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La digitalisation de la demande d’aide juridictionnelle réétudiée.
Parution : vendredi 15 juillet 2022
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Voici une réalisation à visée pédagogique mais aussi pratique : des étudiants ont digitalisé la demande d’aide juridictionnelle d’une autre façon que celle déjà proposée, afin qu’elle soit plus simple à remplir pour les avocats et les justiciables.
C’est l’occasion de réétudier un processus numérique orienté utilisateurs, qui concerne tant le grand public que les avocats, et de montrer l’intérêt de multiplier les initiatives pour favoriser l’accès au Droit, sa compréhension... Une sorte de "Recherche et Développement" expérimentale qui ne peut que profiter aux usagers, y compris professionnels du Droit.
Interview de Marouane Issaf [1] et Zacharie Laïk [2], les initiateurs de "easyaj".

Pourquoi avoir choisi d’optimiser la demande d’aide juridictionnelle ?

"Nous avons décidé de nous pencher sur la demande d’aide juridictionnelle car il s’agit d’une des démarches les plus effectuées en France (le nombre de bénéficiaires de l’aide juridictionnelle a augmenté de 2012 à 2019, le nombre de demandes étant passé de 1 065 721 à 1 184 149, soit une hausse de 11%).

Si un grand nombre de justiciables est éligible au dispositif d’aide juridictionnelle, ses règles d’attribution sont nombreuses et parfois complexes.
En effet, il existe des critères de nationalité, de résidence, d’âge, de revenus (en fonction du foyer fiscal) et de nombreuses exceptions à ces mêmes critères.

Alors que le nombre de demandes d’admission à l’aide juridictionnelle est considérable, le rapporteur spécial du Projet de loi de finances pour 2022 n’a pu que souligner l’importance de la dématérialisation de ces procédures. Malgré les efforts du service public, celle-ci est toujours insuffisante puisque seulement 10 % des demandes ont été déposées et traitées par voie dématérialisée en 2021.

"Il est impératif d’améliorer l’expérience de cette demande d’AJ, bien souvent remplie par les avocats pour leurs clients avant même d’avoir déterminé leur éligibilité. "

En effet, la plateforme du service public comporte frictions pour les justiciables :
- Le simulateur de droits est déconnecté de la demande : les informations dont a besoin le justiciable sont réparties dans plusieurs sources qu’il faut recouper.
- Les avocats ne peuvent pas remplir la demande pour leurs clients
- Le design de la plateforme n’est pas optimal et n’est pas rassurant.

Pourtant, il est impératif d’améliorer l’expérience de cette demande, bien souvent remplie par les avocats pour leurs clients avant même d’avoir déterminé leur éligibilité.
Cela représente un coût horaire important pour l’avocat qui doit récolter les pièces de son client, déterminer son éligibilité, puis remplir et déposer la demande, avant même de pouvoir prendre son client en charge et de toucher le premier euro.

La désinformation du client qui cherche un avocat “gratuit” avant même de savoir s’il est éligible et souvent un frein pour les avocats et pour les justiciables, qui peinent à se faire représenter. "

Que permet votre outil ?

"L’outil que nous avons créé permet à un justiciable de remplir le formulaire Cerfa n° 16146*03 sans devoir se référer aux autres sources d’informations que celles qui sont données dans l’outil.

Grâce à sa logique conditionnelle, il est possible pour un justiciable seul et au sein du même outil (i) de déterminer son éligibilité, (ii) de remplir la demande, et (iii) de communiquer les pièces jointes pertinentes nécessaires à son traitement.

Les questions et les pièces jointes qui ne sont pas utiles au traitement de sa demande lui sont épargnées.

Le tout peut être envoyé directement sur l’adresse mail de l’avocat ou peut être imprimé par le client pour envoi au Bureau d’Aide Juridictionnelle. "

Quel est le gain que vous estimez, en temps, fiabilité... ?

"Les avocats que nous avons consultés rapportent que remplir un dossier d’AJ peut prendre entre 1 et 2 heures de leur temps, pour récolter les informations et les pièces jointes et déterminer leur éligibilité.

En moyenne, les utilisateurs du formulaire automatique mettent 35 minutes à remplir la demande, mais peuvent le faire sans assistance. Les plus rapides peuvent mettre moins de 20 minutes."

Comment faire pour l’utiliser ? Est-il destiné à devenir payant un jour ?

"Pour l’instant, l’outil est disponible à tous et de manière 100 % gratuite sur https://www.relaxlegal.fr/easyaj. Le service est proposé de manière purement et bénévole et les données personnelles sont supprimées tous les trois jours.

L’outil n’est jamais destiné à devenir payant pour les justiciables souhaitant remplir le formulaire.
D’autres éléments du site pourraient être amenés à exister et être monétisés à l’avenir pour le financer (blog, autres outils) mais cela n’est pas le cas à l’heure actuelle."

Le résultat de votre "remplissage de formulaire" est-il 100% garanti "conforme" ?

"Non. Cet outil en est encore au stade expérimental. Avant d’y accéder, nous demandons à chaque utilisateur de reconnaître qu’il ne pourra nous être reproché une quelconque faute dans le cas d’un refus de demande d’aide juridictionnelle sur son remplissage, qui dépend également de la rigueur avec laquelle la personne utilise le formulaire automatisé.

Nous pensons qu’il peut s’agir d’une aide précieuse pour gagner du temps, surtout pour certaines associations, mais il est essentiel de bien relire sa demande avant de la soumettre. "

Zacharie Laïk - Juriste stagiaire en cabinet d'avocats Marouane Issaf - Etudiant en droit

[1Marouane est étudiant en droit public. Il est titulaire d’un Master II en Affaires publiques à l’université Panthéon-Sorbonne
Marouane a rédigé plusieurs articles et a participé à l’élaboration de la logique conditionnelle. Il est chargé du volet demandes en langues étrangères.

[2Zacharie est stagiaire en droit des affaires. Il est titulaire d’un LL.M à l’université de Northwestern et inscrit au barreau de New York.
Zacharie a contribué à l’élaboration de la logique conditionnelle et a construit l’outil en ligne en utilisant une plateforme de programmation sans code.