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Droit funéraire : quelles évolutions depuis la loi 3 DS du 21 février 2022 ? Par Antoine Carle, Avocat.
Parution : mercredi 9 novembre 2022
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La Défenseure des droits, dans son rapport du 26 octobre 2021 intitulé « Des droits gravés dans le marbre ? La personne défunte et ses proches face au service public funéraire » appelle à une clarification et une actualisation du droit funéraire. D’inspirations napoléoniennes, elle estime notamment que ce droit n’est plus en accord avec les évolutions de la société. Loin de répondre à cette volonté d’une réforme profonde, le volet funéraire de la loi 3DS du 21 février 2022 et son décret d’application du 5 août 2022 y donnent néanmoins un premier écho remarquable.

Ainsi, c’est dans le volet « simplification » de la loi 3DS que l’on peut retrouver les nouvelles mesures relatives au droit funéraire, et notamment aux articles 237 et 238 de la loi. Plusieurs points peuvent ainsi être retenus.

En premier lieu, la loi opère une simplification de la procédure en matière de reprise des concessions en état d’abandon. Le délai d’attente afin de procéder à cette reprise passe de 3 ans auparavant, à désormais 1 an à compter de l’achèvement des procédures de publicité. C’est l’article L2223-17 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, « CGCT ») qui se voit modifier. Cette modification n’appelle pas de commentaire particulier, si ce n’est qu’elle traduit un besoin croissant d’emplacements disponibles dans les cimetières pour les collectivités qui pourront désormais récupérer ces terrains plus aisément. La difficulté pour les communes à retrouver la trace des ayants droit des concessions funéraires restera quant à elle entière.

En deuxième lieu, la loi 3DS vient insérer à l’égard des communes, une obligation d’informer les familles par tout moyen de l’existence du droit au renouvellement des concessions [1].
Cette évolution procède d’une codification de la jurisprudence administrative récente [2]. Il paraît effectivement pertinent que les familles puissent être alertées de l’échéance des concessions funéraires afin de faire jouer leur droit à renouvellement pendant le délai réglementaire de deux ans. Sous réserve de l’appréciation souveraine des juges, un simple panneau d’information au sein du cimetière pourrait suffire.

En troisième lieu, on retrouve une évolution de la compétence « cimetière » qui revient aux communautés urbaines. Ainsi, à l’instar des compétences de voirie ou de développement économique, la reconnaissance de l’intérêt communautaire pour la création, la gestion, l’extension et la translation des cimetières et des sites cinéraires transfère la compétence en la matière aux communautés urbaines. La compétence de ces communautés urbaines est également reconnue s’agissant des crématoriums, toutefois, il ressort de la rédaction de la disposition désormais codifiée à l’article L5215-20 du CGCT, que cette dernière n’est pas soumise à la reconnaissance d’un intérêt communautaire.

En quatrième lieu, la loi du 21 février 2022 ainsi que son décret d’application du 5 août 2022 consacrent la possibilité de procéder à une réouverture de cercueil afin de transférer le corps du défunt vers un cercueil adapté à la crémation. La pratique du "dépotage" trouve ainsi un fondement normatif. Cette possibilité fait toutefois l’objet d’un encadrement strict. Tout d’abord, elle ne peut avoir lieu qu’en vue de la crémation du défunt. Elle fait l’objet d’une autorisation délivrée par le maire, sur demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles. Ensuite, et de manière classique lorsqu’il s’agit d’une exhumation, le défunt ne devrait pas être atteint d’une infection transmissible. Enfin, le décret apporte des précisions d’ordre technique sur la manière de procéder et notamment sur la personne apte à procéder au transfert, le lieu où il doit se dérouler, l’équipement nécessaire, etc.

En cinquième lieu, il est inséré à l’article L2223-33 du CGCT une dérogation à l’interdiction du démarchage à domicile. Cette possibilité est encore une fois strictement encadrée et limitée aux cas d’un décès à domicile. À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, et uniquement s’agissant de la commande de prestations de transport ou de dépôt de corps avant la mise en bière et de soins de conservation à domicile, il est permis aux personnels du service extérieur des pompes funèbres de se rendre au domicile de la personne défunte.

En sixième lieu, les textes reviennent sur le sort des métaux issus de la crémation et il est inséré un article L2223-18-1-1 au CGCT.
Cette disposition énonce clairement que

« les métaux issus de la crémation ne sont pas assimilés aux cendres du défunt. Ces métaux font l’objet d’une récupération par le gestionnaire du crématorium pour cession, à titre gratuit ou onéreux, en vue du traitement approprié pour chacun d’eux ».

Cette intervention législative met fin au débat, parfois passionné, initié par la jurisprudence judiciaire qui reconnaissait notamment que les dents en or présentes dans les concessions faisaient l’objet d’un droit de propriété au bénéfice des familles [3].
En revanche, cet article encadre la destination du produit de ces cessions qui peut seulement être destiné à trois opérations : financer les obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes ou faire l’objet d’un don à une association d’intérêt général ou une fondation reconnue d’utilité publique.
L’insertion de cet article a pour objet d’encadrer juridiquement l’appropriation par les gestionnaires de crématorium de ces métaux à l’issue de la crémation.

Notons enfin que le décret n° 2022-1127 du 5 août 2022 portant diverses mesures relatives à la réglementation funéraire prévoit en sus un toilettage du CGCT.
Le texte règlementaire :
- remplace la notion « d’officier d’état civil » par celle de « maire » qui n’a plus de raison d’être à l’article R2213-17 ;
- opère une actualisation relative à l’identité devant figurer sur la plaque apposée sur le cercueil à l’article R2213-20 est ainsi modifié : les mots « patronymique » et « marital » sont respectivement remplacés par les mots : « de famille » et « d’usage »
- ajoute la décision du préfet de mettre fin à une habilitation prévue à l’article L2223-25 du code général des collectivités territoriales en cas de cessation d’exercice des activités d’un opérateur funéraire, à la liste des actes publiés au registre des actes de la préfecture : à l’article R2223-65, les mots : « ou retire » sont remplacés par les mots : « retire ou met fin à ».

Antoine Carle, Avocat Associé Barreau de Lyon NOVLAW Avocats

[1Article L2223-15 CGCT.

[2Voir en ce sens CE, 11 mars 2020, n°436693 ou encore, plus récemment, CAA Nancy, 23 novembre 2021, n°19NC02091.

[3Cass. Crim., 25 octobre 2000, n°00-82.152.