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Société étrangère en Italie et traitement fiscal : le cas des plateformes web. Par Mariangela Balestra, Avocat.
Parution : jeudi 22 septembre 2022
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Afin de répondre aux besoins du marché italien, de nombreuses entreprises étrangères opèrent en Italie à divers titres.
Plus de 1 700 entreprises françaises sont présentes en Italie et l’Italie est le deuxième partenaire commercial de la France.
Les deux Pays ont signé une convention en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales [1].
Dans cet article, nous indiquerons les différentes façons mise à disposition d’une société étrangère pour opérer sur le territoire italien et les conséquences fiscales, en examinant un cas très récent sur l’économie numérique, concernant une importante plateforme web de mode.

Comment les entreprises françaises et étrangères opèrent en Italie ?

Une société étrangère en Italie peut opérer de différentes façons :

Avec la création d’une unité locale. Par exemple, il peut s’agir d’un entrepôt pour le stockage de marchandises devant être commercialisées sur le sol italien, ou d’un bureau de représentation. Il est important de souligner que pour être telles et conserver le traitement fiscal qui leur est réservé, les unités locales ne doivent pas présenter les caractéristiques d’un établissement stable.
En tout état de cause, afin de ne pas créer d’établissement stable, les opérations effectuées dans les unités locales en Italie doivent être exclusivement auxiliaires. Par ailleurs, on ne considère pas qu’il y ait un "établissement stable" en Italie si l’installation est utilisée aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l’entreprise, ou si elle est utilisée seulement aux fins d’acheter des marchandises ou de rassembler des informations pour l’entreprise [2].
D’autre part, s’il existe un établissement stable, les avantages attribuables seront soumis à l’impôt sur les sociétés en Italie.

Avec la création d’une succursale (branch). Cette solution est essentielle pour ceux qui envisagent d’avoir un établissement stable sur le territoire italien (qui, par conséquent, fonctionne également même sur des fonctions non auxiliaires) tout en conservant la responsabilité juridique de la société mère étrangère. Les succursales répondent aux autorités fiscales italiennes comme toute autre entreprise italienne mais ne sont pas juridiquement indépendantes de la société étrangère ; cependant, la personne morale est et reste étrangère.

Avec la création d’une nouvelle société directement en Italie, sur la base des règles italiennes sur les sociétés de personnes (S.S., SNC, SAS,) ou les sociétés de capitaux (SRL, SRLS, SPA, SAPA, etc)., selon le type de société choisi.

Suite à la conclusion d’un contrat ou d’un autre contrat à exécuter en Italie (pensez, par exemple, à un contrat pour la construction et/ou à l’installation de machines) : l’entreprise étrangère peut envoyer en Italie ses employés et/ou ses actifs à respecter les termes du contrat.
Il est important de souligner que chacune des options est strictement réglementée et doit répondre à des exigences légales spécifiques. Il suffit de penser à la différence entre les unités locales et les succursales : établir avec précision la frontière entre ce qui est un établissement stable et ce qui ne l’est pas nécessite forcément l’aide d’un professionnel compétent.

Les plates-formes web et l’établissement stable virtuel.

Depuis 2018, le législateur italien a élargi la définition d’établissement stable également pour tenir compte du développement de la technologie numérique qui rend de moins en moins nécessaire la présence physique des entreprises étrangères pour opérer sur le territoire italien.
L’établissement stable « virtuel » est prévu par l’article 162, f-bis) du décret présidentiel n° 917/86. Cette nouvelle définition concerne des sociétés non-résidentes en Italie mais caractérisées par une "présence économique significative et continue sur le territoire de l’État construite de manière à ne pas montrer sa consistance physique sur le territoire de celui-ci".

En 2022, la police des finances de Bologna a constaté, pour la première fois en Italie, l’existence d’un établissement stable caché d’une multinationale basée au Royaume-Uni opérant dans le secteur du commerce électronique.
Cette société a conclu un accord avec les autorités italiennes finalisé au paiement de 12 millions d’euros d’impôts non versés [3].

Selon les autorités italiennes, durant la période de 2015 à 2019, l’e-commerce de la société étrangère a vendu des vêtements de magasins italiens, pour plus de 2,5 milliards d’euros, ne payant pas les impôts en Italie sur la commission perçue. Les 200 magasins partenaires italiens affiliés à la plate-forme s’assumaient tous les risques et mettaient à disposition les espaces physiques pour le stockage des marchandises à vendre via la plate-forme. La société intermédiaire étrangère n’avait pas formellement d’employés ou des bureaux en Italie mais conservait néanmoins un « siège italien caché » auprès du domicile d’un sujet à disposition de la multinationale. Depuis 2020 la société a établi une société contrôlée ayant son siège en Italie.

Conseil juridique et fiscal : pourquoi il est important.

Comme illustré ci-dessus, les entreprises étrangères doivent répondre à des exigences spécifiques pour opérer en Italie. Par ailleurs, la nature des opérations est fondamentale pour déterminer le traitement fiscal : comme indiqué ci-dessus, les entreprises sans profil de stabilité (donc sans unités locales) peuvent bénéficier du traitement fiscal du pays d’origine, tandis que celles qui ouvrent une succursale d’exploitation ne peuvent pas.
Établir avec certitude la nature et le genre d’activité en Italie n’est pas chose aisée : il est donc absolument indispensable de s’appuyer sur des professionnels qualifiés dans le domaine pour éviter de commettre des erreurs qui pourraient coûter cher, économiquement parlant.

Mariangela Balestra, Avocat inscrit au Barreau de Bologne (Italie) Lex IBC www.lexibc.com

[1Voir le site impots.gouv.fr.

[2Voir, article 5 Convention Italie – France citée et article 162 du décret présidentiel italien n° 917/86.

[3Source : Ansa.