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Responsabilité médicale du Service public hospitalier. Par Caroline Carré-Paupart, Avocat.
Parution : lundi 8 août 2022
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Par un arrêt du 2 juin 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille (n°20MA03704) vient rappeler que la responsabilité d’un Service public hospitalier des urgences ne peut être recherchée lorsque la défaillance du service ne révèle aucune faute objective et résulte de ses limites intrinsèques.

Rappel des faits et de la procédure.

En raison d’un accident vasculaire cérébral (AVC), un patient, pharmacien de profession, a été pris en charge dans l’officine dans laquelle il exerçait, par le service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) relevant d’un service d’aide médicale urgente (SAMU) rattaché à un centre hospitalier. 

Le patient est décédé six années plus tard et a connu avant cela un état de dépendance totale. 

Ses ayants droit ont recherché la responsabilité de l’hôpital en faisant valoir que la victime n’avait pas été orientée vers une unité neuro-vasculaire malgré le diagnostic d’AVC et l’absence de moyens de cet établissement pour prendre en charge correctement une telle pathologie. 

A titre subsidiaires, les proches de la victime ont souhaité rechercher la responsabilité de l’État car ils lui reprochent sa carence dans l’organisation du service public hospitalier.

Enfin, et à défaut, ils ont demandé la prise en charge de leur préjudice par l’ONIAM eu égard au caractère anormal et grave du dommage advenu. 

Cette requête est rejetée, à la fois en première instance et en appel. 

Rappel des règles applicables en Droit.

Sur la faute.

L’article L1142-1 I du Code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, dispose que :

« Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ».

Pour que la responsabilité d’un Etablissement de santé soit reconnue, une faute doit être caractérisée dans la prise en charge du patient.

Par ailleurs, cette faute doit avoir entraîné un dommage à l’origine des séquelles de la victime.

Sur l’aléa thérapeutique.

L’article L1142-1 II du Code de la santé Publique dispose :

« II. - Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ».

Pour prétendre à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, un patient doit réunir les trois conditions cumulatives suivantes :
- Etre victime d’un accident médical non fautif ;
- Cet accident médical doit avoir occasionné des séquelles d’une certaine gravité ;
- Le dommage qui s’est réalisé doit présenter un caractère anormal.

La décision de la Cour administrative d’appel.

Dans cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré qu’il résultait de l’instruction qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à l’hôpital, ni à son personnel. 

Au regard de l’expertise médicale et des pièces soumises à l’appréciation des juges, il ressort que :
- les durées d’intervention et de trajet ne révèlent pas de défaillance dans la prise en charge du patient ;
- il n’est pas établi qu’une évacuation sanitaire immédiate par voie aérienne vers un établissement doté d’une unité neuro-vasculaire qui aurait pu réaliser une thrombolyse était envisageable ;
- il n’est pas non plus établi que le centre hospitalier aurait méconnu les dispositions législatives ou règlementaires s’imposant à lui, ou manqué aux conditions de son accréditation ou de sa certification, ou encore aux conditions de l’autorisation de détention d’un appareil d’IRM ;
- le diagnostic erroné, en première intention du neurologue de garde du CHU contacté, n’est pas fautif.

Dans ces conditions, la Cour administrative d’appel de Marseille en conclut que le patient aurait bénéficié d’une prise en charge et d’une surveillance adaptée à son état de santé. 

En statuant ainsi, la juridiction administrative rappelle le principe selon lequel la responsabilité du service public hospitalier ne saurait être retenue en l’absence d’une faute objective prouvée.  

En outre, la responsabilité de l’État n’est pas non plus engagée car, selon les juges d’appel, il ne saurait être reproché à la puissance publique un quelconque retard dans la promulgation du décret [1] qui a autorisé et encadré la pratique de la télémédecine et qui n’existait pas à l’époque des faits. 

Enfin, l’état de santé dégradé du patient ne résultant pas d’un acte médical, la solidarité nationale ne saurait intervenir pour indemniser les ayants droit.

Caroline Carré-Paupart, Avocat Barreau de Paris.

[1Loi du 21 juillet 2009 - n°2009-879.