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Entrepreneur individuel en difficulté : le dispositif est désormais opérationnel.
Parution : dimanche 10 juillet 2022
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Depuis le 17 juin 2022, le volet légal relatif au traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel institué par la loi du 14 février 2022, à compter du 15 mai 2022, est complété par le décret du 14 juin 2022, ce qui le rend désormais applicable.

Cet article est issu de la documentation Recouvrement de créances et procédures d’exécution des Editions Législatives.

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On sait que le statut nouveau de l’entrepreneur individuel, institué par la loi n°2022-172 du 14 février 2022 se compose schématiquement de deux volets : le premier envisage le statut de l’entrepreneur in bonis en dessinant les contours de « ses » patrimoines » et en encadrant les actes dont il peut être l’objet, tandis que le second traite des difficultés dudit entrepreneur. Les articles L. 681-1 et suivants du code de commerce en constituent la matière légale. Des dispositions réglementaires étaient attendues pour rendre ce volet opérationnel (C. com., art. L. 681-4), c’est désormais chose faite par le décret du 14 juin 2022 relatif au traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel (D. n° 2022-890, 14 juin 2022 : JO, 16 juin).

Comme souvent, le texte comprend deux types de mesures : les premières, plus substantielles, précisent les modalités d’application des articles L. 681-1 et suivants du code de commerce et anticipent la délicate question des litiges qui ne manqueront pas de naître à cette occasion ; les secondes, de coordination et d’harmonisation, sont nécessaires mais formelles pour ancrer – « encrer » ? – le statut nouveau de l’entrepreneur individuel dans les textes

Traiter la procédure collective

Ouverture

Le débiteur doit, lors de sa demande d’ouverture d’une procédure collective, présenter, outre les éléments évoqués à l’article R. 681-1, I, 1° du code de commerce (« La situation de trésorerie, l’état chiffré des créances et des dettes, l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan et l’inventaire sommaire des biens du débiteur exigé par les 2° et 5° à 7° de l’article R. 621-1 et les 3° et 5° à 7° de l’article R. 631-1 sont présentés en distinguant les biens, droits ou obligations du débiteur relevant du patrimoine professionnel et ceux relevant du patrimoine personnel. Les actes de renonciation à la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel prévus à l’article L. 526-25 sont mentionnés en précisant le nom du créancier concerné ainsi que le montant de l’engagement »), les pièces et informations mentionnées aux articles R. 721-2 et R. 721-3 du code de la consommation, soit ses noms, prénoms, adresse et sa situation familiale, un état détaillé de ses revenus et des éléments actifs et passifs de son patrimoine, le nom et l’adresse des créanciers, les procédures d’exécution en cours à l’encontre de ses biens ainsi que les cessions de rémunération qu’il a consenties à ses créanciers, s’il fait l’objet d’une mesure d’expulsion de son logement et, lorsqu’il bénéficie d’une mesure d’aide ou d’action sociale, le nom et les coordonnées du service chargé de cette mesure (C. com., art. R. 681-1, I, 2°).

Décision du tribunal

Le tribunal apprécie dans un même jugement si les conditions d’ouverture de la procédure collective ou du surendettement des particuliers sont alternativement ou cumulativement réunies (C. com., art. R. 681-3, al. 1er). La saisine de la commission de surendettement par le tribunal (C. com., art. L. 681-2, IV ; C. com. L. 681-3, al. 2) a lieu avec l’accord du débiteur, lequel peut être recueilli lors de l’audience au cours de laquelle le tribunal examine la demande d’ouverture d’une procédure collective prévue aux titres II à IV du livre VI du code de commerce (C. com., art. R. 681-2).

Anticiper les contentieux

Notification de la décision

Le greffier notifie au débiteur la décision de rejet de la demande d’ouverture de la procédure collective (C. com., art. R. 681-4 al. 3), ouvrant ainsi la possibilité d’une contestation de cette dernière. Il lui incombe également de transmettre sans délai au secrétariat de la commission de surendettement éventuellement saisie, une copie du jugement et de l’ensemble des pièces du dossier (C. com., art. R. 681-3, al. 2 et 3). Dans ces mêmes cas (C. com., art. L. 681-2, IV ; C. com., art. L. 681-3, al. 2), le greffier notifie le jugement au débiteur et aux créanciers dont l’existence a été signalée par le débiteur ; il en avise également le mandataire judiciaire, le ministère public et l’administrateur judiciaire lorsqu’il en a été désigné un. En revanche, la notification aux organismes et personnes mentionnés aux articles R. 722-1 (créanciers, établissements de paiement et établissements de crédit teneurs de comptes du déposant) et R. 722-6 (agents chargés de l’exécution, éventuellement greffier en chef du tribunal judiciaire en charge de la procédure de saisie des rémunérations ou de la cession des rémunérations) du code de la consommation, est effectuée par la commission de surendettement (C. com., art. R. 681-4, al. 2).

Contestation de la séparation des patrimoines

Respecter ou non l’étanchéité des patrimoines professionnel et personnel sera une interrogation au cœur des procédures collectives ouvertes à l’encontre d’un entrepreneur individuel. Deux dispositions du décret l’illustrent. En premier lieu, ce dernier modifie l’article R. 621-8-1, alinéa 1er du code de commerce lequel dispose désormais que « Pour l’application des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 621-2, le tribunal est saisi par voie d’assignation aux fins d’extension de la procédure ou de réunion des patrimoines de l’entrepreneur ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévues à l’article R. 631-4 ». Autrement écrit, sont précisées les modalités de mise en œuvre d’une redoutable menace pour l’entrepreneur individuel : l’action en réunion des patrimoines en cas de confusion. En second lieu, le greffier du tribunal de commerce reçoit par ailleurs la déclaration du créancier, non partie à un jugement mentionné à l’article R. 681-5, qui entend contester la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel, dans un délai de 10 jours à compter de la notification qui lui a été faite, ou à compter de la publication du jugement au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (C. com., art. R. 681-6, al. 1er). Dans ce cas, le greffe convoque par tout moyen l’entrepreneur individuel, les créanciers connus, le mandataire judiciaire, le ministère public et l’administrateur judiciaire, lorsqu’il en a été désigné un (C. com., art. R. 681-6, al. 2). Le tribunal recueille leurs observations et statue sur l’ensemble des contestations soulevées. Le greffe notifie sa décision laquelle est susceptible d’appel dans un délai de 10 jours à compter de sa notification (C. com., art. R. 681-6, al. 3).

Mesures d’harmonisation et de coordination

Parmi ces mesures formelles, il faut remarquer la suppression des mots « individuel à responsabilité limitée » aux articles R. 611-10, R. 611-11, R. 611-19 et R. 611-46-1 du code de commerce, marqueur de l’unification du traitement des entrepreneurs individuels (D., art. 1er, I). Concrétisation de la logique d’harmonisation, il faut noter la création d’un article R. 752-2 du code de la consommation disposant que « Dès que la commission de surendettement est saisie en application du IV de l’article L. 681-2 du code de commerce ou de l’article L. 681-3 de ce code, elle en informe la Banque de France pour qu’il soit procédé à l’inscription prévue à l’article L. 752-2. La commission informe également la Banque de France, aux mêmes fins, lorsqu’elle est saisie par la cour d’appel statuant sur un recours formé contre une décision de rejet de la demande d’ouverture mentionnée à l’article L. 681-1 du code de commerce » (D., art. 2). Disposition technique mais nécessaire qui renvoie en creux au partage des compétences et à la collaboration qui devra s’instaurer entre le tribunal de commerce ou judiciaire et la commission de surendettement ; ce partage fait lui-même écho sur le terrain processuel à la distinction fondamentale des patrimoines professionnel et personnel instituée au bénéfice de l’entrepreneur individuel.

Thierry Favario, Maître de conférences HDR, Université Jean Moulin Lyon 3
D. n° 2022-890, 14 juin 2022 : JO, 16 juin

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