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Crise sanitaire liée au covid-19 : maintien de l’obligation de payer les loyers.
Parution : lundi 19 septembre 2022
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Les mesures de confinement ayant empêché l’exploitation des locaux ne constituent ni la perte de la chose louée, ni une inexécution contractuelle imputable au bailleur, ni un cas de force majeure justifiant la suspension du paiement des loyers et charges.

Cet article est issu de la documentation Recouvrement de créances et procédures d’exécution des Editions Législatives.

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La troisième chambre civile a rendu trois arrêts très attendus par lesquels elle se prononce sur les principaux arguments invoqués par des locataires pour justifier le non-paiement des loyers commerciaux durant les périodes de confinement mises en place par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Aux cas particuliers, les sociétés locataires respectivement de lots d’une résidence de tourisme (n°21-20.127), d’un local à usage de supermarché à dominante non alimentaire (n° 21-20.190) et d’un local à usage d’agence immobilière (n° 21-19.889), contraintes de cesser leur activité en raison des restrictions sanitaires, ont interrompu le paiement des loyers et charges pendant cette période. En réaction, la première a été condamnée au paiement d’une provision correspondant à l’arriéré locatif tandis que les comptes des suivantes ont fait l’objet d’une saisie-attribution.

N’ayant pas obtenu gain de cause devant les premiers juges, elles invoquent divers arguments devant la Cour de cassation pour justifier la suspension de l’exécution de leur obligation.

Les trois pourvois soutiennent que l’interdiction administrative de recevoir du public caractérise la perte de la chose louée en application de l’article 1722 du code civil et est constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance d’assurer la jouissance paisible des lieux loués conformément à la destination prévue au bail.

La Cour de cassation rappelle qu’en application des décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales pour faire face à l’épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant jusqu’au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l’exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité. Puis que, édictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résultat du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis. Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

Elle en déduit que l’effet de cette mesure générale et temporaire, qui est le seul fait du législateur et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d’une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu’il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d’autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil.

Par ailleurs, l’un des pourvois invoque deux autres arguments pour contester la condamnation mise à sa charge.

Il argue d’abord que le preneur qui n’a pas pu exploiter la chose louée selon sa destination à cause de la fermeture des locaux pendant la crise sanitaire peut obtenir la suspension de son obligation de paiement des loyers pendant cette fermeture en invoquant la force majeure (n° 21-20.190). La troisième chambre civile répond qu’il résulte de l’article 1218 du code civil que le créancier qui n’a pas pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.

Il estime enfin que son cocontractant a manqué à son obligation de bonne foi en pratiquant 3 semaines seulement après la fin du confinement une mesure d’exécution forcée à l’encontre du débiteur pour obtenir le paiement des loyers échus pendant la fermeture des locaux sans tentatives de renégociation du contrat pour l’adapter aux circonstances. La Cour de cassation estime que la cour d’appel a pu, en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation, estimer que cette obligation est satisfaite dès lors que le bailleur a vainement proposé de différer le règlement du loyer d’avril 2020.

Camille Dreveau, maître de conférences à la Faculté de droit de Tours

Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-20.127, n° 605 B
Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n°21-20.190, n° 604 B
Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-19.889, n° 603 D

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