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Pas de faute grave si le comportement du salarié a été validé par l’employeur. Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : lundi 19 septembre 2022
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Le comportement du salarié, résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble de ses supérieurs hiérarchiques, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 12-7-2022, 20-22.857).

1/ Les faits.

Un salarié, engagé par une entreprise horticole le 4 février 2015, en qualité de directeur des systèmes d’information, est licencié pour faute grave le 2 mai 2016.

L’employeur lui reproche des faits de harcèlement moral à l’égard d’une collègue, et l’instauration d’un climat de tension et de peur caractérisé par une volonté affichée d’éliminer l’ancienne équipe au profit de collaborateurs embauchés par lui-même.

Pour la Cour d’appel, les méthodes managériales du salarié n’étaient ni inconnues, ni réprouvées par sa hiérarchie avec laquelle il avait régulièrement partagé ses constats relatifs à l’insuffisance alléguée de sa collègue.

Par ailleurs - relèvent les juges - le salarié avait agi en concertation avec son supérieur hiérarchique et le directeur des ressources humaines, et l’employeur avait d’ailleurs pris fait et cause pour lui en défendant les décisions prises en réponse aux doléances de l’époux de la salariée qui se plaignait de harcèlement.

Pour ces motifs, le licenciement du salarié a été jugé comme ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse.

2/ La solution juridique.

Cette solution est approuvée par la Cour de cassation, selon laquelle le comportement du salarié, qui était le résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble de ses supérieurs hiérarchiques, ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise.

Au-delà même de la notion de faute grave, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel a pu considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l’article L1235-1 du Code du travail disposant que :

« le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

Cet arrêt s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle un comportement toléré par l’employeur ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire [1].

En l’occurrence, un employeur n’avait pas réagi à l’alerte du médecin du travail au sujet de propos discriminatoires tenus à l’encontre d’un salarié handicapé par son supérieur hiérarchique, avant de licencier ce dernier pour ce motif trois ans plus tard.

A l’inverse, s’agissant du harcèlement sexuel, la Cour de cassation considère le salarié s’expose à un licenciement pour faute grave

« quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur lequel est tenu à une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs » [2].

Xavier Berjot Avocat Associé Sancy Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

[1Cass. soc. 21-6-2018, n° 16-25.500.

[2Cass. soc. 18-2-2014, n° 12-17.55.