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Bébés secoués : comment sont sanctionnés les auteurs ? Par Avi Bitton et Juliette Levavasseur, Avocats et Aurore Pécourt, juriste.
Parution : mercredi 13 juillet 2022
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Qu’est-ce que le syndrome du bébé secoué ?
Quelles sont les peines pénales encourues par l’auteur ?

Le syndrome du bébé secoué (SBS) est un traumatisme crânien non accidentel (TCNA) grave provoqué par un secouement seul ou associé à un impact. Il s’agit d’une maltraitance infantile.

En France, la Haute autorité de la santé estime qu’une centaine de bébés en sont victimes chaque année. Le syndrome du bébé secoué survient le plus souvent chez un nourrisson de moins d’un an et dans deux tiers des cas de moins de six mois.

Les conséquences peuvent être très lourdes : décès, séquelles de traumatisme crânien (retard mental, paralysie, cécité, épilepsie, …).

Il n’existe pas de profil d’auteur « type ». Il peut s’agir des détenteurs de l’autorité tels que les parents, ou des professionnels de la petite enfance tels que l’assistant maternel. L’acte intervient souvent dans des circonstances d’extrême épuisement et de solitude ou bien d’un sentiment d’être totalement démuni face à un bébé qui pleure depuis des heures.

Il peut aussi intervenir dans un contexte de violences conjugales.

Pour que l’auteur de l’acte soit sanctionné, l’infraction pénale doit être constituée. Il faut deux éléments cumulatifs : l’élément matériel et l’élément moral.

Premièrement, l’élément matériel se traduit par l’acte de secouement réalisé par l’auteur. Deuxièmement, l’élément moral correspond à l’attitude psychologique de l’auteur au moment de l’acte.

D’après les études scientifiques, le syndrome du bébé secoué est provoqué à la suite d’un geste spécifique de secouement. Ainsi, il est considéré que l’acte est nécessairement volontaire, quand bien même l’auteur n’a pas voulu le résultat, c’est-à-dire les préjudices du bébé.

Alors que l’auteur de l’acte s’expose tant à des sanctions pénales (I.) que civiles (II.), il faut noter que l’entourage de l’auteur peut aussi être poursuivi pour non-assistance à un mineur de quinze ans en péril, punie de quinze ans de réclusion criminelle (article 223-6 du code pénal).

Les proches peuvent être également poursuivis pour non-dénonciation de mauvais traitements infligés à un mineur (article 434-3 du code pénal).

I. Les sanctions pénales.

A. Les peines principales.

Les peines diffèrent en fonction de la gravité du préjudice subi.

Alors que les crimes, infractions les plus graves, sont jugées devant la Cour d’assises (1.), les délits sont jugés devant le tribunal correctionnel (2.).

1. Les crimes.

a. Dans le cas de la mort du bébé.

Si l’auteur a eu la volonté de tuer le bébé, il s’agit d’un meurtre qui est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis sur un mineur de quinze ans.

Lorsque la réclusion criminelle à perpétuité est prononcée par la juridiction, une période de sûreté, pendant laquelle le condamné n’aura droit à aucun aménagement de peine, est automatiquement prononcée pour une durée de dix-huit ans (articles 221-4 et 132-23 du code pénal). Exceptionnellement, la période de sureté peut être portée à 22 ans par décision spéciale de la juridiction.

Si l’auteur n’a pas eu la volonté de tuer le bébé, il s’agit de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, infraction punie de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu’elle est commise sur un mineur de quinze ans et de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’elle est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur.

Une période de sûreté d’une durée de la moitié de la peine est automatiquement prononcée si la peine prononcée est égale ou supérieure à dix ans et non assortie du sursis (articles 222-8 et 132-23 du code pénal).

b. Dans le cas d’une mutilation ou une infirmité permanente.

Les séquelles entraînées par le secouement peuvent être qualifiées d’infirmités permanentes (privation de l’usage d’un membre, cécité, surdité, atteinte grave et définitive aux facultés mentales).

L’auteur, s’il est un ascendant ou une personne ayant autorité sur le mineur, encourt vingt ans de réclusion criminelle. Une période de sûreté d’une durée de la moitié de la peine est automatiquement prononcée si la peine prononcée est égale ou supérieure à dix ans et non assortie du sursis (articles 222-10 et 132-23 du code pénal).

2. Les délits.

L’incapacité totale de travail correspond à la gêne fonctionnelle dans les activités du quotidien conformes à celles qui peuvent être attendus pour son âge. L’incapacité est constatée par un médecin et permet au magistrat d’apprécier la gravité des conséquences de violences.

a. Dans le cas d’une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

L’auteur s’il est un ascendant ou une personne ayant autorité sur le mineur, encourt une peine de dix ans d’emprisonnement et une amende de 150 000 euros. Si la peine maximale de dix ans est prononcée, une période de sûreté d’une durée de la moitié de la peine s’applique (articles 222-12 et 132-23 du code pénal).

Si la peine d’emprisonnement prononcée est inférieure à dix ans mais supérieure à cinq ans et n’est pas assortie du sursis, le juge a alors la faculté de fixer une période de sureté.

b. Dans le cas d’une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail.

L’auteur encourt une peine de comprise entre trois ans et cinq ans d’emprisonnement selon que les violences ont été ou non commises par un ascendant ou une personne ayant autorité sur le mineur (article 222-13 du code pénal).

B. Les peines complémentaires.

Le condamné encourt également des peines complémentaires. En effet, le juge peut notamment prononcer une interdiction définitive ou temporaire d’exercer l’activité professionnelle à l’occasion de laquelle l’infraction a eu lieu ; et/ou, une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs (articles 221-8 et suivants, 222-44 et suivants du code pénal).

A titre d’exemple, le juge a prononcé à l’encontre d’une assistante maternelle, en sus d’une peine d’emprisonnement, une interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle impliquant un contact habituel avec des mineurs (Crim, 16 juin 2015, n°14-85.136).

II. L’indemnisation des victimes.

L’auteur est condamné à verser des dommages et intérêts à la victime (enfant) et à sa famille (parents, sauf au parent qui serait l’auteur des faits).

Si l’auteur des faits est insolvable – ce qui est souvent le cas au vu du montant élevé des indemnisations – les indemnités sont versées par le Fonds de garantie des victimes (FGTI) après que la victime ait saisi la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI). Le FGTI se retournera ensuite contre l’auteur.

D’autres mesures peuvent prises à l’encontre de l’auteur :

III. Les autres mesures.

En cas de crime ou délit commis par l’un des parents sur son enfant, la juridiction pénale peut prononcer le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de cette autorité.

Si l’infraction est un meurtre, la juridiction est obligée de se prononcer sur la question du retrait de l’autorité parentale ou de l’exercice de l’autorité parentale (articles 221-5-5 du code pénal et 378 du code civil).

Par ailleurs, au vu de la gravité des faits, le Procureur de la République peut décider d’un placement d’urgence de l’enfant pour éviter la réitération des faits. S’il apparaît que la sécurité du mineur n’est plus assurée chez ses parents, le juge des enfants peut ensuite être saisi pour se prononcer sur un placement à plus long terme

Lorsque l’auteur de l’acte est assistant maternel, le président du conseil départemental décide du retrait ou de la suspension de son agrément.

Avi Bitton et Juliette Levavasseur, Avocats, et Aurore Pécourt, juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]