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Cadres dirigeants : une directrice III C d’IBM n’est pas cadre dirigeant. Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : lundi 3 octobre 2022
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Dans cet arrêt de la Cour d’appel de Versailles (6ème chambre) du 3 février 2022, la cour d’appel juge que la salariée Directrice n’est pas cadre dirigeante au sens de l’article L3111-2 du Code du travail.
Elle accorde à la Directrice une partie des rappels d’heures supplémentaires qu’elle réclamait ainsi que les congés payés afférents.
La Cour d’appel de Versailles déboute la Directrice de sa prise d’acte et de sa demande de dommages intérêts pour harcèlement moral.
La salariée s’est pourvue en cassation.

1) Rappels des faits et de la procédure.

La SASU Compagnie IBM France, dont le siège social est situé à Bois-Colombes dans les Hauts-de-Seine en région Île-de-France, est spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques.

Elle emploie environ 7 000 salariés et applique la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

Mme X a été engagée le 1er juillet 1994, initialement par la société IBM Eurocoordination, d’abord selon contrat de travail à durée déterminée, puis selon contrat à durée indéterminée en décembre 1994.

A compter du 1er juillet 2008, son contrat de travail a été transféré à la société IBM France dans le cadre d’une cession de fonds de commerce.

Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société IBM France par requête reçue au greffe le 20 septembre 2017.

En cours de procédure d’appel, Mme X a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 14 mai 2019.

Par jugement contradictoire rendu le 12 avril 2019, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Nanterre a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes. (…)

Mme X a interjeté appel du jugement par déclaration du 10 mai 2019 enregistrée sous le numéro de procédure 19/02159. (…)

2) Arrêt de la Cour d’appel de Versailles (6ème chambre) du 3 février 2022.

Par arrêt du 3 février 2022, la Cour d’appel de Versailles :
- confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 12 avril 2019, excepté en ce qu’il a été retenu le bien-fondé de l’application du statut de cadre dirigeant, en ce que Mme X a été déboutée de sa demande au titre des heures supplémentaires et en ce qu’elle a été condamnée au paiement des dépens.

Statuant à nouveau et y ajoutant :
- dit que Mme X ne relevait pas du statut de cadre dirigeant,
- condamne la SAS Compagnie IBM France à payer à Mme X la somme de 40 994,80 euros au titre des heures supplémentaires dues entre septembre 2014 et juin 2017, outre une somme de 4 099,48 euros au titre des congés payés afférents,
- déboute Mme X de sa demande tendant à voir dire que sa prise d’acte du 14 mai 2019 doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2.1) Sur la rupture du contrat de travail.

Mme X a notifié à la société IBM France la rupture de son contrat de travail dans le cadre d’un départ volontaire à la retraite par courrier du 14 mai 2019 dans les termes suivants :

« Je donne suite à mon courrier du 30 avril 2019 de mise en demeure de cesser les agissements fautifs dont je suis l’objet et auquel vous n’avez pas répondu.
À cet égard, je vous informe de ma décision contrainte de faire valoir mes droits à retraite, dès lors que les irrégularités affectant mon contrat de travail et mes conditions de travail ont provoqué la dégradation de mon état de santé et rendent impossible mon maintien au sein de l’entreprise.
Mon départ à la retraite est justifié par les fautes suivantes d’IBM à mon encontre :
- Suppression de mon emploi de “Leader, Response and Lead Management, Digital Sales Europe” officialisée en mars 2017 ;
- Modification et rétrogradation unilatérale par la société de ma qualification au poste de “Project Manager” de mai 2017 à septembre 2018 ;
- Modification unilatérale de ma qualification contractuelle au poste de “Channel Marketing Offering Enablement” en septembre 2018 ;
- Mise à l’écart et absence de fourniture de travail ;
- Harcèlement moral du fait de mon exclusion ;
- Application illicite du statut de cadre dirigeant, dès lors notamment que je ne fais pas partie des salariés d’IBM les mieux rémunérés et non-paiement des 856 heures supplémentaires.

Malgré ma saisine du conseil de prud’hommes, je constate toujours que les manquements d’IBM à mon encontre perdurent.

2. Sur la modification unilatérale de ma qualification
Le poste que vous m’avez proposé à compter de septembre 2018 de “Channel Marketing Offering Enablement” outre qu’il ne correspond pas à ma qualification, et encore moins à un statut de cadre dirigeant, caractérise une modification unilatérale de ma qualification que je n’ai accepté qu’à titre provisoire, le temps que vous me proposiez un poste conforme à mon ancienne qualification.

3. Sur l’application illicite du statut de cadre dirigeant et le non-paiement des 856 heures supplémentaires.
Je ne suis pas cadre dirigeant, ce statut m’est toujours appliqué en violation des critères légaux, dès lors que je ne perçois pas un niveau de rémunération parmi les plus élevés de ceux d’IBM, puisque notamment je n’ai toujours pas été repositionnée sur le niveau de classification interne "executive" me permettant de bénéficier
du plan de rémunération variable « AIP », le plus favorable au sein d’IBM.

4. Sur l’absence de fourniture de travail depuis mai 2017 et le harcèlement moral que je subis.
Alors que j’occupais précédemment un poste avec des responsabilités, un budget et des responsabilités managériales importantes, depuis 2017, je suis mise à l’écart et exclue des discussions stratégiques suite notamment à la réorganisation et la suppression de mon poste.
Aussi, depuis lors, la quantité de travail qui m’est confiée est insuffisante pour m’occuper à temps plein, soit sur une base de 35 heures hebdomadaires.
En effet, je n’ai que 25 heures de travail par semaine en moyenne.
Je vous rappelle à cet égard que j’ai tenu un tableau de mes activités et horaires quotidiens, duquel il ressort que j’effectue entre 6 heures et 28 heures par semaine de travail effectif.
Les longues heures inoccupées, alors que je me tiens à la disposition d’IBM chaque jour, dégradent de manière conséquente mon état de santé moral, du fait notamment d’un sentiment d’inutilité grandissant, ce qui rend impossible mon maintien dans l’entreprise.
Ce départ en retraite forcée, m’est d’autant plus préjudiciable qu’à ce jour je ne suis pas en droit de bénéficier d’une retraite à taux plein.
Mon départ, compte tenu du préavis d’un minimum de deux mois à respecter, prendra effet à partir du 31 juillet 2019
 ».

S’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines au départ du salarié, qu’à la date à laquelle ce départ a été décidé, celui-ci était équivoque, il sera analysé en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’un départ volontaire à la retraite.

Par ailleurs, la prise d’acte de la rupture par un salarié en raison de faits qu’il reproche à l’employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail de sorte
qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.

En l’espèce, il résulte des termes du courrier de rupture que Mme X y remet en cause son départ en retraite en raison de faits ou manquements qu’elle impute à son employeur.

Dans ces conditions, il convient d’examiner les manquements invoqués par la salariée à l’appui de sa demande de requalification de sa prise d’acte.

2.2) Sur les manquements invoqués par la salariée.

A l’appui de sa demande, Mme X reproche à son employeur les sept manquements suivants :
- la société Compagnie IBM France lui appliquait le statut de cadre dirigeant de façon illicite,
- elle ne lui a pas payé 801,70 heures supplémentaires qu’elle a effectuées sur la période de septembre 2014 à juin 2017,
- elle ne lui a pas payé le repos compensateur,
- elle a modifié de façon unilatérale à plusieurs reprises sa qualification contractuelle et l’a rétrogradée,
- elle n’a pas respecté les durées maximales de travail, quotidienne et hebdomadaire,
- elle ne lui a pas fourni de travail,
- elle l’a mise à l’écart et lui a fait subir un harcèlement moral.

Il apparaît cependant que plusieurs des manquements ne constituent que la conséquence de la non-application revendiquée du statut de cadre dirigeant, à savoir le non-paiement des heures supplémentaires, du repos compensateur et le dépassement des durées maximales, quotidienne et hebdomadaire.

Il convient dès lors d’examiner les questions suivantes :
- le statut de cadre dirigeant,
- la modification unilatérale du contrat de travail et la rétrogradation,
- le harcèlement moral,
- l’absence de fourniture de travail.

Au préalable, dans un souci de clarification, il sera rappelé les différents postes occupés successivement par Mme X au sein de la société Compagnie IBM France.

Mme X a été engagée par IBM Eurocoordination à compter du 1er juillet 1994.

Elle a bénéficié du statut de cadre dirigeant à compter du 1er janvier 2001. Son contrat de travail a été transféré à la compagnie IBM France le 1er juillet 2008, au sein de laquelle elle a occupé des postes en lien avec le marketing.

Elle bénéficiait alors de la classification interne band D au niveau « executive » lui permettant de bénéficier du système de rémunération variable « AIP » et de stocks options « Long Term Incentive Plan ».

En 2012, Mme X a été nommée « Market Development & LDR Leader » associé à la classification interne band 10, excluant la rémunération variable « AIP » et les stocks options « Long Term Incentive Plan ».

Dans le cadre d’une nouvelle organisation mise en place au sein d’IBM France en 2017, le poste de Mme X a été supprimé, celle-ci ayant alors été nommée « Project Manager Marketplace ».

En 2018, Mme X a été nommée « Partner Enablement Leader, Offerings IBM Partner Ecosystem Europe » (Responsable du support à l’offre des canaux de distribution marketing).

Le contrat de travail a été rompu en mai 2019.

2.3) Sur le statut de cadre dirigeant.

Mme X prétend que son employeur lui a appliqué illicitement le statut de cadre dirigeant.

Elle prétend que sa rémunération ne se situait pas dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération d’IBM, celle-ci étant rémunérée près de 400 000 euros de moins que les dix salariés les mieux payés, celle-ci ne bénéficiant plus depuis 2012 du système de rémunération variable d’IBM appartenant à la catégorie « executive », l’employeur étant défaillant à rapporter la preuve qu’elle faisait partie des salariés les mieux rémunérés.

Elle prétend ensuite qu’elle n’était pas habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome, dès lors qu’on lui a supprimé son budget en 2012, qu’elle était dans l’impossibilité d’engager des dépenses sans l’autorisation préalable de son responsable, qu’elle devait obtenir l’accord de son supérieur pour tout déplacement, que sa position sur l’échelon band 10 de la classification interne des emplois démontre qu’elle n’avait pas l’autonomie d’un cadre dirigeant et qu’elle n’avait plus le grade de directeur, ni de leader à compter de mai 2017.

Elle prétend encore qu’elle n’a jamais participé effectivement à la direction et à la stratégie d’IBM France et ne participait pas aux instances de gouvernance, ainsi elle n’a jamais fait partie du comité de direction, ni de l’équipe dirigeante « Digital Sales Leadership » et elle ne participait pas non plus aux instances dirigeantes relevant de son périmètre.

Elle souligne enfin que son employeur échoue à apporter la preuve de la licéité du statut de cadre dirigeant qui lui a été appliqué, tant sur le critère de rémunération que sur les critères de l’autonomie et de la classification.

La société Compagnie IBM France soutient à l’inverse que Mme X réunissait les conditions pour relever du statut de cadre dirigeant.

Elle fait valoir que la salariée bénéficiait de la classification la plus élevée de la convention collective de la métallurgie ainsi que d’un grade interne élevé au sein d’IBM, ce qui lui conférait une large autonomie et la rendait indépendante dans la gestion de son emploi du temps.

Elle soutient encore que Mme X faisait partie des 3% des salariés d’IBM bénéficiant de la RTR (salaire théorique de référence) la plus élevée, peu important à cet égard qu’elle ne bénéficie pas de stock-options et de bonus AIP.

Elle soutient enfin que Mme X était impliquée dans les décisions stratégiques et faisait partie des cadres de direction de l’entreprise.

Sur ce, l’article L3111-2 du Code du travail dispose :

« Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ».

Échappent ainsi à une partie de la réglementation sur la durée du travail, les cadres qui satisfont aux conditions cumulatives suivantes :
- se voir confier des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps,
- être habilité à prendre des décisions de façon largement autonome,
- percevoir une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de l’entreprise, ces critères cumulatifs impliquant que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise.

La société Compagnie IBM France se prévaut de l’accord d’entreprise sur la réduction du temps de travail signé entre IBM et ses partenaires sociaux, qui reprend à l’article 5.2, la définition de « cadre dirigeant » en ces termes : « sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant, les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ».

Cet accord précise : « Les cadres, ayant un coefficient métallurgique supérieur ou égal à IIIC sont considérés, sauf refus de leur part, comme des cadres dirigeants. Cette population concerne notamment les membres du comité de direction ou les cadres en position d’exercer des prérogatives de l’employeur par délégation directe. Les cadres dirigeants seront inscrits par la Compagnie sur les listes électorales au collège employeur pour les prochaines élections prud’homales. La Compagnie se réserve le droit de proposer à des cadres ayant un coefficient inférieur, mais entrant dans la définition visée à l’alinéa 1er, l’attribution de la qualité de cadre dirigeant. Dans ce cas, le comité de suivi d’interprétation sera informé » (pièce 1 de l’employeur).

Il résulte de ces dispositions que chez IBM, les cadres bénéficiant d’une classification supérieure ou égale à IIIC sont considérés comme des cadres dirigeants compte tenu de leur niveau de responsabilité et de rémunération, tandis que ceux qui bénéficient d’une classification inférieure peuvent se voir proposer ce statut, à condition toutefois de remplir les conditions posées par la loi, à savoir l’indépendance, l’autonomie et la rémunération.

Il y a dès lors lieu de vérifier si ces conditions sont en l’espèce réunies, s’agissant de la situation de Mme X à partir de 2012, celle-ci ne contestant pas son statut avant cette date.

2.3.1) S’agissant de la rémunération.

Mme X produit la « carte des salaires 2017 » émise par la CFDT-IBM (sa pièce 43) de laquelle il résulte que la moyenne des dix plus fortes rémunérations en 2016, s’élève à 536 964 euros bruts par an, alors que sa rémunération totale brute s’élevait à 167 755 euros en 2017.

Elle souligne que ces chiffres sont minorés puisqu’ils n’incluent pas les rétributions issues des attributions gratuites d’actions.

Il est constant que Mme X ne bénéficie plus depuis 2012 de la position « band D executive » mais de la position « band 10 » de la classification interne d’IBM.

La salariée explique qu’une classification interne des emplois dénommée « Position Reference Guide » (PRG), sert notamment à déterminer les modalités de rémunération variable applicables aux salariés en fonction de leur positionnement sur cette classification. Aux termes de cette classification appliquée aux cadres, il existe une première série de « bands » ou niveaux, numérotée de 1 à 10, puis une deuxième série supérieure de « bands » intitulés D, C, B, et A. Les salariés classés en D, C, B et A appartiennent à la catégorie « executive » et sont les seuls à pouvoir bénéficier d’actions gratuites chaque année, ainsi que d’un plan de rémunération
variable intitulé AIP plus avantageux que celui appliqué aux salariés positionnés en Band 1 à 10, qui eux bénéficient d’un plan de rémunération variable dénommé GDP. De plus, les salariés « non executives », c’est-à-dire positionnés en band 1 à 10, ne peuvent recevoir des stocks options qu’à titre exceptionnel, et jamais de manière régulière.

Mme X indique que de 2006 à 2012, période pendant laquelle elle appartenait à la catégorie « executive », elle a perçu en vertu du système AIP les rémunérations variables annuelles suivantes :
- en mars 2006 : 34 917 euros
- en mars 2007 : 33 498 euros
- en mars 2008 : 29 200 euros
- en mars 2009 : 26 496 euros
- en mars 2010 : 26 082 euros
- en mars 2011 : 38 569 euros
- en mars 2012 : 36 375 euros
- en mars 2013 : 9 492 euros (correspondait au dernier versement du système de rémunération « AIP » afférent au 4 premiers mois de l’année 2012).

A compter de 2013, outre son salaire de base, Mme X justifie avoir perçu les primes suivantes au titre du système GDP :
- en 2013 : 3 914 euros afférents au 8 derniers mois de l’année 2012
- en mars 2014 : 1 830 euros
- en décembre 2014 : 2 004 euros (correspondant à des primes exceptionnelles)
- en mars 2015 : 6 605 euros
- en mars 2016 : 2 468 euros
- en mars 2017 : 2 196 euros
- en mars 2018 : 2 000 euros
- en mars 2019 : 1 755 euros.

La salariée démontre avoir subi une diminution de sa rémunération variable annuelle de l’ordre de 30% outre l’arrêt des attributions gratuites d’actions, le tout ne compensant pas l’augmentation de son salaire de base.

La société Compagnie IBM France, de son côté, rappelle que Mme X bénéficiait d’un salaire théorique de référence (RTR) de 12 792 euros bruts et soutient qu’il s’agit d’une des rémunérations les plus hautes d’IBM.

La société explique qu’en 2018, sur 6 274 collaborateurs, seuls 183 bénéficiaient d’une RTR supérieure à celle de Mme X, ce qui signifie que celle-ci faisait partie des 3% des salariés les mieux rémunérés.

Outre le fait que cette analyse ne tient pas compte de la rémunération variable ni des stocks options, en diminution conséquente pour la salariée, le fait d’être classée 184ème meilleure rémunération de l’entreprise ne permet pas de retenir que Mme X bénéficiait d’une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés du système de rémunération de l’entreprise.

Au demeurant, la société ne produit ni le salaire des executives, ni le nombre de salariés en band 10.

2.3.2) S’agissant de l’autonomie.

Mme X indique, sans être démentie, s’être vu supprimer son budget depuis 2012 et avoir été dans l’impossibilité d’engager des dépenses sans autorisation de son responsable.

Elle souligne qu’aux termes du PRG, les fonctions attachées au band 10 sont définies ainsi :
« - développe et met en œuvre des stratégies de produit, de marché, de business ou de technologie avec une évaluation exécutive
- anticipe, crée et définit des concepts novateurs dans un environnement stratégique
- est guidé par les stratégies globales avec la capacité de contribuer aux stratégies et à l’élaboration des politiques
- est considéré comme un expert par d’autres à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise
 ».

Elle déduit à juste titre de cette définition des fonctions des salariés placés en band 10, que ces derniers ne participent pas à la direction de la société et ne définissent pas les stratégies effectivement mises en œuvre, sauf de façon indirecte.

Mme X se prévaut encore des organigrammes du « top management France », dont elle souligne être absente, sans être démentie par l’entreprise, spécialement l’organigramme du comité de direction d’IBM France de janvier 2018 (sa pièce 33).

Il se déduit de ces éléments qu’à compter de 2012, Mme X n’était pas habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome.

L’ensemble de ces éléments conduit en conséquence à écarter le statut de cadre dirigeant au bénéfice de Mme X qui ne remplissait plus les conditions légales à compter de 2012.

Le jugement du conseil de prud’hommes, qui a considéré au contraire que Mme X réunissait les conditions pour bénéficier de ce statut, sera en conséquence infirmé de ce chef.

Conséquence de la non-application du statut de cadre dirigeant, Mme X relève des règles relatives à la durée du travail sur la base d’une durée de travail hebdomadaire de 35 heures.

2.4) Sur les heures supplémentaires.

Mme X revendique avoir exécuté 801,70 heures supplémentaires du 27 septembre 2014 au mois de juin 2017 inclus.

Il résulte des dispositions des articles L3171-2 et suivants qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme X produit des tableaux annuels détaillant de manière quotidienne et hebdomadaire, ses horaires de travail avec les heures de début et de fin de journée incluant le décompte d’heures afférant (ses pièces 29 à 32).

Elle produit également :
- ses agendas 2015 et 2016 avec ses horaires de début et de fin de journée et les différentes réunions ou rendez-vous auxquels elle a assisté,
- des courriels et des captures d’écran,
- pour les années 2014 et 2015, les relevés d’enregistrement de ses fichiers informatiques indiquant la date et l’heure d’enregistrement,
- l’intégralité des courriels qu’elle a envoyés par jour de travail au titre de chacune des années pour lesquelles elle demande le paiement de ses heures supplémentaires,
- les archives de son agenda professionnel,
- un listing de ses fichiers informatiques issu de son disque dur.

Elle présente ainsi, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse toutefois, la société Compagnie IBM France se limite à critiquer la cohérence des éléments produits par la salariée. Elle indique avoir fait, sous forme de tableau, une analyse minutieuse et critique de l’ensemble des pièces produites par la salariée, laquelle exclut, selon elle, l’existence d’heures supplémentaires.

Elle fait remarquer des incohérences qui ont obligé Mme X à ajouter à la main des heures sur son agenda, notamment un début de journée quasi systématiquement à 9h, le fait que l’agenda comporte des rendez-vous récurrents qui figurent même les jours où elle déclare elle-même être en congés, le fait que son agenda comporte des rendez-vous/conférences téléphoniques sans preuve qu’elle y ait participé effectivement, le fait que la salariée considère que des courriels de remerciement ou des courriels de trois mots représentent une demi-heure voire une heure de travail, le fait qu’elle produise des courriels envoyés en fin de semaine ou le soir, pour faire croire qu’elle travaillait le soir tard ou parfois en fin de semaine, quelques courriels sur des notes de frais et surtout des courriels qu’elle a décidé d’envoyer de sa propre initiative sans qu’il n’y ait eu de demande de son employeur.

La société Compagnie IBM France ne répondant pas utilement aux éléments produits par la salariée en produisant ses propres éléments, spécialement son propre décompte d’heures réalisées par la salariée, il y a dès lors lieu de retenir l’existence d’heures supplémentaires.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, il convient d’évaluer le nombre d’heures supplémentaires réalisées par Mme X à :
- 36 au titre de l’année 2014,
- 111 au titre de l’année 2015,
- 148 au titre de l’année 2016,
- 90 au titre de l’année 2017.

La créance salariale s’y rapportant s’élève à la somme de 40 994,80 euros outre congés payés afférents.

2.5) Sur le repos compensateur.

L’article L3121-30 du Code du travail dans sa version applicable au litige prévoit que les heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel, lequel est défini en l’espèce par l’article D3121-24 du même code à 220 heures.

Or, aux regard des heures supplémentaires retenues, il sera constaté en l’espèce que le contingent annuel n’a pas été atteint, de sorte que la demande sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

2.6) Sur les durées maximales de travail, quotidienne et hebdomadaire.

Mme X invoque le non-respect par l’employeur des durées maximales de travail, quotidienne et hebdomadaire.

Aucun dépassement n’étant cependant caractérisé, au regard des heures supplémentaires retenues, cette demande sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

2.7) Sur le travail dissimulé.

S’agissant de l’indemnité pour travail dissimulé, il est rappelé que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié visée à l’article L8221-5 du Code du travail doit être établi.

Or, en l’espèce, cette intention ne peut se déduire de l’application à tort du statut de cadre dirigeant ayant conduit l’employeur à ne pas contrôler la durée du travail de la salariée.

Cette demande sera en conséquence rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

2.8) Sur la modification unilatérale du contrat de travail.

Mme X soutient que la société Compagnie IBM France a unilatéralement et successivement modifié sa qualification à compter du mois de mai 2017 jusqu’à sa prise d’acte le 14 mai 2019.

Elle rappelle que de mai 2017 à septembre 2018, elle a occupé le poste de « project manager marketplace » et que d’octobre 2018 à mai 2019, elle a occupé le poste de « channel marketing offering enablement Europe ».

Elle prétend qu’elle n’a accepté le poste qu’à titre temporaire dès lors qu’il emportait rétrogradation de sa qualification.

Elle indique qu’elle a pris part de bonne foi à ce projet mais qu’elle a constaté qu’en réalité rien n’était mis en œuvre pour lui permettre d’exercer correctement ses fonctions, ni de lui retrouver une qualification conforme à son niveau de responsabilité antérieur.

La société Compagnie IBM France soutient que Mme X a expressément accepté le poste « project manager marketplace » et qu’elle n’a pas été rétrogradée.

L’employeur soutient encore que l’affectation de Mme X au poste de « channel marketing offering enablement Europe ». au mois de septembre 2018 ne constitue pas une rétrogradation ainsi que la salariée l’a reconnu elle-même.

Sur ce, la modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié, si celui-ci refuse la modification envisagée par l’employeur en vertu de son pouvoir de direction, ce dernier a le choix, soit de renoncer à la modification envisagée, soit d’engager une procédure de licenciement.

S’agissant du poste de « project manager marketplace » occupé par Mme X de mai 2017 à septembre 2018 :

La société Compagnie IBM France explique qu’à la fin de l’année 2016, Mme X a été informée que son poste n’existerait plus dans le nouveau modèle marketing de 2017 et serait ainsi progressivement supprimé, qu’au début de l’année 2017, elle a ainsi continué d’exercer les missions liées à ce poste, puis, lorsque la suppression est devenue effective, le management d’IBM a entrepris des recherches de postes conformes à sa qualification professionnelle, lesquelles ont permis de lui proposer plusieurs affectations, parmi lesquelles le poste de « Project Manager Marketplace » et que la salariée a opté pour ce poste le 17 mai 2017.

Il résulte en effet du courriel que Mme X a adressé à Mme W., DRH et à MM. F. et C., ses supérieurs hiérarchiques, le 17 mai 2017 que celle-ci a clairement accepté ce poste, la seule nuance apportée par la salariée portant sur son caractère transitoire.

Elle écrit en effet :

« Salut - merci pour l’appel ce soir concernant mes prochaines étapes. Pour résumer :
- Je suis d’accord pour assumer le rôle de chef de projet dans l’équipe de Didier avec un accent (au moins initialement) sur la Marketplace.
- Je vais me plonger dans le monde de la Marketplace et faire de mon mieux pour faciliter le succès du projet.
- Je vais faire équipe avec Vania.
- Une fois que j’aurai été impliquée pendant quelques semaines, je serai mieux en mesure d’évaluer ce qui doit être fait, quel est le rôle, avec qui et où devrait-il le mieux être fait. Je ferai mes recommandations, à la fois sur le rôle en général et comment/si je pense que je corresponds. Je suggère que je fasse un checkpoint avec D. dans quatre semaines (en plus de la discussion en cours, bien sûr).
- Nonobstant ce qui précède, je considère le rôle de chef de projet comme une « étape transitoire » et non comme une solution permanente. Ce n’est pas un travail équivalent à mon poste actuel, ni au niveau de mon expérience.
- En parallèle, nous surveillerons tous la situation pour rechercher d’autres postes, plus en rapport avec mon expérience. Au cas où il n’y aurait toujours pas de rôle approprié, vous pourrez me faire part de tout programme de « transition vers la retraite » ou d’autres programmes de cessation d’emploi similaires à ceux qui ont été offerts à d’autres personnes dans ma situation par le passé.

Dans l’immédiat, j’aimerais officiellement remettre mon rôle actuel dès que possible.

Il est maintenant très difficile de gérer la situation actuelle (je suis tenue à l’écart des réunions/discussions, puisque certains sont au courant du changement, et d’autre part, je continue à accumuler des projets et une charge de travail puisque beaucoup d’autres ne sont pas au courant). J’ai veillé à ce que d’autres personnes soient mises au fait de tout sujet important, partagent les fichiers, etc. Donc, je pense que la coupure peut être cette semaine, en supposant qu’une annonce soit diffusée. Bien sûr, s’il y a des informations en ma possession que d’autres n’ont pas, je vais les partager pour faciliter la transition. L’exception est le Sales Drive, où il n’est pas logique de transiter au milieu du gué. Donc je propose d’en conserver la direction exceptionnellement. Ce sera finalisé à la fin du mois.
Merci encore pour les efforts dans la recherche d’une bonne solution pour tous
 » (pièce 19 de la salariée).

Dans ces conditions, Mme X, qui a accepté ce poste, ne peut se prévaloir d’une modification unilatérale de son contrat de travail, ni donc d’une rétrogradation.
S’agissant du poste de « channel marketing offering enablement Europe » occupé par Mme X à compter du mois de septembre 2018

La société Compagnie IBM France explique à ce sujet que Mme X a commencé à dénigrer le poste qu’elle occupait à partir du mois de juillet 2017 alors pourtant que son profil était en parfaite adéquation avec son expérience, de son expertise et de ses relations avec les parties prenantes, que le management d’IBM a pris en compte le souhait de la salariée de bénéficier d’une autre affectation en restant attentif aux opportunités de postes susceptibles de lui correspondre.

Elle explique encore cette nouvelle affectation par le fait que la plateforme web que Mme X devait adapter au niveau européen dans le cadre de sa mission de « Project Manager Marketplace », était en phase de stabilisation depuis juin 2018 de sorte que sa mission devait prendre fin, que la salariée avait elle-même indiqué que cette activité était de moins en moins prenante afin d’obtenir une nouvelle affectation.

IBM fait valoir que cette nouvelle affectation était conforme à la qualification de Mme X puisqu’il s’agissait d’un rôle dans le domaine du marketing au niveau international qui nécessitait tout à la fois des compétences de vente, de marketing, de coordination d’actions auprès de nombreux pays, correspondant au profil marketing et international de la salariée, enrichi par son expérience commerciale et son dernier rôle chez « Digital sales » où elle avait déjà démontré ses capacités à coordonner les actions au niveau de différents pays.

Il sera constaté que Mme X ne démontre pas la contrainte qu’elle invoque malgré les termes de son courriel du 4 octobre 2018.

En effet, s’il résulte des échanges entre les parties que ceux-ci s’inscrivent manifestement dans une négociation difficile, l’enjeu restant la possibilité pour l’employeur de licencier la salariée en cas de refus d’un changement de poste alors que la salariée a réitéré à plusieurs reprises son souhait de rester chez IBM jusqu’à sa retraite, il ressort des éléments de l’espèce qu’aucune contrainte n’est cependant établie de ce fait.

A ce sujet d’ailleurs, Mme X avait écrit le 11 septembre 2015 à Mme W, DRH :

« L. m’a interrogée sur mes attentes et il m’a également demandé combien de temps je comptais rester chez IBM. Je lui ai indiqué que je souhaitais rester dans l’entreprise et trouver un poste adapté à mes compétences.

Pour ce qui est de quitter l’entreprise, je lui ai expliqué que je n’en avais pas particulièrement l’intention et avec deux enfants encore étudiants, j’aurais besoin d’un « plan de transition vers la Retraite » intéressant d’un point de vue financier » (Pièce 107 de la salariée).

L’argumentation de la salariée, qui prétend avoir été rétrogradée dans le cadre d’une modification unilatérale de son contrat de travail, est inopérante, dès lors qu’elle a accepté ces nouveaux postes, ce qui lui permettait en contrepartie de continuer de travailler dans l’entreprise jusqu’à sa retraite.

2.9) Sur le harcèlement moral.

En application des dispositions de l’article L1152-1 du Code du travail,

« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Aux termes de l’article L1154-1 du même code,

« Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L1152-3 [...], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles
 ».

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L1152-1 du Code du travail.

Dans l’affirmative, il y a lieu d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme X prétend avoir été victime d’un harcèlement moral et présente, à l’appui de son allégation, différents éléments de fait.

Elle fait valoir que suite à la suppression de son poste en mai 2017, elle a été mise à l’écart et s’est trouvée dans une situation très difficile à gérer, qu’elle a dû continuer d’exercer ses anciennes fonctions tout en sachant qu’elles étaient supprimées, que, dès lors que certaines personnes connaissaient la réorganisation, elle était exclue de certaines discussions, tandis que d’autres continuaient de l’intégrer, que cela a engendré une situation humiliante, que la société lui a refusé de nombreux déplacements concernant ses anciennes fonctions, ce qui a eu pour conséquence de l’isoler encore plus, que tout cela a généré une situation intolérable, puisque son isolement était apparent pour l’ensemble de son équipe, alors que rien n’avait été annoncé officiellement, qu’elle a dénoncé cette situation à plusieurs reprises, sans qu’IBM n’apporte aucune solution aux difficultés qu’elle éprouvait.

Elle invoque sa mise à l’écart, le retrait des présentations orales en réunion, son exclusion de réunions téléphoniques entrant dans son périmètre, la détérioration de ses conditions de travail et ses alertes, la suppression de son poste, sa rétrogradation et l’absence de mesures prises par la société malgré ses multiples alertes, ces faits entraînant une dégradation de son état de santé.

S’agissant de sa mise à l’écart, Mme X affirme qu’à compter de novembre 2016, elle aurait été mise à l’écart et aurait dû subir le comportement de plus en plus agressif de son supérieur hiérarchique, M. C., ce dont elle aurait fait part à la DRH le 19 janvier 2017.

Toutefois, pour corroborer ces dires, elle s’appuie uniquement sur le courriel qu’elle a adressé à la DRH sans justifier de l’agressivité qu’elle reproche à son supérieur hiérarchique. Ces éléments sont insuffisants pour établir la matérialité du manquement allégué.

S’agissant du retrait des présentations orales en réunion et de son exclusion de réunions téléphoniques à la même période, ces faits s’inscrivent à l’évidence dans la période au cours de laquelle il était attendu de la salariée qu’elle assure la transition, même si cela la mettait dans une situation à ses yeux inconfortable.

Ce manquement n’est pas établi.

S’agissant de la détérioration de ses conditions de travail, Mme X se prévaut d’un courriel d’alerte qu’elle a adressé à la DRH le 13 mars 2017. Cet unique élément, rédigé par la salariée elle-même, n’est pas de nature à établir la matérialité de la détérioration invoquée.

Mme X invoque la suppression de son poste comme élément de harcèlement moral, alors qu’il a été retenu que cette suppression résultait d’une réorganisation de l’entreprise et que l’équipe de management a entrepris des diligences qui ont conduit à son repositionnement. Ce manquement n’est pas établi.

Mme X reproche encore à IBM de ne pas avoir pris de mesures adéquates pour la repositionner sur un emploi correspondant à sa qualification alors qu’elle avait pris soin de l’alerter. Elle ne se fonde cependant que sur ses propres écrits et n’établit donc pas le fait invoqué.

Au titre des pièces médicales, Mme X se limite à produire un formulaire d’arrêt de travail du 22 mars 2018 au 3 avril 2018 pour « stress lié à l’emploi » (sa pièce 87) et le justificatif d’un autre arrêt de travail du 13 juin 2018 au 15 juin 2018 (sa pièce 111), ces pièces étant insuffisantes à caractériser une altération de la santé physique ou psychique de la salariée en relation avec des faits de harcèlement moral.

Les faits n’étant pas matériellement établis, ils ne permettent pas, appréciés dans leur ensemble, de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L1152-1 du Code du travail.

Aucun harcèlement moral n’étant retenu, Mme X sera déboutée de ses demandes
subséquentes ainsi que de sa demande pour violation de l’obligation de sécurité fondé sur les mêmes faits dont la matérialité n’a pas été retenue, par confirmation du jugement entrepris.

2.10) Sur l’absence de fourniture de travail.

Mme X prétend que la société Compagnie IBM France ne lui a pas fourni suffisamment de travail.

Elle fait valoir que l’emploi qui lui a été attribué à compter de mai 2017, ne permettait pas de l’occuper à temps plein, qu’elle s’est inquiétée, avant l’annonce officielle de son affectation, de la teneur réelle de son emploi, de l’absence d’autorité, d’équipe et de budget et qu’elle a dénoncé cette situation à plusieurs reprises.

Elle relate que ce nouveau poste ne correspondait pas à sa qualification contractuelle et que sa charge de travail ne suffisait pas à remplir ses journées, qu’elle s’est sentie totalement désavouée par IBM et éprouvée par la procédure judiciaire qu’elle avait engagée.

Conformément aux dispositions de l’article 1134 du Code civil, tout employeur a l’obligation de fournir du travail au salarié et de rémunérer ce salarié pour ce travail.

Mme X ne prétend toutefois pas que son employeur l’aurait laissée sans affectation et sans aucun travail à traiter après mai 2017 et l’appréciation de la charge de travail, subjective, ne permet pas de retenir une faute de l’employeur sur ce fondement.

Ce manquement n’est pas établi.

2.11) Sur l’imputabilité de la rupture du contrat de travail.

Le seul manquement matériellement établi à l’encontre de la société Compagnie IBM France est l’application infondée du statut de cadre dirigeant autorisant la salariée à réclamer le paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Ce manquement n’apparaît pas d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc pour justifier que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme X est en conséquence déboutée de sa demande principale et des demandes subséquentes.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum