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Justice guinéenne : un modèle de règlement de conflits à l’épreuve des croyances. Par Abdoul Bah, Juriste.
Parution : lundi 25 juillet 2022
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L’institution du mode de règlement des conflits à l’occidentale remonte à l’épode coloniale, un système dont la philosophie de fonctionnement est différente de celle africaine de manière générale.
En raison de ce choc culturel et juridique, les justiciables fuyaient la justice qu’ils considéraient comme celle du « colon » et surtout de nature à heurter leurs croyances notamment religieuses.

En effet, pour le justiciable lambda, l’homme ne peut prétendre à accéder à la fonction de juge qui appartiendrait à la divinité seule, et que toute idée contraire serait de nature à offenser « dieu(x) ».

En outre, pour bon nombre de justiciables, le droit religieux prime sur le droit positif, et par conséquent, devrait s’appliquer normalement.

Ainsi, par exemple, l’exercice des métiers du droit (juge ou avocat par exemple) n’est pas autorisé par l’islam pour certains, la « charia » n’étant pas la loi en vigueur.

Des parents d’ailleurs sont assez réticents à l’idée que leurs enfants se projettent de devenir avocats ou juges par exemple.

Or de telles croyances procèdent d’une compréhension erronée de la religion.

Concernant le juge, si c’est en raison de la loi applicable que son métier est « islamiquement » prohibé, loi dont le peuple est indirectement à l’origine, il ne peut être seul tenu responsable, à admettre que la prohibition soit fondée.

Autrement dit, la fonction du juge se limite à appliquer la loi (dire le droit) votée par l’assemblée nationale élue par le peuple dont font partie ceux qui préfèrent, du moins théoriquement, le droit religieux au droit positif.

Au-delà du point de vue religieux, le choc culturel se matérialisait par l’inadaptation aux situations quotidiennes des justiciables de la législation imposée.

Partant, dès lors qu’ils ne se reconnaissaient pas dans les références de la justice institutionnelle, les justiciables, outre le fait de s’en méfier, vont malgré tout continuer à se référer à leurs normes traditionnelles.

En d’autres termes, ils privilégiaient la justice de réconciliation, modèle de résolution des conflits dont l’un des principes de base consiste à mettre à profit le temps « la palabre » afin de parvenir à un consensus qui permet de rétablir les liens sociaux brisés, la cohésion du groupe devant être préservée en toute circonstance.

Chemin faisant, des problématiques de nature nouvelle naissant (violences faites aux femmes par ex.), ils se rendent compte que leurs normes de références n’offraient plus de solutions adaptées.

Pourtant, force est de constater que la tendance actuelle de bon nombre de législations (française par ex.) est de faire de plus en plus place aux modes de règlement amiable des différends.

Les avantages du recours à ces derniers par rapport au recours au règlement classique des différents n’étant plus à démontrés, il serait important que le législateur s’y intéresse davantage, ce dans la mesure où cette culture de régler les conflits est encore présente dans la société.

Abdoul Bah Juriste