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Décrocher un Volontariat International pour un juriste : mission impossible ? Par Jeanie Brunet, Juriste.
Parution : mardi 19 juillet 2022
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Quelques conseils pour les juristes souhaitant décrocher un Volontariat International (V.I.E./V.I.A.)...

Près de 8 000 français bénéficient actuellement d’un volontariat international. 40 000 sont candidats à cette expérience qui leur permettra de vivre à l’étranger, de donner un élan à leur carrière et de développer leurs compétences professionnelles [1].

Qu’est-ce qu’un volontariat international ? Il s’agit d’une mission professionnelle à l’étranger de 6 à 24 mois accessible aux français ou ressortissants de l’Espace économique européen de 18 à 28 ans [2]. Ce dispositif de mobilité est une forme de service civique rémunéré par une indemnité [3].

Le volontariat international se décline sous deux formats. Le Volontariat International en Administration (V.I.A.) qui permet de partir pour l’État français à l’étranger et le Volontariat International en Entreprise (V.I.E.) qui s’effectue lui dans une entreprise française à l’étranger.

La plupart des postes sont à pourvoir en Belgique, aux États-Unis et en Allemagne [4].

Pour un juriste, décrocher un volontariat international n’est pas chose aisée. En effet, la plupart des offres V.I.E. demandent un diplôme d’une école de commerce ou d’une école d’ingénieur, une minorité sont destinés aux diplômés d’un Master universitaire.

Pour les V.I.A., moins nombreux, la proportion semble être inversée [5].

Peu d’offres sont expressément accessibles aux personnes ayant suivi des études de droit.

On retrouve ainsi des V.I.E. avec un diplôme de droit en poste de juriste droit des affaires, juriste en propriété intellectuelle mais aussi chargé de conformité, chargé d’expansion internationale, chargé de recouvrement, délégué à la protection des données, commercial etc. Pour les V.I.A., certains sont chargé de mission arts & culture, assistant douanier, chargé de mission politique, agent de visas, etc.

Les opportunités sont variées. Encore faut-il mettre toutes les chances de son côté.

Certaines astuces sont bonnes à prendre et permettent d’accélérer la recherche. Voici celles que je vous propose :

1. Tourner son profil vers l’international.

Un bon niveau en langue.

Trouver un V.I. demande de démontrer ses compétences linguistiques. Le niveau en langues doit être en mis en avant dans sa candidature. Les barres de niveaux indiqués sur les CV sont peu claires. Mieux vaut privilégier le cadre européen commun de référence pour les langues [6], (A1, A2, etc.). Le mieux étant bien sûr de pouvoir attester de son niveau par des certificats ; le Toeic pour la langue anglaise par exemple.

Son niveau peut bien sûr aussi être justifié par l’obtention d’un diplôme ou des études à l’étranger, comme une licence en droit franco-anglais, un L.L.M. ou un cursus Erasmus.

La maîtrise de la langue du pays d’accueil n’est pas toujours requise, parfois seul l’anglais est nécessaire. Ainsi, seuls 23% des V.I.E. ont un niveau de langue bilingue de leur pays d’accueil avant de partir en mission [7], 22% des V.I.E. n’en ont aucune maîtrise [8].

Connaître la langue du pays de l’offre reste bien sûr un avantage.

Maîtriser une langue « rare », soit autre que l’anglais ou l’espagnol est aussi un atout :

« Je souhaitais trouver un V.I. en Allemagne. Du fait du déficit de candidats germanophones, j’étais consciente d’avoir plus de chance du fait de ma connaissance de l’allemand. J’ai ainsi été retenue pour un poste initialement destiné à une personne sortant d’une école de commerce ou d’une école d’ingénieur » (Juliette, Munich, Allemagne).

Un attrait pour l’étranger.

Exposer son attrait pour l’étranger dans sa candidature démontre au recruteur sa capacité d’adaptation et ses motivations.

Cet intérêt pour l’international peut être attesté par des études ou des stages professionnels effectués à l’étranger. 76% des V.I.E. ont ainsi déjà eu une expérience à l’international pendant leurs études [9].

Il est aussi possible de montrer cette ouverture vers l’international par des stages linguistiques, des voyages de longue durée ou une activité associative à l’étranger par exemple.

Bien sûr, il est toujours possible de faire autrement :

« Mon parcours de droit était franco-français, je n’avais aucune expérience à l’étranger, aucun long séjour même, seulement de courtes vacances... Mes expériences dans un domaine recherché par les recruteurs ont fait la différence. J’ai, en revanche, dû faire valoir mon niveau en anglais durant mes entretiens d’embauche » (Sophie, New-York, États-Unis).

2. Compléter son profil avec une discipline complémentaire.

Pour les V.I.A., acquérir des compétences dans des domaines extérieurs au droit ne semble pas nécessaire. Avoir un diplôme en droit international permet notamment d’y accéder.

Pour les V.I.E. c’est cependant souvent le cas, du fait de la rareté des offres clairement destinées aux juristes.

« Le conseil que je donnerais aux juristes est d’avoir une vraie valeur ajoutée afin de se démarquer d’un juriste traditionnel et de pouvoir rivaliser avec des profils sortant d’une école de commerce » (Niagalé, Munich, Allemagne).

Pour les privatistes.

Certains, notamment des privatistes, ont acquis durant leur cursus des compétences extra-juridiques : un cursus en école de commerce en parallèle des études de droit par exemple, une double Licence droit-gestion, un master 2 gestion de patrimoine financier, en droit fiscal des entreprises ou en droit des affaires comparé, des stages en conformité, etc.

« Bien choisir son orientation, ses matières durant son cursus universitaire facilite la recherche de V.I.E. Le droit commercial, la propriété intellectuelle, le droit des contrats avec une dimension anglo-saxonne sont bien sûr des matières qui se prêtent naturellement à une expérience à l’international » (Madeleine, Houston, Etats-Unis).

Pour les publicistes.

Les publicistes ont quant à eux un cursus destiné à la fonction publique et qui ne leur demande a priori pas d’avoir des compétences dans des domaines autres que le droit.

« J’ai rapidement vu qu’avec un profil publiciste, les V.I.A. étaient plus accessibles mais que cela prendrait plus de temps, la compétition étant rude. J’ai décidé, parallèlement à mes candidatures et à mon emploi dans l’administration, d’acquérir des compétences en comptabilité. J’ai suivi des cours en ligne en comptabilité et j’ai été étudiante dans une petite école de commerce en cours du soir. Mon profil est devenu plus attractif et j’ai décroché un V.I.E.. » (Juliette, Munich, Allemagne).

3. Derniers petits conseils.

Avoir une candidature irréprochable.

Pour candidater à un V.I., il est préférable d’avoir un projet professionnel clair sur son CV et de créer une ligne de continuité entre ses expériences, une logique.

« Un juriste candidat à un V.I. doit avoir un projet. Son CV doit présenter un parcours cohérent, lisible et démontrer avant tout de la rigueur. La rigueur est la qualité recherchée par les recruteurs pour les postes de juristes. Les centres d’intérêt peuvent aussi apporter un petit plus » (Nicolas, Bucarest, Roumanie).

Il faut aussi adapter sa candidature au contexte du volontariat international, comme vu précédemment, à chaque offre, et à chaque pays (absence de photo pour les CV anglo-saxons, rédaction du CV en langue anglaise, etc.).

Démontrer son habileté relationnelle est aussi important. Cela peut se faire à travers les expériences associatives par exemple.

Le manque d’expérience d’un juriste peut être compensé par les jobs d’été, les activités associatives et les travaux universitaires réalisés.

Susciter sa chance.

Il faut se donner les moyens de trouver un volontariat international.

On peut ainsi entrer dans une entreprise à dimension internationale pour anticiper un V.I.E., demander à son entreprise en interne de faire un V.I.E., envoyer des candidatures spontanées (25% des missions VIE ont lieu grâce à la candidature spontanée) [10], effectuer une veille journalière des offres, se déplacer sur les salons, prendre des conseils sur les groupes Facebook des V.I., etc.

La motivation et la confiance en soi sont aussi ce qui va permettre d’atteindre ses objectifs.

« Je donnerais comme conseil de postuler même si l’on n’estime ne pas avoir le profil idéal et de ne pas délimiter sa zone de recherche. Le V.I. est sélectif, se limiter revient à se mettre une balle dans le pied » (Rouwaida, Alger, Algérie).

« Si l’on postule à une offre, c’est que soit l’on est motivé, soit l’on a les compétences, soit les deux. Il ne faut donc pas hésiter à postuler » (Madeleine, Houston, Etats-Unis).

Je remercie tous les V.I., en poste ou alumnis, pour leurs témoignages. Certains prénoms ont été anonymisés pour la rédaction de cet article.

Jeanie Brunet, Juriste

[1Site web « Mon Volontariat International Par Business France », Section « Le Volontariat International ». Accès en ligne : Civiweb - Home page (civiweb-fo-dev.azurewebsites.net) (dernière connexion le 18.07.2022).

[2Art. L122-1 et L122-3 du Code du service national.

[3Voir Arrêté du 15 janvier 2016 fixant le montant de l’indemnité supplémentaire attribuée aux volontaires internationaux en administration, Arrêté du 25 juin 2020 fixant par pays et par groupe les taux de l’indemnité d’expatriation, de l’indemnité de résidence à l’étranger et de l’indemnité supplémentaire et Arrêté du 4 mai 2021 fixant le montant de l’indemnité supplémentaire des volontaires internationaux en entreprise.

[4Site web du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, Section « Politique étrangère de la France » > « Diplomatie économique et commerce extérieur » > « Soutenir les français à l’étranger » > « Le Volontariat International en Entreprise ». Accès en ligne : Le Volontariat international en entreprise (V.I.E) - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (diplomatie.gouv.fr) (Dernière connexion le 18.07.2022).

[5Site web Mon Volontariat International powered by Business France, Section « Les offres de mission V.I.E. V.I.A. » > « Toutes les offres ». Accessible en ligne : Mon Volontariat International - official VIE | VIA web site (businessfrance.fr) (Dernière connexion le 18 juillet 2022).

[6Voir le site web Eduscol du Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse présentant Le Cadre européen commun de référence pour les langues. Accessible en ligne : Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) | éduscol | Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse - Direction générale de l’enseignement scolaire (education.fr)(Dernière connexion le 18 juillet 2020).

[7EDHEC - Business France, Les graduates programmes tiennent-ils leurs promesses ? Le VIE, l’exception française accélérateur de carrière, 18 octobre 2018.

[8Deghaye F., Le V.I.E. accélérateur de carrière, une étude de l’EDHEC, 22 octobre 2008, Accessible en ligne : Le V.I.E. accélérateur de carrière, une étude de l’EDHEC - Business Cool (business-cool.com) (Dernière connexion le 18 juillet 2022).

[9Deghaye F., Le V.I.E. accélérateur de carrière, une étude de l’EDHEC, 22 octobre 2008, Accessible en ligne : Le V.I.E. accélérateur de carrière, une étude de l’EDHEC - Business Cool (business-cool.com) (Dernière connexion le 18 juillet 2022).

[10Selon Ma V.I. News, N°11 - Juin 2022.

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