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"Kohlantess" : Pourquoi voir un scandale là où il y a un progrès ? Par Sandrine Pégand, Avocat.
Parution : mercredi 31 août 2022
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Ma tribune et mon point de vue sur le karting à Fresnes de l’été 2022 à travers mes lectures de Joana Falxa, Jean-Marc Fedida, Mathieu Bock-Côte et Philippe Claudel.

Être condamné à une peine de prison revient à se voir interdire de sortir d’un périmètre carcéral défini, restreint, durant un temps ordonné par la justice.

Selon la morale naturelle, la personne condamnée paye pour son acte sous le prisme de la privation de sa liberté en étant incarcérée en prison, là où beaucoup pensent que les détenus se la coulent douce et s’y prélassent au soleil, sur le compte des contribuables finançant leurs séjours radieux, occultant les maux qui frappent les établissements pénitentiaires de notre République (surpopulation carcérale, conditions de détention indignes, un peu comme un bagne à l’ancienne).

Mais alors, pour éviter d’en faire des sauvageons qui attendent leur procès, parqués à plusieurs dans des cellules de 9 mètres carrés, comment occuper leur temps de détention ?
Le système français a doté les détenus de droits et de devoirs.

La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, est venue modifier, essentiellement les règles applicables aux personnes détenues, notamment en matière de formation professionnelle et de travail, dans le but de redonner du sens à la peine d’emprisonnement.

Tout comme le prévoyait la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui avait validé et inscrit dans le droit interne la grande majorité des règles pénitentiaires européennes (circuit arrivant, travail pluridisciplinaire, téléphonie, etc.), l’obligation de la mise en place d’activités socio-culturelles au sein des prisons est toujours d’actualité :

« Toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité.
Lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l’activité consiste par priorité en l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Lorsqu’elle ne maîtrise pas la langue française, l’activité consiste par priorité en son apprentissage. L’organisation des apprentissages est aménagée lorsqu’elle exerce une activité de travail
 » (article 27 de la loi de 2009).

Ainsi, intéressons-nous aux activités organisées en détention, notamment celle de l’été 2022, intitulée Kohlantess, doux mélange de "Koh-Lanta", nom de la célèbre émission de télévision, et du mot verlan pour "cité", qui a fait tant de polémiques.
Une séance de karting a été organisée, grâce à un partenariat privé (une association locale), en pleine cour de la maison d’arrêt de Fresnes, dans le Val de Marne, fin juillet 2022. Cette compétition a opposé personnes détenues, jeunes fresnois et personnels pénitentiaires.

Les différentes familles politiques s’en sont offusquées, masquant totalement l’intérêt supérieur de la réinsertion.
Dans l’idéal sécuritaire, le détenu devrait se consacrer exclusivement au travail et à la formation pour suivre une logique d’insertion économique et de sécurité publique.
Ceux qui en sont, ne suivent pas l’évolution théorique et pratique des sciences sociales.

En analysant d’autres politiques pénitentiaires, comme en Italie, en Espagne, en Suède, qui assurent une occupation au plus grand nombre des détenus, le constat est limpide ; le taux de récidive diminue chez les détenus sortant d’établissements proposant des offres variées d’activités et en nombre suffisant.

L’enfermement n’est pas un jeu, la prison non une colonie de vacances mais bénéficier d’activités dites « culturelles », « socioculturelles » et « sportives » dans le but de récréer des liens, de se sentir plus digne, ne doit pas donner pour autant le sentiment que l’on a finalement plus de compassion pour les criminels que pour les victimes.

Sandrine Pégand Avocat associée Barreau de Paris https://maitrepegand.com
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