
- Le déficit fonctionnel temporaire (incapacité fonctionnelle avant consolidation) ;
- Le déficit fonctionnel permanent (incapacité fonctionnelle après consolidation) ;
- L’assistance par tierce personne (= impossibilité ou difficulté à accomplir les actes de la vie quotidienne) ;
- Le préjudice d’agrément (= impossibilité de poursuivre des activités sportives et de loisirs).

La prescription est de quatre ans, et commence à courir à compter du 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle l’état de santé de l’agent est consolidé [3] ; par exemple, l’agent dont l’état de santé est déclaré consolidé le 1er juillet 2022 pourra demander réparation de ses préjudices jusqu’au 31 décembre 2026.

Les ayants droit de l’agent (parents, enfants) peuvent demander réparation de leur propre préjudice (essentiellement moral).

Comment ça marche ?

La procédure s’articule en quatre étapes :

1/ Référé expertise : il convient au préalable de solliciter du juge des référés du tribunal administratif la désignation d’un médecin expert judiciaire dont la mission sera d’évaluer les préjudices subis par l’agent.

Les honoraires de l’expert (en règle générale compris entre 1 000 et 1 500 euros, souvent 1 200 euros TTC) sont mis à la charge de l’agent dans un premier temps, mais l’agent est certain d’en obtenir le remboursement devant le tribunal dans le cadre d’un recours indemnitaire.

2/ Expertise médicale.

3/ Réclamation préalable : sur la base du rapport d’expertise, l’agent chiffre ses préjudices et sollicite de l’administration le versement d’une somme d’argent.

4/ Le cas échéant, en cas de refus de payer de l’administration, saisine du tribunal administratif : l’agent peut alors obtenir, en plus de l’indemnité à laquelle il peut prétendre, le remboursement, d’une part, des frais d’expertise et, d’autre part, des frais d’avocat (somme comprise entre 1 000 et 1 500 euros). Un recours au fond peut être précédé d’un référé-provision.

Si la procédure peut être longue, elle est, souvent, intéressante, tant sur le plan financier, que pour la reconstruction personnelle.

Charles Carluis - avocat droit de la fonction publique Barreau de Rouen https://carluis-avocat.fr/ charles.carluis@gmail.com

[1Conseil d’Etat, 4 juillet 2013, n°211106.

[2Conseil d’Etat, 16 décembre 2003, 353798.

[3Conseil d’Etat, 5 décembre 2014, n°354211.