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Installation photovoltaïque inachevée ? Pas de crédit à rembourser. Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : vendredi 5 août 2022
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Le 27 juillet 2022, le Tribunal judiciaire de Bar-le-Duc a exonéré une victime d’un professionnel du photovoltaïque qui n’avait pas achevé ses devoirs, de rembourser le crédit lié à son acquisition.

En matière d’installation de panneaux photovoltaïques, il n’est pas rare que des banques prêteuses se voient reprocher d’avoir transmis au vendeur-installateur le montant du crédit, alors que le contrat principal n’a pas été totalement exécuté par ledit vendeur.

La présente affaire est l’occasion de revenir sur cette jurisprudence, qui ne cesse d’animer les juridictions françaises.

I. Exposé des faits.

Le 1er septembre 2020, un démarcheur signe avec un particulier un contrat d’achat portant sur un kit photovoltaïque destiné à la revente d’énergie.

L’achat s’effectue grâce à un crédit affecté souscrit auprès d’une banque.

Le vendeur s’était engagé à faire raccorder l’installation et à obtenir au profit de son client, la conclusion d’un contrat en vue de la revente d’énergie à EDF.

Or, jamais le vendeur n’a accompli les démarches auprès d’EDF.

Malgré les réclamations de son client, le vendeur n’exécutera jamais ses devoirs, car elle tombera en faillite le 21 septembre 2021.

pour autant, tout espoir n’était pas perdu, car le client victime a pu se porter devant le tribunal de Bar-le-Duc.

II. Procédure.

Le contrat de vente posait une sérieuse difficulté au regard de son regard laconique. En effet, il indiquait la vente d’un kit photovoltaïque, détaillant le nombre de panneaux et leurs marques, mais sans davantage d’élements, tels que leur surface, poids et dimensions.

De même, le bon de commande prévoyait la vente et installation d’une pompe à chaleur, sans aucune indication de sa marque, de son modèle et de sa puissance... le bon de commande se contentant de mentionner la vente d’une pompe à chaleur avec deux diffuseurs... un tel descriptif était bien piêtre.

De fait, le tribunal a annulé la vente.

Quant à la banque, elle a également été sanctionnée, car elle débloqué le crédit en s’appuyant sur une demande de financement rédigée en contradiction avec le bon de commande.

Pour preuve, en premier lieu, la demande de déblocage du crédit porte sur la livraison d’un ballon thermodynamique, alors que rien de tel n’était prévu dans la commande !

En second lieu, la demande de paiement passe sous silence le raccordement et l’obtention par le vendeur d’un contrat de revente d’énergie auprès d’EDF !

Il n’en fallut pas davantage pour que la banque soit privée de son droit à être remboursée du crédit et qu’elle soit condamnée à rembourser à son client l’intégralité des sommes prélevées sur son compte bancaire.

III. Analyse de l’affaire.

Dans notre affaire, les juges se sont appuyés sur une jurisprudence bien établie, aux termes de laquelle « la faute du prêteur dans la remise des fonds est de nature à exonérer l’emprunteur de son obligation de restitution », notamment lorsque ce prêteur a délivré les fonds au vendeur « sans s’assurer que celui-ci a exécuté son obligation » [1].

Cette solution, favorable à tout emprunteur, n’est cependant pas sans limite, car il arrive que des banques s’appuient sur une autre jurisprudence : l’emprunteur qui autorise l’établissement de crédit à verser les fonds au vendeur au vu de la signature d’une attestation de fin de travaux, est irrecevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le vendeur n’a pas exécuté ses devoirs [2].

Or, si dans notre affaire, le tribunal n’a pas suivi cette jurisprudence d’exception, c’est tout simplement parce que l’ordre de déblocage du crédit ne reflétait pas la réalité ou ne reprenait pas en détail la nature des devoirs du vendeur.

C’est pourquoi l’emprunteur a pu prétendre que le prêteur a débloqué les fonds sans s’être assuré de l’obtention par le vendeur du contrat de revente d’électricité, car le crédit litigieux couvrait cette prestation.

En conséquence, la banque a légitimement été condamnée à restituer les sommes prélevées à son client sur son compte bancaire, au titre du capital prêté.

Aussi, il faut être très attentif avant de signer un document, mais aussi d’agir en justice, car la faille est souvent proche.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]

[1Cass. 1re civ., 1er juin 2016, n° 15-18043.

[2En ce sens, Civ. 1, 8 décembre 2021, 20-11.894.