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Documents d’identité de l’enfant et co-parentalité. Par Barbara Régent, Avocate.
Parution : mardi 2 août 2022
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Sauf exception, les deux parents exercent l’autorité parentale de manière égalitaire, indépendamment du temps de présence de l’enfant auprès de chacun de ses deux parents.
Cette règle a une incidence sur la question, sensible, de la détention parentale des documents d’identité de l’enfant.

En application de l’article 371-1 du Code civil, les deux parents sont, en principe, tous deux titulaires de l’autorité parentale, quel que soit le mode de résidence de l’enfant (droit de visite restreint, classique, élargi, résidence alternée…).
Ce principe de co-parentalité se traduit par l’obligation, pour les deux parents, de prendre ensemble les décisions les plus importantes guidant la vie de l’enfant, par exemple en matière de santé et de religion.
Les deux parents doivent donc être associés et en accord sur ces choix fondamentaux qui ne relèvent pas d’actes courants ou usuels qu’un parent peut prendre seul.
La co-parentalité a également d’autres conséquences concrètes : en particulier, le parent doit remettre à l’autre les documents d’identité de l’enfant, qu’il s’agisse du passeport ou de la carte nationale d’identité, au moment du passage de bras.

La jurisprudence est constante : ces documents doivent suivre l’enfant lors de ses déplacements au domicile du père ou de la mère.

Trois décisions peuvent être citées pour illustrer ce contentieux malheureusement très fréquent :
- CA Versailles, 6 mai 2021, n° 20/04652 : « Considérant qu’il sera rappelé à chacun des parents qu’au début de leur garde (fins de semaine et vacances), il doit être en possession des cartes d’identité des enfants et de leurs carnets de santé, et en cas de départ à l’étranger de leur passeport   ».
- CA Versailles, 19 déc. 2013, n° 12/08142 : « il y a lieu d’ordonner à G D de remettre à A X les documents qui doivent suivre l’enfant soit : le passeport, le carnet de santé, l’attestation de sécurité sociale et de mutuelle et ceci lors de l’exercice de chaque droit de visite et d’hébergement du père ».
- CA Paris, pôle 3 - ch. 3, 31 mai 2012, n° 10/04248 : « Considérant que la carte nationale d’identité et le passeport de Valentine ainsi que son carnet de santé lui appartiennent ; que ces documents doivent donc suivre l’enfant lors de ses déplacements ».

Ce sujet ne doit pas être confondu avec les règles de sortie de territoire. L’article 373-2-6 du Code civil dispose que le juge peut ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. Toutefois, « l’interdiction de sortie du territoire est une mesure qui doit revêtir un caractère exceptionnel et qui ne doit être ordonnée qu’en raison de causes graves. Le fait que le père demeure dans un pays étranger ne saurait constituer une raison suffisante à l’instauration d’une telle mesure » (CA Aix-en-Provence, 22 juin 2017, n° 16/12926).

Les documents d’identité doivent donc suivre l’enfant et il ne faut pas les retenir abusivement sous peine de voir le juge saisi, lequel pourra prononcer éventuellement des injonctions sous astreinte. Il faut avant tout penser que c’est l’enfant qui sera pénalisé dans sa possibilité de partir en congé, dans sa liberté d’aller et venir qui est un droit fondamental... Bien évidemment, s’il existe un risque de déplacement illicite de l’enfant, des procédures sont à mettre en place en urgence.

En conclusion, d’une manière générale, au-delà du sujet des documents d’identité, la co-parentalité est un sujet fondamental pour la construction équilibrée de l’enfant. Très souvent, ce dernier est né d’un projet parental sincère, authentique et profond. Et de désirs communs de ce que les parents rêvent qu’il devienne. Rétablir un dialogue constructif est, à l’évidence, de l’intérêt de tous. C’est d’abord l’intérêt des enfants qui, chacun le sait, sont toujours les premières victimes des litiges parentaux. Les conflits de loyauté auxquels ils peuvent être exposés font des dégâts considérables sur leur développement présent et à venir, sur leur équilibre leur scolarité, leur santé…C’est aussi, bien sûr, l’intérêt des deux parents car en niant le rôle voire l’existence de l’autre, ils s’exposent non seulement à la réciprocité, mais aussi à un transfert de résidence et parfois même à un placement de l’enfant. En effet, l’article 373-2-11 du Code civil dispose que le juge détermine la résidence de l’enfant en fonction, notamment, de l’aptitude de chaque parent à respecter les droits de l’autre.
Les modes amiables de règlement des différends (MARD) permettent bien souvent de mettre un terme à l’escalade et de respecter l’enfant dans son besoin de grandir en paix. Mais la sérénité fait aussi partie des besoins des adultes et de la famille au sens le plus large (beaux-parents, grands-parents, demi-frères et sœurs…). Les modes amiables peuvent permettre de trouver la solution adaptée à chaque famille avec comme objectif prioritaire la reprise d’une communication apaisée pour une vie sereine. Pour y parvenir, il est préférable de recourir à un avocat formé à la résolution non-contentieuse des conflits.

Barbara Régent, Avocate au Barreau de Paris, Co-fondatrice de l'association "Avocats de la Paix" https://www.regentavocat.fr/