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La garantie des vices cachés entre commerçants, c’est également 20 ans maximum. Par Emmanuel Lavaud, Avocat.
Parution : mercredi 7 septembre 2022
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On le savait, la Cour de cassation l’avait d’ailleurs affirmé, et elle vient de le confirmer : l’action en garantie des vices cachés est quoi qu’il en soit enfermée dans le délai de 20 ans prévu à l’article 2232 du Code civil.

Depuis la Loi n°2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription prévu par l’article L110-4, I, du Code de commerce a été réduit à 5 ans.

En effet, aux termes de cet article :

« Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
II.- Sont prescrites toutes actions en paiement :
1° Pour nourriture fournie aux matelots par l’ordre du capitaine, un an après la livraison ;
2° Pour fourniture de matériaux et autres choses nécessaires aux constructions, équipements et avitaillements du navire, un an après ces fournitures faites ;
3° Pour ouvrages faits, un an après la réception des ouvrages
 ».

La Loi ne précisant pas son point de départ, celui-ci ne peut que résulter de l’application de l’article 2224 du Code civil, c’est-à-dire à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La Cour de cassation avait d’ores et déjà affirmé que l’action en garantie des vices cachés délai est enfermée dans un délai butoir de 20 ans, en application de l’article 2232 du Code civil. Il s’agissait alors de l’application de la garantie des vices cachés entre un non commerçant et un artisan.

Elle l’avait retenu cette solution dans un arrêt du 1er octobre 2020 [1].

Elle l’a confirmée dans un arrêt du 8 décembre 2021 [2], en des termes sans doute encore plus clairs :

« Il est de jurisprudence constante qu’avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la garantie légale des vices cachés, qui ouvre droit à une action devant être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en œuvre à l’intérieur du délai de prescription extinctive de droit commun.
L’article 2224 du Code civil, qui a réduit ce délai à cinq ans, en a également fixé le point de départ au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, ce qui annihile toute possibilité d’encadrement de l’action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l’article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.

En conséquence, l’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés ne peut être assuré, comme en principe pour toute action personnelle ou mobilière, que par l’article 2232 du Code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit.

Le droit à la garantie des vices cachés découlant de la vente, l’action en garantie des vices cachés doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente ».

La Cour de cassation précise dans son arrêt du 25 mai 2022 que cette solution s’impose également pour l’application de l’article L110-4 du Code de commerce, c’est-à-dire dans le contexte d’un litige entre commerçants [3], en se référant expressément à l’arrêt précité du 8 décembre 2021 :

« Pour les ventes conclues après l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, il est jugé que l’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l’article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit [4].

En effet, l’article 2224 du Code civil fixe le point de départ du délai de prescription au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, ce qui annihile toute possibilité d’encadrement de l’action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l’article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.

La loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription prévu par l’article L110-4, I, du Code de commerce, sans préciser son point de départ, celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l’article 2224 du Code civil.

Il s’ensuit que le délai de cinq ans de l’article L110-4, I, du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir et que l’action en garantie des vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d’action récursoire, à compter de l’assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale ».

Les vices cachés, c’est 20 ans maximum, que l’on soit commerçant ou non commerçant.

L’action en garantie des vices cachés connait donc une date de péremption, et c’est heureux. Il serait même bon de s’interroger sur la pertinence d’une telle durée. 20 ans, c’est le double de la garantie décennale.

Emmanuel Lavaud, Avocat au barreau de Bordeaux Légide Avocats http://www.laudet-lavaud-avocats.fr

[1Cass. 3ème Civ., 1er octobre 2020, n°19-16.986.

[2Cass. 3ème Civ., 8 décembre 2021, n°20-21439.

[3Cass. 3ème Civ., 25 mai 2022, n°21-18.218.

[43e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, publié.