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[Point de vue] On ne badine pas avec le droit de la copropriété. Par Charles Dulac, Avocat.
Parution : mercredi 7 septembre 2022
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Syndic, une profession qui ne s’improvise pas. L’objet de cet article est de vous détailler les fonctions et obligations de ce professionnel du droit de l’immobilier.

Cela relève presque de la tradition séculaire, de l’usage, que de médire sur le syndic de sa Copropriété.

Ce dernier n’est pas suffisamment réactif, ne répond jamais aux appels, aux courriels… puis l’entreprise de ravalement qui a été mandatée par lui n’est pas efficace, trop bruyante, sans compter que la nouvelle couleur des escaliers est disharmonieuse et la porte d’entrée ne fonctionne toujours pas !

Tant de désagréments qui conduisent à dénigrer le gestionnaire de votre immeuble, ce syndic si négligeant.

Les coutumes ont la vie dure.

Car, vous n’êtes pas sans ignorer que votre syndic est un véritable professionnel de l’immobilier.

En outre, s’improviser syndic bénévole de son immeuble peu s’avérer être un jeu dangereux qui peut conduire à bien des déboires chronophages et parfois allant jusqu’au contentieux judiciaire.

Alors, pourquoi ne pas laisser faire le sachant.

Car , sachez tout d’abord que votre syndic est un professionnel agrémenté.

Depuis la Loi Alur du 26 mars 2014 (Loi n° 2014-366), l’activité de syndic a été particulièrement encadrée et est conditionnée à des obligations réglementaires.

Pour exercer l’activité d’administration de Copropriété, le gestionnaire doit être titulaire d’une carte professionnelle délivrée par la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI).

Par ailleurs, depuis le 1er juillet 2015, cette carte a été affinée à l’activité de syndic, sous la dénomination de « Carte S », et non seulement à la Transaction – « Carte T » - ou à la Gestion – « Carte G » - immobilière.

La délivrance de cette carte est naturellement conditionnée à de nombreux critères, au titre desquels :
- Absence de condamnation sur le casier judiciaire ;
- Justifier d’une formation diplômante en immobilier ou juridique (BTS, Bac +3…), et/ou d’une expérience professionnelle significative ;
- Produire une attestation de garantie financière d’un organisme agrémenté ;
- Souscrire à une assurance responsabilité civile professionnelle ;
- Détenir un compte bancaire spécifiquement dédié.

Enfin, la Carte S n’est valable que trois années durant lesquelles le syndic doit suivre à minima 42 heures de formations dans les « domaines juridique, économique, commercial, à la déontologie ainsi qu’aux domaines techniques relatifs à la construction, l’habitation, l’urbanisme, la transition énergétique » [1].

Ensuite , sachez également que votre syndic est soumis à une obligation de résultat dans le cadre de sa mission d’administration.

Le statut de la Copropriété a été largement défini par la Loi du 10 juillet 1965 [2] et son Décret d’application du 17 mars 1967 [3], lesquels ont largement été remaniés et ajustés au fil du temps et notamment par la Loi Elan du 23 novembre 2018 [4].

Au titre de ces dispositions, il incombe au syndic professionnel de nombreuses obligations intangibles, notamment :
- La gestion financière et comptable de l’immeuble : tenir la comptabilité du Syndicat sur un compte séparé et dédié, établir un budget prévisionnel pour les charges courantes et un budget provisionnel pour les dépenses exceptionnelles et de travaux, lever les fonds auprès des copropriétaires et en respect des tantièmes, assurer la trésorerie du Syndicat et le paiement des fournisseurs…
- La gestion administratives de l’immeuble : convoquer les assemblée générale annuellement, assurer la conservation du bâtiment, son entretien et, en cas d’urgence, faire exécuter les travaux nécessaires, veiller au respect du Règlement de copropriété, gérer et assurer la conservation des archives, représenter le Syndicat des copropriétaires en justice…

Le syndic est contraint de remplir ces missions et ne peut se faire substituer.

En outre, en cas de négligence dans leur accomplissement, il peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à payer une indemnité à la Copropriété.

Pendant longtemps, cette mise en cause était recherchée sur le fondement commun du Code civil, aux articles 1240 et suivants, prévoyant la « Responsabilité pour faute » dans l’exercice de la gestion de la Copropriété.

Depuis l’ordonnance du 30 octobre 2019 [5] une action de type ut singuli, c’est-à-dire à titre individuelle pour l’intérêt collectif, permet au Président du conseil syndical d’agir pour le compte du Syndicat à l’encontre du syndic « en cas de carence ou d’inaction » de ce dernier [6].

Cet ajout du législateur vise sans aucun doute à renforcer l’encadrement grevant l’activité des syndics professionnels.

De ce fait, votre syndic est responsable juridiquement mais, ce n’est pas tout, il l’est également d’un point de vue moral, envers vous.

Enfin , sachez que votre syndic est dépendant de la confiance réitérée des copropriétaires.

Comme pour la politique, la Copropriété élit son syndic !

Et comme pour les politiciens, si les copropriétaires sont déçus, ils peuvent révoquer le mandat et faire désigner un autre administrateur.

La Loi du 10 juillet 1965 prévoit effectivement en ses dispositions que le syndic est élu à la majorité de l’article 25.

Son mandat, matérialisé par un contrat de syndic, est limité à une durée maximal de 3 ans.

En outre, c’est une pratique courante, les syndics professionnels ont pour habitude de soumettre à chaque assemblées générales annuelles un quitus.

Cela signifie qu’au-delà du renouvellement de leur mandat, ils sollicitent une reconnaissance de leurs copropriétaires.

Ce quitus peut leur être accordé sans réserve mais il peut également contenir des conditions qui s’imposeront au syndic dans la suite de sa gestion.

En tout état de cause, administrer une Copropriété implique une connaissance accrue des obligations et normes en vigueurs étant donnée.

Votre syndic, de par sa qualité de professionnel agrémenté, se doit de connaître tous ces aspects et risques d’engager tant sa responsabilité juridique que son mandat de gestion auprès de la Copropriété.

Une certaine tendance serait aux choix d’un syndic bénévole, copropriétaire désigné au sein du conseil syndical.

Cette solution qui peut certes paraître opportune, est à déconseiller tant la gestion d’une copropriété implique une connaissance accrue et une disponibilité importante.

Des accompagnements juridiques par des plateformes peuvent être proposées pour accompagner le syndic bénévole.

Elles comportent toutes des avantages, notamment sur le coût de fonctionnement, mais peuvent être limitées dans la gestion de certains immeubles « difficiles ».

De même que le passage à des structures sociétaires plus souples, comme les Associations Syndicales Libres (ASL), ou Associations foncières urbaines Libres (AFUL), peuvent être envisagées mais nécessitent une étude approfondie de la situation de la Copropriété.

A ce titre, la saisine d’un avocat, tant pour la création que pour l’accompagnement du Syndicat, s’avère particulièrement nécessaire.

Charles Dulac, Avocat, Barreau de Paris [->contact@dulac-avocat.com]

[1Décret n° 2016-173 relatif à la formation continue des professionnels de l’immobilier.

[2Loi n° 65-557.

[3Décret n°67-223.

[4Loi n° 2018-1021.

[5Ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019.

[6Article 15, alinéas 3 à 5, Loi 10 juillet 1965.

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