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SCI à l’IR ou à l’IS ? Analyse comparée des deux régimes d’imposition. Par Didier Majerowiez, Avocat.
Parution : mercredi 7 septembre 2022
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La société civile immobilière (SCI) est souvent utilisée dans les montages d’ingénierie patrimoniale.
Elle permet à plusieurs personnes d’acquérir ensemble un bien immobilier, en évitant les aléas et les inconvénients de l’indivision.
Les associés de la SCI bénéficient également d’une grande souplesse pour adapter les statuts de la société en fonction de leurs besoins.
Ils peuvent ainsi fixer librement les règles d’organisation au sein de la société, les modalités de sa gestion, ainsi que les conditions de transmission du bien immobilier. Alors SCI à l’impôt sur le revenu ou SCI à l’impôt sur les sociétés ?
Eléments de réponses dans cet article.

En pratique, l’un des principaux attraits d’une SCI réside dans la liberté accordée à ses fondateurs d’insérer dans les statuts des clauses sur mesure.

A cet égard, il convient d’être vigilant, sachant qu’une rédaction incomplète, ou imprécise des statuts, peut générer des conflits entre associés.

Dans les cas les plus graves, cela pourrait même entrainer la paralysie du fonctionnement de la société, et la nécessité de procéder à sa dissolution anticipée (y compris par voie judiciaire).

Etre assisté d’un avocat pour la rédaction des statuts d’une SCI est ainsi vivement recommandée.

D’un point de vue fiscal, la SCI présente des atouts indéniables, puisqu’elle permet d’optimiser le traitement fiscal applicable au bien immobilier donné en location.

Se pose toutefois la question de la fiscalité la plus favorable au niveau de la société et de ses associés : imposition à l’impôt sur le revenu ou imposition à l’impôt sur les sociétés.

Après avoir analysé le traitement fiscal d’une SCI à l’impôt sur le revenu, nous étudierons ensuite la fiscalité d’une SCI à l’impôt sur les sociétés, et nous ferons en conclusion une analyse comparative des deux régimes d’imposition.

1) Le traitement fiscal d’une SCI fiscalement translucide (soumise à l’impôt sur le revenu).

D’un point de vue fiscal, une SCI est en principe fiscalement translucide.

Il s’agit d’ailleurs du régime fiscal retenu par la plupart des fondateurs de SCI.

Conformément à l’article 8 du Code général des impôts, ce sont alors les associés qui sont imposables sur les bénéfices (distribués ou non), à hauteur de leur quote-part du capital social.

La SCI est dite translucide car les associés font l’objet d’une imposition comme si le bien immobilier était détenu en direct par eux.

En pratique, les associés sont imposables à l’impôt sur le revenu sur le montant des loyers, auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2%.

Si le montant des revenus fonciers est inférieur à 15 000 euros, le régime du micro-foncier s’applique (Art. 32 du Code général des impôts).

Dans le cadre du régime du micro-foncier, le contribuable bénéficie d’un abattement fiscal de 30% sur le montant des loyers.

Lorsque le seuil de 15 000 euros est dépassé, le contribuable est alors imposé au régime du réel.

Dans le cadre du régime du réel, et conformément aux dispositions des articles 28 à 31 du Code général des impôts, les charges déductibles des revenus fonciers sont prises en compte pour leur montant réel.

Pour les contribuables les plus aisés (dans la tranche de 45%), ils peuvent se retrouver imposés à un taux global excédant 60%, ce qui est manifestement confiscatoire.

A noter que les contribuables, avec des ressources très faibles, peuvent se retrouver dans une situation difficile.

En effet, les prélèvements sociaux au taux de 17,2% s’appliquent indépendamment de la situation financière ou patrimoniale du contribuable.

Ainsi, des contribuables aux ressources modestes peuvent devoir régler les prélèvements sociaux au taux de 17,2%, et ce, même si les loyers ne sont pas distribués par la société, et même s’ils ne sont pas imposables à l’impôt sur le revenu.

Cela étant, le principal atout d’une SCI fiscalement translucide apparaît lors de la transmission de l’immeuble social et/ou des parts sociales de la SCI par les associés.

En effet, si la SCI est à prépondérance immobilière (plus de 50% de son actif est composé de biens ou de droits immobiliers), la plus-value réalisée lors de la vente de l’immeuble, - ou de la vente des parts sociales -, est alors imposée suivant le régime des plus-values immobilières des particuliers, avec une exonération totale d’impôt sur le revenu (taux de 19%) au bout de 22 années de détention, et une exonération totale de prélèvements sociaux (taux de 17,2%) au bout de 30 années de détention (Article 150 VC du Code général des impôts).

2) Le traitement fiscal d’une SCI fiscalement opaque (soumise à l’impôt sur les sociétés).

Sur option, une SCI peut être soumise à l’impôt sur les sociétés (Art. 206, 3 du Code général des impôts).

En cas d’option pour l’impôt sur les sociétés, les loyers perçus par la SCI sont imposables directement au niveau de la société.

Dans ce cas, tant que la SCI ne distribue pas ses bénéfices, les associés ne font pas l’objet d’une imposition.

C’est un atout non négligeable par rapport à une SCI fiscalement translucide. Les associés sont en effet libres de percevoir ou non les revenus, et ne sont imposables qu’en cas de distribution.

Les associés peuvent d’ailleurs décider de laisser les sommes non distribuées à la disposition de la société, jusqu’à leur départ à la retraite.

L’option pour l’impôt sur les sociétés présente à la fois des avantages et des inconvénients.

En pratique, une SCI soumise à l’impôt sur les sociétés dispose de la possibilité de déduire de son résultat imposable les frais d’acquisition du bien immobilier. Elle peut également amortir le bien.

Grâce à la possibilité de déduire les frais d’acquisition, et d’amortir le bien immobilier, la base d’imposition est réduite au niveau de la société.

Un autre atout de l’imposition à l’impôt sur les sociétés d’une SCI c’est la possibilité de bénéficier d’une imposition réduite en cours de vie sociale.

En effet, une SCI soumise à l’impôt sur les sociétés est imposable sur ses bénéfices au taux de 15% jusqu’à 38 120 euros de bénéfices, puis au taux de 25% au-delà de ce seuil.

Du côté des associés, en cas de distribution des bénéfices sociaux, ils sont alors imposables au prélèvement forfaitaire unique au taux global de 30% (dont 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux), ou sur option au barème progressif de l’impôt sur le revenu, auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2%.

A noter que si une SCI exerce une activité de location meublée, elle est alors obligatoirement soumise à l’impôt sur les sociétés ; cette activité étant en effet traitée comme commerciale (Article 206, 2 du Code général des impôts).

Il y a une exception à cette règle de principe : l’administration fiscale tolère en effet qu’une SCI ne devienne pas assujettie à l’impôt sur les sociétés, si le montant des loyers de la location meublée ne dépasse pas 10% du total de ses recettes hors taxes [1].

Autre atout d’une SCI à l’impôt sur les sociétés : il est possible de mettre en réserve les bénéfices de la société, sans imposition au niveau des associés, et de transmettre la nue-propriété des parts sociales aux enfants, qui bénéficieront d’un accroissement de la valeur des parts sans droits de succession supplémentaires à régler.

En effet, en cas de démembrement de parts sociales d’une SCI, le nu-propriétaire devient plein propriétaire de celles-ci au moment du décès de l’usufruitier, sans droits à régler.

Du coup, si les parents usufruitiers décident d’affecter les bénéfices en réserve, plutôt que de les distribuer, les enfants nus-propriétaires bénéficient alors d’une hausse de la valeur de leurs parts (résultant de cette mise en réserve), et ce, sans droits à payer.

Il faut malgré tout rester vigilant à ce sujet, car l’administration fiscale pourrait considérer qu’une mise en réserve systématique de bénéfices constituerait une donation indirecte consentie aux enfants nus-propriétaires.

S’agissant de la plus-value réalisée lors de la cession du bien immobilier par la SCI à l’impôt sur les sociétés, la situation est moins favorable que pour la SCI fiscalement translucide.

En effet, la plus-value, - qui correspond à la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable (valeur d’origine diminuée des amortissements pratiqués) -, est imposable au taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés, sans aucun abattement pour durée de détention.

Si l’associé souhaite récupérer le produit de cette vente, il conviendra alors de passer par une distribution sous la forme d’un dividende (ou d’un boni de liquidation en cas de dissolution de la société), avec le coût fiscal élevé y afférent.

La sortie d’une SCI à l’impôt sur les sociétés peut ainsi être confiscatoire.

Quant à la cession des titres d’une SCI à l’impôt sur les sociétés, c’est le régime des plus-values de valeurs mobilières qui s’applique.

A cet égard, conformément à l’article 150-0 D du Code général des impôts, une telle cession est imposable au barème progressif de l’impôt sur le revenu, avec les abattements pour durée de détention (50% lorsque les parts sociales sont détenues entre 2 et 8 ans, et 65% si elles sont détenues plus de 8 ans), auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2%.

3) Synthèse : SCI à l’impôt sur le revenu ou SCI à l’impôt sur les sociétés ?

Le choix du régime fiscal de la SCI peut être lourd de conséquences.

D’autant qu’en cas d’option pour l’impôt sur les sociétés, et de volonté de revenir ultérieurement au régime de l’impôt sur le revenu, cela entraine les conséquences fiscales de la cessation d’entreprise, avec l’imposition immédiate des bénéfices en cours, ainsi que des plus-values en sursis d’imposition (Article 239, 1 du Code général des impôts).

En matière d’imposition des revenus, la fiscalité est généralement moins élevée en cours de vie sociale pour une SCI à l’impôt sur les sociétés, par rapport à une SCI à l’impôt sur le revenu.

En effet, outre le fait que la société peut bénéficier d’une réduction du résultat imposable, - via la déduction des frais d’acquisition et la pratique de l’amortissement sur l’immeuble social -, le taux de l’impôt sur les sociétés est de 15% dans la limite de 38.120 euros de bénéfices, puis de 25% au-delà.

En l’absence de distribution au niveau des associés, les loyers ne font l’objet d’aucune autre imposition si la SCI est soumise à l’impôt sur les sociétés.

Ce n’est alors qu’en cas de distribution, que le bénéfice net peut être imposé au prélèvement forfaitaire unique au taux global de 30% (ou si cela est plus favorable au barème progressif de l’impôt sur le revenu, auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2%).

Dans une SCI à l’impôt sur le revenu, les associés sont imposables sur les loyers au barème progressif de l’impôt sur le revenu (jusqu’à 45%), auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2%, et ce, que les loyers soient distribués ou non.

En revanche, lors de la sortie (cession de l’immeuble social), la SCI à l’impôt sur le revenu est généralement plus favorable que la SCI à l’impôt sur les sociétés, compte tenu de la possibilité de bénéficier d’une exonération totale grâce à l’abattement pour durée de détention du bien immobilier.

A noter que le régime fiscal de la SCI (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés) n’a pas d’incidence en matière d’impôt sur la fortune immobilière des associés.

Dans les deux cas en effet, l’associé perd l’abattement de 30% sur la résidence principale, qui ne s’applique que lorsque celle-ci est détenue en direct, et pas à travers une société.

Compte tenu de tout ce qui précède, la SCI à l’impôt sur les sociétés est une solution à privilégier si les associés n’ont pas besoin de revenus immédiats, et qu’il n’est pas envisagé la cession des actifs sociaux.

Une analyse au cas par cas s’impose en fonction des besoins et des objectifs des associés de la SCI.

Didier Majerowiez Avocat Fiscaliste Barreau de Paris https://www.fiscaloo.fr/