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Régime de responsabilité du fait d’une chose inerte et anormalité de la chose exigée. Par Caroline Carré-Paupart, Avocat.
Parution : mercredi 24 août 2022
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Par un arrêt du 25 mai 2022 (n°20-17.123), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser les limites de la responsabilité du gardien d’une chose inerte, en affirmant que seule l’anormalité d’une chose inerte pouvait emporter la responsabilité de son gardien.

Pour rappel, l’alinéa 1er de l’article 1242 du Code civil pose le régime de la responsabilité du fait des choses lequel dispose :

« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

En application de ce texte, la jurisprudence distingue selon que la chose à l’origine du dommage est inerte ou en mouvement.

S’agissant de la chose inerte, il appartient à la victime de démontrer le rôle actif de la chose, c’est-à-dire qu’elle occupait une position anormale ou était en mauvais état [1].

Cet arrêt vient apporter des restrictions à la responsabilité du gardien d’une chose inerte.

Les faits et la procédure = chute du toit et simple défaut d’entretien retenu par la cour d’appel pour condamner le gardien.

Un mineur s’est blessé en chutant du toit d’un entrepôt du fait de l’effondrement d’une plaque en fibrociment. Le toit aurait cédé sous l’effet du poids de la victime.

Le propriétaire du bâtiment ainsi que son assureur ont été assignés par une caisse de sécurité sociale (CPAM), en présence du curateur de la victime, afin d’obtenir le remboursement de sa créance.

Les juges du fond ont déclaré le propriétaire partiellement responsable en sa qualité de gardien de la plaque en fibrociment.

La cour d’appel a notamment fondé sa décision sur le rapport d’expertise préalable, lequel « mentionne que l’ensemble du bâtiment est en état moyen, voire vétuste ».

La cour d’appel en a déduit que le mauvais entretien des plaques de fibrociment équipant le toit permettait de retenir le rôle actif de la plaque ayant cédé sous le poids de la victime, laquelle a été l’instrument du dommage.

Le propriétaire et son assureur ont formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt, en soutenant notamment que la plaque de fibrociment, même neuve, n’était pas en mesure de supporter le poids d’une personne humaine.

La décision de la Cour de cassation = nécessité de démontrer l’anormalité de la chose.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

En effet, la Haute juridiction reproche aux juges du fond de s’être exclusivement fondé sur le défaut d’entretien de la plaque de fibrociment pour retenir son rôle actif dans la survenance du dommage, sans mettre en évidence l’anormalité de cette dernière, notamment en recherchant si, correctement entretenue, elle n’aurait pas cédé sous le poids de la victime.

Par cet arrêt, la Cour de cassation vient affirmer que le caractère anormal d’une chose inerte ne se déduit pas de la simple imputabilité technique du dommage à la chose, laquelle doit être également démontrée.

Caroline Carré-Paupart, Avocat Barreau de Paris.

[1Cass. Civ. 2e, 11 janvier 1995, n°92-20.162 ; Cass. Civ. 2e, 12 janvier 2017, n°16-11.032 ; Cass. Civ. 2e, 13 septembre 2018, n°17-22.795.