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Salaires : la charge de la preuve de la part variable, son origine et son calcul. Par Cécile Villié, Avocat.
Parution : mardi 19 juillet 2022
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Si le salarié doit fournir un minimum de documents à l’appui de ses demandes en rappel de salaires, les juges de la haute cour ont rappelé de manière non équivoque, que la charge de la preuve revient exclusivement à l’employeur qui, lorsqu’il se dit libéré de l’obligation de paiement d’une rémunération variable, doit en rapporter la preuve ainsi que toutes précisions utiles permettant de déterminer l’origine et le mode de calcul de cette rémunération [1].

Pour comprendre cette obligation, il convient de l’analyser à la fois sous le prisme de la charge de la preuve de l’article 1353 du Code civil et la volonté de protéger la partie faible dans le contrat de travail.

Ainsi, l’alinéa 1 de l’article qui dispose « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » doit s’entendre en ceci que le salarié doit apporter la preuve minimale de ses demandes, par exemple en fournissant ses fiches de paie.

L’alinéa 2 qui précise « Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » doit quant à lui être analysée de manière plus stricte.

Cette décision marque la volonté de la Cour de cassation de donner une ligne directrice claire en matière de litiges sur les rappels de salaires. Le salarié étant dépourvu de moyens, il n’a pas à fournir l’ensemble des éléments à l’appui de ses demandes. La relation qui lie un salarié à son employeur est inégalitaire au profit de l’employeur, c’est donc à ce dernier d’apporter les éléments utiles à la détermination du salaire dû comme les PV, les comptes d’exploitation, les accords, etc.

En l’espèce, un cadre commercial engagé le 19 août 2003 a été licencié pour faute lourde le 16 février 2016. Il conteste son licenciement et demande un rappel de salaires sur la partie variable de sa rémunération de l’année 2015. Le contrat de travail du salarié prévoyait

« une prime de résultat annuelle en fonction d’objectifs individuels et collectifs fixés chaque année ».

En appel, le salarié est débouté de ses demandes au motif qu’il n’a fourni aucun élément relatif à ses résultats individuels, éléments qui, si l’on en croit la cour d’appel, auraient permis de justifier le versement de la part variable de salaire. Il se pourvoit alors en cassation en affirmant que la charge de la preuve revenait à l’employeur, lequel se devait

« de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable (…) et, lorsqu’il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation ».

Ses demandes sont très favorablement accueillies par les juges de la Cour de cassation qui consacre à nouveau la solution selon laquelle, en matière de rappels de salaires, la charge de la preuve revient exclusivement à l’employeur. De fait, la Cour de cassation en déduit que l’employeur, lorsqu’une part variable de salaire existe, doit en préciser l’origine, le mode de calcul et prouver que celle-ci a été versée [2].

Toutefois, si l’on peut se réjouir de la position tranchée de la Cour sur le sujet, on peut néanmoins craindre la complexification des litiges concernant les rappels de salaire, avec des demandes systématiques des salariés.

Cécile Villié avocat - droit du travail www.villie-avocat.com [->contact@villie-avocat.com]

[1Cass. soc., 29 juin 2022, 20-19.711.

[2Cass. soc., 29 juin 2022, 20-19.711.