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Le droit à compensation du handicap : évaluation des besoins et décisions de la MDPH. Par M. Kebir, Avocat.
Parution : jeudi 25 août 2022
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Le parcours de la personne en situation de handicap génère, pour elle et les aidants familiaux, une charge mentale on ne peut plus pesante. Situation susceptible d’être aggravée consécutivement à l’évaluation contestée des besoins.

Clef de voûte de la compensation du handicap, l’élaboration du projet de vie de la personne concernée requiert attention et projection, immédiate et lointaine. En cela, la loi du 11 février 2005 pose le principe du droit à compensation. Lequel s’exprime, à la fois, en termes de besoins et attentes, destinées à éclairer l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation de la MDPH à l’effet d’élaborer le plan personnalisé de compensation.

La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) occupent une place d’importance dans l’accompagnement et l’inclusion des personnes en situation de handicap.

Le rôle de la MDPH est défini par l’article L146-3 du Code de la sécurité sociale, en son premier alinéa :

« Afin d’offrir un accès unique aux droits et prestations mentionnés aux articles L241-3 et L245-1 à L245-11 du présent code et aux articles L412-8-3, L432-9, L541-1, L821-1 et L821-2 du Code de la sécurité sociale, à toutes les possibilités d’appui dans l’accès à la formation et à l’emploi et à l’orientation vers des établissements et services ainsi que de faciliter les démarches des personnes handicapées et de leur famille, il est créé dans chaque département une maison départementale des personnes handicapées ».

Quant à la CDAPH, conformément aux dispositions des articles L111-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles, il s’agit d’une commission siégeant au sein de la MDPH, chargée de prendre les décisions relatives à l’ensemble des droits de la personne en situation de handicap. En fonction de ses besoins, ses attentes, son projet de vie. Pour ce faire, celle-ci s’appuie sur l’évaluation et le plan personnalisé de compensation (PPC), préconisé par l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation (EPE).

Le PPC (Projet personnalisé de compensation).

Pour rappel, il est admis que :

« Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté » [1].

Le droit à compensation comprend, notamment, toute compensation, allocation, outil et aménagement de nature à accompagner la personne vulnérable vers davantage d’autonomie :

« L’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d’autonomie, du développement ou de l’aménagement de l’offre de service, permettant notamment à l’entourage de la personne handicapée de bénéficier de temps de répit, du développement de groupes d’entraide mutuelle ou de places en établissements spécialisés, des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté, ou encore en matière d’accès aux procédures et aux institutions spécifiques au handicap ou aux moyens et prestations accompagnant la mise en œuvre de la protection juridique » [2].

De ce point de vue, le projet de vie de la personne en situation de handicap est une base essentiel à élaboration du projet de compensation. D’où il suit que l’EPE a toute latitude d’accueillir les observations de la personne concernée ou son représentant. Qui plus est

« les besoins de compensation sont inscrits dans un plan personnalisé de compensation du handicap élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie... » [3].

Les allocations et compensations du handicap.

D’une façon générale, la CDAPH, en session plénière ou restreinte, se prononce sur les mesures propres à favoriser l’inclusion et l’autonomie.

En tout état de cause, ses décisions doivent être motivées :

« Les décisions de la commission sont motivées. Elles sont prises au nom de la maison départementale des personnes handicapées. Leur durée de validité ne peut être inférieure à un an ni excéder dix ans sauf dispositions législatives ou réglementaires spécifiques contraires » [4].

Il est à noter que, sauf dérogation légalement prévue, la MDPH ne statue que si elle est saisie par la personne handicapée ou son représentant légal. Ses notifications concernant les aides et prestations compensatoires. Parmi ses prérogatives :
- se prononcer sur l’orientation de la personne handicapée et les mesures relatives à l’inclusion scolaire ;
- désigner les établissements ou services répondant aux besoins de l’enfant / adolescent [5] ;
- attribuer, pour l’enfant ou l’adolescent, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et son complément ;
- octroyer toute aide technique et /ou outils éducatifs adaptés ;
- accorder toute autre compensation financière : PCH, AAH...

De sorte que, la CDAPH accorde l’AEEH (Allocation d’éducation de l’enfant handicapé) et fixe l’attribution de l’AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap), individuel ou mutualisé, régi par les articles Article L917-1 Code de l’éducation, en vue d’apporter une aide individuelle aux enfants ou adolescents scolarisés en milieu ordinaire, dans les classes élémentaires et secondaires, ou les dispositifs ULIS (voir infra).

L’allocation AEEH est accordée à un enfant ou un adolescent selon son état de santé. Une compensation similaire est attribuée à l’adulte en situation de handicap, l’AAH (Allocation aux adultes handicapés).

Celle-ci est octroyée aux adultes de plus de 20 ans et aux enfants âgés de 16 ans, lesquels doivent remplir plusieurs critères prévus aux articles L821-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

L’AAH est fixée en fonction d’un taux d’incapacité. Si celui-ci est au minimum de 80%, l’allocation est attribuée sans conditions. Néanmoins, si l’incapacité se situe entre 50% et 79%, l’article D821-1-2 du Code de la sécurité sociale exige que la preuve d’une restriction, substantielle et durable, d’accès à un emploi soit rapportée. (Voir notre publication Handicap/invalidité professionnelle : droits, compensations et recours).

RQTH.

Outre l’attribution d’aides financières, la MDPH est compétente en matière de RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé).

Introduite par la loi dite « Gazier » de 1957 [6], elle a pour objet « le reclassement professionnel des travailleurs handicapés » et crée la catégorie de « travailleurs » handicapés leur conférant une priorité d’emploi. Il s’agit là d’une obligation incombant aux entreprises employant au minimum 10 salariés.

Par ailleurs, depuis la loi du 11 février 2005 [7], la RQTH relève de la compétence exclusive de la CDAPH. Permettant d’avoir accès à un ensemble de mesures tendant à favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et leur maintien dans l’emploi.

Au fond, c’est sur la base d’un guide-barème [8] que la MDPH fixe le taux d’invalidité.

Le parcours scolaire de l’élève en situation du handicap.

La MDPH assure un accompagnement tout au long du processus de scolarisation de l’enfant en situation de handicap. Aussi participe-t-elle à la constitution du projet de scolarisation de l’élève concerné, et, précisément, l’élaboration du projet personnalisé de scolarisation (PPS) [9].

A cet égard, incombe à l’État la mission d’assurer un accompagnant continu de l’élève, au travers son service public. Ainsi, en vertu de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, il est prévu en son l’article L112-1 que :

« Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L111-1 et L111-2, le service public de l’éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant ».

Tel que précisé plus haut, la MDPH peut mettre à disposition un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) aux fins d’amélioration de l’inclusion des élèves en situation de handicap, concernant les actes de la vie quotidienne, l’accès aux activités d’apprentissage ou encore les activités de la vie sociale (Voir notre publication Handicap : l’épreuve de la scolarisation et de la compensation AEEH).

Lequel droit est constamment rappelé par la jurisprudence du Conseil d’Etat :

« Le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et, d’autre part, le caractère obligatoire de l’instruction s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Il incombe à cet égard à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif » [10].

Toujours est-il que, concernant les élèves en situation de handicap, la MDPH est saisie par le représentant légal de l’enfant.

Ce faisant, l’organisme administratif élabore et met en œuvre un PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation) visant à favoriser la scolarisation de l’enfant ainsi que la cohérence de l’ensemble de son parcours scolaire, via les réunions de l’équipe de suivi de scolarisation [11].

Ce projet fixe les modalités de déroulement de la scolarité de l’élève et met en œuvre divers aménagements et moyens tendant à réussir l’inclusion de celui-ci, concernant entre autres :
- la nature des accompagnements ;
- le recours à une aide humaine ;
- des aménagements pédagogiques…

De plus, comme exposé plus haut, peut être prescrit dans le PPS, l’accompagnant des Élèves en situation de handicap (AESH). Lequel intervient auprès de l’enfant en fonction du nombre d’heures fixé par la CDAPH.

De même, la même CDAPH se prononce, le cas échéant, sur l’orientation des enfants vers un institut médico-éducatif. Un dossier doit être déposé auprès de chaque institut. Par la suite, la demande est examinée par les membres de la commission d’admission de l’établissement sollicité

Sur ce point, il est prévu à l’article D312-12 Code de l’action sociale et des familles que :

« L’accompagnement mis en place au sein de l’établissement ou du service tend à favoriser l’épanouissement, la réalisation de toutes les potentialités intellectuelles, affectives et corporelles, l’autonomie maximale quotidienne et sociale des enfants ou des adolescents accueillis ».

En outre, autre alternative, les personnes en situation de handicap peuvent être placées dans des foyers d’accueil médicalisés (FAM) à la demande de la famille, au terme de la notification de la CDAPH [12].

Établissements proposant à des adultes en situation de grave handicap, un accompagnement pour les actes de la vie courante, les FAM assurent, en sus, une surveillance médicale ainsi qu’une aide éducative.

Toujours est-il que la CDAPH est habilitée à octroyer l’Assurance Vieillesse des Parents au Foyer [13].

Accordée notamment aux aidants familiaux, l’AVPF participe à conserver une continuité dans les droits à la retraite pour un parent qui a à sa charge une personne en situation de handicap. Lequel, de ce fait, a dû cesser ou du moins réduire son activité professionnelle.

Le logement inclusif : adapté et accessible.

Sur un autre registre, la MDPH a vocation à aider à l’adaptation d’un logement pour les personnes handicapées, à travers la PCH et le fonds départemental de compensation (FDC).

Ici, la PCH complète l’aménagement d’un logement pour en faire un logement adapté. Selon les cas, ceci concerne l’aménagement des pièces ordinaires (chambre, salle d’eau, etc), l’accès au logement concerné, d’un logement dans lequel la personne handicapée exerce une activité professionnelle ou un loisir.

En cela, l’adaptation concerne tout aussi l’amélioration de la circulation à la domotique du logement.

Aux fins de fixation du montant total pris en charge, des devis doivent être fournis. Le demandeur doit « faire établir plusieurs devis avec descriptif sur la base des propositions de l’équipe pluridisciplinaire » [14].

Partant, la PCH pourrait couvrir un partie des travaux [15]

La durée de l’aide aux travaux est limitée à 10 ans [16].

Ensuite, si la personne handicapée est éligible à la PCH, après approbation de la CDAPH, le fond départemental de compensation est appelé à concourir à la prise en charge des travaux.

Les moyens de l’inclusion autres que financiers.

En la matière, l’article L312-1 du Code de l’action sociale et des familles prévoit des prestations complémentaires :

« Les établissements et services sociaux et médico-sociaux délivrent des prestations à domicile en milieu de vie ordinaire, en accueil familial ou dans une structure de prise en charge ».

Accordée sous forme d’aide au quotidien, non financière, celle-ci procède d’un soutien au salarié, de nature à lui permettre de vivre sereinement son quotidien et, éventuellement, son travail, sans que la délivrance de ses soins ne vienne impacter sa vie professionnelle.

Médiation et règlement des différends du handicap.

Instrument de dialogue et d’apaisement relationnel, la médiation est, à l’évidence, à privilégier dans le cadre des conflits opposant l’administration aux usagers. Au travers ses vertus d’écoute et de dialogue, la médiation tend à protéger la personne et les intérêts immédiats (carrière, enfants, famille..).

En cela, le médiateur est un accompagnateur. Ses registres d’intervention sont, entre autres : assurer une présence active de proximité, prévenir et gérer le conflit, lever l’ambiguïté entre l’usager et les organismes sociaux : CAF, MDPH…, informer, sensibiliser, former,...

Ici, le médiateur examine les litiges entre les usagers et les caisses et peut également accompagner les premiers dans le cadre du parcours de soins.

Tenu à la confidentialité, le médiateur restaure le lien entre l’usager et l’administration. L’action du médiateur concerne les prestations familiales et sociales individuelles, versées par la CAF.

S’agissant de la MDPH, le recours à la médiation est prévu par l’article 143-9-1 Code de la sécurité sociale :

« Les notifications des décisions rendues par la CDAPH rappellent à la personne les voies de recours, ainsi que le droit de demander l’intervention d’une personne qualifiée chargée de proposer des mesures de conciliation (…) ou de bénéficier des procédures de traitement amiable des litiges prévues à l’article L146-13 du même code ».

Sont ainsi concernées les décisions de la MDPH concernant notamment la compensation financière, l’orientation scolaire, l’aide humaine - AESH - ou attribution du matériel pédagogique.. Processus flexible, le médiateur peut intervenir avant / durant la phase contentieuse, et au cours du RAPO [17].

En clair, la médiation permet de trouver une issue rapide, moins couteuse, modifier amiablement la décision litigieuse évitant dès lors des procédures souvent longues. En l’occurrence, chaque MDPH doit désigner une personne référente, chargée de recevoir et d’orienter les réclamations individuelles des personnes handicapées [18].

De plus, la médiation est sans effet sur les voies et délais de recours. De même, la conciliation est envisageable durant ou avant une action judiciaire.

En somme, la médiation sociale renforce la protection des droits de l’usager, a fortiori ceux des personnes en situation de handicap. A l’évidence, une issue rapide, favorable, est de nature à conforter l’inclusion, éviter, ce faisant, des pertes de chances irrémédiablement préjudiciables.

En définitive, le caractère laborieux des procédures et l’accès tardif aux mesures et droits compensatoires créent chez les personnes vulnérables, et leurs familles, un sentiment d’impatience mêlé à une souffrance préjudiciable à double titre : moral et financier.

C’est pourquoi le dialogue, la formation accentuée des agents des MDPH, le renforcement des moyens humains et techniques sont de nature à renforcer l’effectivité de l’inclusion : garantir les droits et libertés de la personne en situation de handicap. Seuls à même d’optimiser son autonomie.

Me. Kebir Avocat à la Cour - Barreau de Paris Médiateur agréé, certifié CNMA Cabinet Kebir Avocat E-mail: [->contact@kebir-avocat-paris.fr] Site internet: www.kebir-avocat-paris.fr LinkedIn: www.linkedin.com/in/maître-kebir-7a28a9207

[1Article L114-1 - Code de l’action sociale et des familles.

[2Article L114-1-1 Code de l’action sociale et des familles.

[3Article L114-1-1 Code de l’action sociale et des familles.

[4Article R241-31 Code de l’action sociale et des familles.

[5Article L241-6 Code de l’action sociale et des familles.

[6La loi Gazier du 23 novembre 1957 est la première grande loi sur le handicap.

[7Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

[9Circulaire n°2006-126 du 17 août 2006 concernant la mise en œuvre et le suivi du projet personnalisé de scolarisation.

[10CE, 30 décembre 2020, n°423549.

[11Article D351-10 Code de l’éducation.

[12Articles R314-140 à R314-146 Code de l’action sociale et des familles.

[13Décret n° 2011-1278 du 11 octobre 2011 relatif à l’appréciation de l’activité professionnelle pour le bénéfice de certaines prestations familiales et à l’assurance vieillesse du parent au foyer.

[14Article D245-28 - Code de l’action sociale et des familles.

[16Article D245-33 Code de l’action sociale et des familles.

[17Recours administratif préalable obligatoire.

[18Article L146-13 Code de l’action sociale et des familles.