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L’excision et la demande d’asile. Par Ioana Barbu, Avocate.
Parution : jeudi 18 août 2022
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La majorité des pays d’Afrique continue aujourd’hui de pratiquer la mutilation génitale des femmes, communément appelée l’excision, nonobstant une interdiction législative de cette pratique dans ces pays.

Il y a une recrudescence des demandes d’asile.

Les chiffres donnés par les organisations habilitées, prouvent que si en théorie l’excision est interdite, cette pratique demeure fortement présente et surtout pratiquée dans les villages éloignés des villes, où les exciseuses ne risquent pas d’être découvertes et traduites devant la justice.

De plus, pour condamner les pratiquantes de l’excision, il faut encore pouvoir se défendre contre sa famille et avoir un accès à la justice, ce qui n’est pas le cas des jeunes filles.

L’unique solution pour elles est alors de fuir la famille et leur pays pour demander la protection d’autres pays.

C’est ainsi que les femmes menacées d’excision et leurs filles viennent en Europe pour demander le statut de réfugié.

Les demanderesses d’asile pour cause d’excision constituent, selon un consensus occidental, un groupe social au sens de la convention de Genève, qui par définition doit être protégé.

En France, les autorités qui s’occupent de l’asile (Office français de protection de l’immigration et des apatrides OFPRA, ou encore la Cour Nationale du droit d’asile CNDA) reconnaissent le droit à une protection effective à ces femmes victimes de la barbarie humaine sous prétexte de traditions séculaires et archaïques.

Des décisions de la CNDA concernant plusieurs pays démontrent l’engagement de la France à lutter contre ce fléau.

Cependant, le statut de réfugié pour cause d’excision n’est pas automatique.
Il est essentiel d’avoir conscience de ce que représente une demande d’asile.

Dès l’entretien à l’OFPRA, la demanderesse doit être précise sur les dates et répondre clairement aux questions de l’officier. L’hésitation pouvant créer le doute !

Le risque d’excision doit être largement expliqué et développé car tous les détails comptent dans le récit.

Pour ce faire, la demanderesse d’asile doit obligatoirement demander le concours d’un interprète même si elle comprend et s’exprime dans un français approximatif.

Si toutefois l’étape du passage à l’OFPRA n’est pas réussie et ce dernier rejette alors la demande, les demanderesses d’asile peuvent contester cette décision devant la CNDA.

A cette étape, l’aide d’un avocat spécialisé dans le droit d’asile est recommandé, même si le recours à un avocat peut se faire dès l’entretien à l’OFPRA ; car les avocats peuvent participer à cet entretien depuis 2015.

A la CNDA les juges interrogent la demanderesse d’asile et son avocat si cette dernière a choisi de se faire assister.

Ainsi, l’avocat peut toujours intervenir si la demanderesse d’asile est mise en difficulté par la formation de jugement, ou si elle a du mal à s’exprimer, le but étant d’exposer le mieux possible sa situation devant les juges.

Convaincre de la réalité des risques encourus en cas de retour au pays est le but d’un demandeur d’asile.

Si ce risque demeure fictif aux yeux des juges, alors la demande d’asile sera rejetée définitivement par la CNDA.

Une demande de réexamen n’est possible que si des éléments nouveaux peuvent être apportés au dossier.

Dans ce cas la procédure reprend depuis le début et la demanderesse d’asile, après avoir déposé une demande de réexamen en préfecture, sera convoquée par l’OFPRA à condition que ce dernier décide de la recevoir à nouveau, à la vue des nouveaux éléments apportés par celle-ci.

Il est indéniable que nous avons à notre disposition toutes « les armes » pour combattre cette barbarie qu’est la mutilation génitale féminine, qui de nos jours n’a pas lieu d’être.

En cas de risque réel d’excision en cas de retour au pays, il faut enclencher cette procédure qu’est la demande d’asile, car les femmes du monde entier doivent jouir des mêmes droits.

Il en va de même concernant une autre barbarie, celle du mariage forcé qui s’inscrit dans le même ordre d’idées et dont la procédure de demande d’asile reste la même.

Ioana Barbu, Avocate, Barreau de Paris.
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