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La location en meublé touristique à Bordeaux. Par Virginie Audinot, Avocat.
Parution : vendredi 30 septembre 2022
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La ville de Bordeaux, et plus largement la métropole de Bordeaux, est devenue en quelques années une des destinations privilégiées du tourisme saisonnier et pas que, ce qui a nécessairement conduit dans le même temps à une augmentation des meublés touristiques ouverts à la location, notamment sur les plateformes de type Airbnb ou encore Booking.
De quoi rappeler à chacun les règles applicables, pour une mise en location sereine.

Lorsque la résidence est principale, le Code de la construction et de l’habitation permet à son propriétaire de la louer de courte durée à une clientèle de passage via une plateforme de réservations type Airbnb ou Booking jusqu’à 120 jours par an, sans avoir à accomplir de démarches (sauf l’obtention d’un numéro d’enregistrement dans certaines villes, cf. infra).

Mais le problème se complexifie lorsque la résidence est secondaire et que le propriétaire finit par faire de son bien un commerce, ouvert à la location touristique de courte durée.

Le principe est que la résidence secondaire ne peut faire l’objet de location en meublé touristique, car la mise en location de ce type de bien conduirait alors à le transformer en local commercial.

Toutefois, compte tenu de l’attrait de certaines grandes villes françaises et du tourisme qui en découle, le législateur a instauré en 2014, aux termes de la Loi ALUR, la possibilité pour les communes de plus de 200.000 habitants et les départements de la couronne parisienne de mettre en place une demande d’autorisation de changement d’usage afin de permettre aux collectivités locales de contrôler l’implantation et l’évolution de ce type d’activités locatives et d’en corriger les abus.

Ce mécanisme d’obtention d’autorisation est facultatif : sa mise en œuvre est laissée à l’appréciation de la commune en question, par une délibération du conseil municipal ou, si la commune est membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, par l’organe délibérant de cet établissement [1].

C’est dans ce contexte qu’a donc été adoptée le 7 juillet 2017 par le conseil de Bordeaux Métropole une délibération prévoyant la mise en place de l’autorisation de changement d’usage, avec compensation : une compensation doit s’appliquer en sus de la demande d’autorisation de changement d’usage et le propriétaire souhaitant transformer son bien à usage d’habitation en local commercial pour pouvoir le mettre à la location, doit par ailleurs créer un logement offert à la location à bail, de même superficie que celui ayant changé d’usage et ce, dans la même zone.

Ce mécanisme de compensation a pour but d’éviter que certains secteurs de la ville ne se transforment en zones exclusivement touristiques avec disparition de vie de quartier et pénurie de location à l’année, notamment au profit des étudiants.

Cette mesure ne s’applique qu’aux résidences dites secondaires.

En revanche, pour l’ensemble des résidences cette fois, secondaires ou principales, la Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une république numérique a introduit la possibilité pour les villes soumises à changement d’usage, de mettre en place une obligation pour tout loueur occasionnel, quelle que soit donc la nature du bien loué, principale ou secondaire, de s’enregistrer auprès de la mairie du lieu du bien, afin de faire attribuer un numéro d’enregistrement, lequel devra ensuite être transmis à tout intermédiaire (agence immobilière, site internet, …) en vue d’une location de courte durée.

Par une délibération du 10 juillet 2017 du conseil municipal de la ville de Bordeaux, cette dernière a donc par ailleurs, après que conseil de Bordeaux Métropole a adopté la délibération prévoyant une autorisation de changement d’usage des locaux d’habitation offerts en location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, décidé d’instaurer en sus :
- la déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune pour toute location de courtes durées d’un local meublé en faveur d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ;
- déclaration donnant lieu à la délivrance sans délai par la commune d’un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration ;
- numéro de déclaration qui doit nécessairement être contenu dans toute offre de location de courtes durées d’un local meublé en faveur d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile par l’intermédiaire défini comme « toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique » (donc agence immobilière, plateforme type Airbnb, …).

Les règles sont donc, depuis le 1er mars 2018, les suivantes sur Bordeaux concernant la location de courte durée en meublé touristique :

- Dans tous les cas, le propriétaire du bien qui doit être proposé à la location doit préalablement déclarer l’activité de location à la mairie, quelle que soit la nature du bien (résidence principale ou secondaire), afin d’obtenir un numéro d’enregistrement (ou de déclaration), qu’il devra faire figurer sur toutes ses annonces. Cette déclaration et l’attribution de ce numéro sont des étapes obligatoires pour tout bien ouvert à la location en meublé touristique. Elle peut être réalisée en ligne [2]. La déclaration de la taxe de séjour est également obligatoire.

- Ensuite, si le bien mis en location est dit « résidence principale » du propriétaire, c’est-à-dire, juridiquement, qu’il l’occupe au moins huit mois par an (sauf raisons professionnelles, de santé ou en cas de force majeure, par l’occupant, celui avec lequel il vit ou par une personne à sa charge, art. 2 loi 6 juillet 1989), celui-ci pourra le proposer à la location en meublé touristique, notamment sur Airbnb, dans la limite de 120 jours par an (soit 4 mois). Dans ce cas, exceptées les obligations de déclarations citées précédemment, aucune démarche supplémentaire n’est à accomplir : la location est permise, sans autorisation de changement d’usage. En revanche, toute violation de la limite de 120 jours par an peut être sanctionnée d’une amende pouvant aller jusqu’à 50.000 euros [3].

- En revanche, si le bien est dit « résidence secondaire », ou s’il s’agit d’une résidence principale mais que le propriétaire souhaite l’ouvrir à la location plus de 120 jours par an, alors une autorisation de changement d’usage délivrée par la mairie deviendra nécessaire, et obligatoire [4] avec compensation : ainsi dans les faits, le loueur devra proposer à la location classique un bien initialement à vocation commerciale en le transformant à usage d’habitation, à surface équivalente et dans le même secteur géographique, et déposer ainsi son dossier de demande d’autorisation à la mairie de Bordeaux, laquelle décidera de lui délivrer ou non l’autorisation de louer son bien en meublé touristique. Là encore, toute contravention à cette règle expose le propriétaire ou le loueur (si c’est le locataire autorisé par le propriétaire), à une peine d’amende pouvant aller jusqu’à 50.000 euros par local.

Pour assurer le bon respect de ces règles par les loueurs, des agents ont été désignés par la ville de Bordeaux pour effectuer des contrôles sur les plateformes de location mais également se transporter sur les lieux, sans en informer préalablement le propriétaire. A l’issue de la visite, l’agent rédigera alors un PV de constatation de l’infraction permettant à la la ville d’assigner le contrevenant devant le tribunal judiciaire, et obtenir sa condamnation à une amende.

Attention toutefois, les agents en question ne sont pas habilités à rentrer dans le domicile contrôlé, sauf accord de l’occupant [5].

Virginie Audinot, Barreau de Paris Audinot Avocat www.audinot-avocat.com

[1Article L631-7-1 B du Code de la construction et de l’habitation.

[2Sur le site service-public.fr.

[3En application des dispositions de l’article L651-2 du Code de la construction et de l’habitation.

[4Art. L631-7 du Code de la construction et de l’habitation.

[5CEDH, 16 mai 2019 n° 66554/14 par analogie, article 8 de la Convention EDH.