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Le contrôle de constitutionnalité de l’interprétation de la loi. Par Laurent Thibault Montet, Docteur en Droit.
Parution : mardi 4 octobre 2022
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Lors des débats au Sénat sur la loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, quatre sénateurs [1] avaient proposé un amendement n°1 (rectifié) afin que soit insérer après les mots « de ce qu’une disposition législative » [2], les mots « le cas échéant interprétée par la jurisprudence ».

Par cette tentative d’enrichissement de la loi organique, les sénateurs auteurs de l’amendement avaient voulu soumettre la jurisprudence, c’est-à-dire l’interprétation faite de la loi par les juges, au contrôle de constitutionnalité. Cette proposition découlait d’une vérité juridique [3] difficilement discutable et défendue de la manière suivante par l’un des auteurs de l’amende n°1 :

« Une disposition législative peut ne pas être en soi inconstitutionnelle mais l’être devenue du fait de la jurisprudence des cours et des tribunaux. Aussi considérons-nous que doivent pouvoir être mises en cause devant le Conseil constitutionnel non seulement les dispositions législatives, mais aussi la jurisprudence à laquelle elles ont donné lieu » [4].

Pourtant, il apparaît lors des « débats  » que cette réalité tenant de la substance même de la normativité ait été perçue comme incongrue par la commission qui a eu à étudier l’amendement. En effet, le rapporteur de ladite commission s’exprime de la sorte : « Cet amendement nous a laissés quelque peu perplexes : une loi est constitutionnelle ou pas. Nous ne nous intéressons pas ici au contrôle de constitutionnalité de la jurisprudence, qui est indépendante du texte de la loi. À la limite, cette question pourrait être traitée au titre de ce que l’on appelle le « changement de circonstances ». En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable » [5].

Ainsi, à la lecture des mots du rapporteur, il est possible de constater que l’appréhension de la mécanique normative par la commission est quelque peu parcellaire. En effet, la commission semble appréhender la constitutionnalité comme une sorte d’axiome dont le caractère évident tient en le fait qu’une « […] loi est constitutionnelle ou pas […] » omettant maladroitement que l’activité de contrôle de constitutionnalité est indissociable de la démarche interprétative. En tout état de cause, la pratique, par le Conseil Constitutionnel, de la technique de la réserve d’interprétation [6] est une indiscutable démonstration de l’existence d’une dichotomie législative matérialisée par le texte de la loi et l’effet utile de la norme. Par conséquent, la réserve d’interprétation pose une alternative au caractère binaire [7] du contrôle de constitutionnalité, c’est-à-dire que cette technique sort le contrôle du classique « […] loi est constitutionnelle ou pas […] ». Il y a une troisième voie car la réserve d’interprétation pose une conformité constitutionnelle conditionnelle.

L’interprétation d’une loi, c’est-à-dire la mise en œuvre de son effet utile, peut-être déviante et rendre la loi non conforme à la constitution dans son application concrète. C’est ce point de vue qui était plaidé par l’amendement n°1 [8], mais ce dernier n’a pas reçu d’avis favorable. Cependant, en pratique, cette position, c’est-à-dire l’avis défavorable de la commission, n’a pas reçu d’effet utile par le juge constitutionnel, car ce dernier interprète [9] l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 comme lui octroyant la capacité de jauger la constitutionnalité de l’interprétation d’une loi. C’est à ce titre que reléguer la constitutionnalité de l’interprétation d’une loi par le juge ordinaire au rang de « changement de circonstance » [10] confirme le fait que la commission dissocie la loi (le texte) de son effet utile (sa compréhension et sa mise en œuvre).

En outre, cette conception de la notion de « changement de circonstance » n’est pas celle posée par le juge constitutionnel [11] ».

D’un point de vue organisationnel, la QPC crée un lien processuel entre les Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels (Cour de cassation et Conseil d’État) et le Conseil constitutionnel. Ainsi, la soumission au contrôle de constitutionnalité de l’interprétation donnée à une loi par lesdites Cours souveraines insert manifestement ces dernières dans une logique ordinale. En effet, l’interprétation de la loi est la charge principale du juge. Par conséquent, l’insertion dudit juge au sein d’un ordre juridictionnel a pour effet principal d’administrer l’effet utile de la loi.

Ainsi, le juge attributaire du contrôle de l’interprétation de la loi réalisée par une autre juge ne peut qu’être considéré comme l’entité suprême de l’ordre qu’elle compose. Du coup, dans ce schéma, si une question prioritaire de constitutionnalité peut porter sur l’interprétation d’une disposition législative cela ne fait-il pas de facto du Conseil constitutionnel une Cour suprême des Cours « souveraines » du dualisme des ordres juridictionnels (Cour de cassation et Conseil d’État) ?

I. La consécration prétorienne du contrôle de l’inconstitutionnalité de l’interprétation de la loi.

La pesanteur de la question du contrôle de constitutionnalité de l’interprétation de la loi repose sur le fait que le produit de ce processus intellectuel [12] porte l’effet utile de la loi et constitue la charge principale des autorités judiciaires. Dès lors, il n’est pas surprenant que les hautes Cours du dualisme des ordres juridictionnels aient manifesté un positionnement d’évitement de transmission de Questions Prioritaires de Constitutionnalité (QPC) relatives à la soumission de leurs jurisprudences au contrôle de constitutionnalité (A).

Toutefois, si la fronde des juges supérieures du dualisme des ordres juridictionnels est compréhensible, la consécration de la faculté de contrôle constitutionnel de la jurisprudence assure la pleine effectivité de la QPC (B).

A. Le mobile de la fronde des Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels.

L’interprétation est un outil indispensable à la révélation « d’un sens » du texte objet de l’analyse. Dès lors, le processus interprétatif et son résultat sont indispensables à la réalisation concrète du substrat normatif conçu par le Législateur. Cet outil de mise en application de la loi, permet la découverte ou la mise en accessibilité du contenu de cette dernière.

Ainsi, au regard du principe de la séparation des pouvoirs constitutionnels, la jurisprudence se pose comme un outil fondamental à la pertinence de l’exécution par le juge de son office [13]. Acte collaboratif [14] [ou de synergie] au sein de la séparation des pouvoirs constitutionnels, la jurisprudence se révèle être l’indispensable garantie de la réalisation de l’effet utile du travail du Législateur. L’autorité de la loi et, par voie de conséquence, l’efficacité du travail du Législateur sont tributaires de l’organe détenteur du sens véritablement [15] donné à la norme. Cette charge fonctionnelle de base est celle du juge.

Ce dernier doit dire le droit afin de trancher les litiges. Il doit transmuter le principe porté par la loi afin qu’il devienne une solution concrète pour terminer une situation contentieuse.

Le processus interprétatif et son résultat sont le support substantiel de la souveraineté d’une instance juridictionnelle.

Ainsi, est susceptible de diluer ou de supprimer la souveraineté d’un juge, tout mécanisme qui aurait pour effet de soumettre au moins le résultat du processus interprétatif de ce dernier à un contrôle. De ce point de vue, le recours extraordinaire, qu’est le pourvoi en cassation, est un mécanisme qui a pour effet de soumettre le résultat du processus interprétatif d’un juge à un contrôle. Ainsi, lorsque la décision juridictionnelle, rendue en dernier ressort, est susceptible de subir le contrôle d’un autre juge alors ce dernier détient une autorité décisionnelle et est le seul à véritablement organe titulaire d’une souveraineté juridictionnelle.

L’efficacité juridictionnelle et l’efficacité processuelle du pourvoi en cassation font de la Cour de cassation [16] et du Conseil d’État [17], les seules Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels. Cette stature pose les Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels comme les principales garantes de la sauvegarde de l’intégrité [18] de l’effet utile de la loi sur tout le territoire de la République française. Il est donc perceptible que la source du pouvoir, de l’autorité et de la souveraineté de la Cour de cassation ainsi que du Conseil d’État, relève de la paranormativité ou normativité dérivée attribuée au résultat de l’interprétation de la loi.

À ce titre, il est compréhensible que la Cour de cassation ainsi que le Conseil d’État aient formé, durant un temps, une fronde [19] face à l’ouverture de la procédure du contrôle de constitutionnalité à l’encontre de l’interprétation qui aurait été faite de la loi par lesdites juridictions souveraines. En effet, la soumission de l’interprétation de la loi au contrôle de constitutionnalité aura pour effet de soumettre le résultat du processus interprétatif des Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels au contrôle d’un autre juge, le Conseil constitutionnel.

Ce dernier détiendra une autorité décisionnelle et sera, par la voie préjudicielle, le seul véritable titulaire d’une souveraineté juridictionnelle. Toutefois, du fait du fonctionnement du mécanisme de la QPC, la consolidation de cet état est tributaire de l’effort collaboratif des Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels. En effet, il se posait alors la question de l’impartialité du filtre de la Cour de cassation ainsi que du Conseil d’État vis-à-vis de la critique de la constitutionnalité de leurs jurisprudences par devant le juge constitutionnel.

Les articles 23-2 et 23-4 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, mais également l’article 23-6 [20] du même texte, offraient l’opportunité à la Cour de cassation et au Conseil d’État de distraire les justiciables du recours QPC, lorsque ces derniers demandaient le contrôle de l’inconstitutionnalité d’une de leurs jurisprudences. Cette frustration juridictionnelle est, en elle-même, conforme à la perception qui dominait [21] lors des travaux parlementaires, notamment au Sénat. En effet, le rapporteur, monsieur le sénateur Hugues Portelli, doutait du caractère sérieux de l’amendement proposé par mesdames Anne-Marie Escoffier et Françoise Laborde, messieurs Y. Collin et Jacques Mézard.

Ainsi, dans le dispositif de ses décisions [22], afin d’exclure la possibilité de la soumission d’une jurisprudence à une QPC, la Cour de cassation excipe que l’article 61-1 de la Constitution prescrit que les questions dont peut être saisi le Conseil constitutionnel sont uniquement celles qui invoquent une atteinte portée par une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit.

B. Le caractère non sérieux du refus de transmission de la QPC portant sur l’interprétation de la loi.

La transmission d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation et le Conseil d’État est soumise à la réalisation de trois conditions. À titre préliminaire, la norme querellée doit être le support substantiel du litige. Ensuite, sauf changement de circonstance, ladite norme ne doit pas avoir déjà subi un contrôle du juge constitutionnel. Enfin, la question de constitutionnalité posée doit être nouvelle ou doit présenter un caractère sérieux. Il faut souligner que la structure méthodologique du filtre de la QPC est d’une limpidité cartésienne. La cascade logique posée par les trois niveaux de validation (ou d’invalidation) de la transmission de la question prioritaire plaide, a priori, pour une franche transparence.

Le premier niveau de révélation de la transmissibilité de la question prioritaire est assimilable au premier degré de pertinence d’une question. Autrement dit, la question est-elle hors sujet ? De facto et de jure elle est manifestement hors sujet si l’interrogation porte sur une disposition non applicable au litige ou qui n’est pas le fondement juridique substantiel de la demande introductive ou reconventionnelle. Une question affectée d’un tel vice est indiscutablement dilatoire. Par conséquent, elle est non pertinente au regard de l’objectif d’apurement du litige.

Le deuxième niveau de révélation de la transmissibilité de la QPC relève de la sempiternelle règle du non bis in idem. Autrement dit, la question est exempte de pertinence si la lecture de la jurisprudence du juge constitutionnel y apporte déjà une solution. L’effet utile de la QPC ne consiste pas, dans un contexte identique (c’est-à-dire pas de changement de circonstance), à dire ce qui a déjà été dit lors de l’analyse d’un même texte ni à contredire ce qui a déjà été dit. En tout état de cause, les deux premiers niveaux posent l’ossature et prescrivent les critères de détermination de la pertinence de la question. De ce fait, le justiciable semble devoir profiter d’une certaine prévisibilité quant à l’aboutissement de sa demande en QPC. En effet, les deux premières conditions devraient permettre aux plaideurs de s’octroyer, autant que possible, une chance de voir aboutir leurs demandes en QPC tant il est perceptible que le troisième niveau de révélation de la transmissibilité semble tomber dans la redondance.

Il est entendu que l’article 23-4 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 offre alternativement deux hypothèses. Ces dernières sont subséquentes à l’un ou à l’autre des deux premiers niveaux de pertinence. Par conséquent, lorsqu’une question n’a pas déjà été posée a posteriori ou a priori sur la conformité d’une loi à la Constitution dans les motifs et dispositifs d’une décision du Conseil constitutionnel, ladite question devrait, en toute logique, être appréhendée comme nouvelle. Si bien que même ayant déjà subi un contrôle de constitutionnalité, la question reste nouvelle lorsque la disposition législative querellée est confrontée pour la première fois [23] à l’effet utile d’une disposition constitutionnelle non invoquée dans les motifs et dispositifs d’une décision antérieure du Conseil constitutionnel sur le même texte législatif. C’est dans ce sens que la décision n°2009-595 DC du Conseil constitutionnel appréhende le caractère nouveau de la QPC. Au-delà du préliminaire qui tient au fait que la question n’est pas hors sujet et bien que cette dernière ne soit pas nouvelle au sens de la décision n°2009-595 DC car la disposition législative aurait déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, si un changement de circonstance est caractérisé, à défaut de nouveauté, la question acquiert un caractère sérieux du fait de son contexte.

L’équation qui doit permettre de décider de la transmission de la QPC au juge constitutionnel ne manque donc pas de lisibilité. De ce point de vue, il est appréhendable une certaine mécanique garantissant la prévisibilité de l’issue de la demande en QPC. Cependant, un bémol doit être relevé. La prévisibilité de la transmissibilité de la QPC est tributaire de la marge d’appréciation que s’octroient la Cour de cassation et le Conseil d’État dans la mise en œuvre de la portée effective du filtre notamment lors de l’analyse du caractère sérieux de la QPC. Via cette locution élastique, les Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels donnent notamment au troisième niveau de filtre un effet utile qui a vocation à ne pas contrarier leurs aspirations ou, au moins, qui doit conserver leurs autorités sur l’interprétation de la loi. Il ne faut pas oublier que jusqu’à l’institution de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), les Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels constituaient l’autorité ultime de l’effectivité du légalisme.

Dès lors, il y a comme un effet de « contre-feu », lorsque par leur interprétation de l’article 23-4 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, les Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels spolient la QPC de sa finalité substantielle qui est la vérification, au regard de la Constitution, de la portée effective [24] de la loi.

L’effet de « contre-feu » est le paradoxe matérialisé par le fait que l’interprétation, de l’article 61-1 de la Constitution et de l’article 23-4 de l’ordonnance de1958, qui était posée par la Cour de cassation et le Conseil d’État interdisait la transmissibilité d’une QPC dont l’objet portait sur la conformité constitutionnelle de l’interprétation d’une loi. C’est de cette réalité qu’il ressortait le caractère non sérieux du refus de transmission d’une QPC relative à l’interprétation d’une loi. Dans ses décisions [25] de refus de la transmission, la Cour de cassation pose l’essentiel de son argumentaire [26] sur le fait que, d’une part, la QPC ne porte pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le juge constitutionnel n’a pas eu l’occasion de faire application.

D’autre part, il était excipé que la demande en QPC portant sur l’interprétation d’une loi ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 61-1 de la Constitution. Comparaison faite des deux moyens précédemment excipés afin de prononcer le non-lieu à transmission de la QPC. Le second moyen est le plus déviant au regard de la mission confiée aux Cours souveraines. L’article 61-1 de la Constitution prescrit le fait que

« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation […] ».

Sauf mauvaise foi ou partialité, il est manifeste que l’effet utile par le Constituant dans l’institution de la QPC vise à permettre aux justiciables de soumettre au contrôle du juge constitutionnel la mise en œuvre effective d’une loi.

L’unique opportunité, dont dispose un texte législatif, pour porter atteinte aux droits et aux libertés que la Constitution garantit, réside dans les effets réellement produits par la mise en œuvre effective du substrat normatif contenu par la loi. Selon toute logique, ce n’est (presque) jamais la disposition législative qui de sa seule existence porte atteinte aux droits et aux libertés, mais l’usage qui en est fait et la compréhension qui en est posée. À ce titre, sur la base de la portée réelle de l’article 61-1 de la Constitution, n’est pas sérieux le refus de transmission d’une QPC portant sur l’interprétation de la loi. Il y avait là une dénaturation caractérisée de la finalité du texte précité.

II. L’impact juridictionnel du contrôle de l’inconstitutionnalité de l’interprétation de la loi.

Plusieurs décisions [27] de la Cour de cassation et du Conseil d’État matérialisent le changement de position de ces autorités sur la question de la transmission des QPC relatives à l’interprétation faite de la loi. Désormais [28] saisissable d’un tel contrôle, il est utile de jauger l’impact réel de ce renvoi préjudiciel relatif à la constitutionnalité de la portée effective de la loi.

A. Le renvoi préjudiciel relatif à la constitutionnalité de la portée effective de la loi.

Après avoir opposé un refus systématique de transmission de la Question Prioritaire de Constitutionnalité, la Cour de cassation a revue sa position et a ainsi permis au Conseil constitutionnel de consacrer une lecture de l’article 61-1 de la Constitution plus favorable à l’épanouissement de la QPC. Par les décisions n°2010-39 QPC (6 octobre 2010) et n°2010-52 QPC (14 octobre 2010) le juge constitutionnel affirme sans ambiguïté « […] qu’en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition […] ». Bien qu’attendue, cette solution du Conseil constitutionnel appel tout de même deux observations.

Dans un premier temps, il est souligné que seule une « interprétation jurisprudentielle constante » peut être l’objet d’une QPC. Dès lors, reste à savoir qu’elle est la fréquence nécessaire, ou encore qu’elle est l’intensité (type de juridiction et/ou de formation) exigible, afin qu’une solution posée à un litige par un juge puisse être qualifiée (au regard de la lecture consacrée de l’article 61-1 de la Constitution) d’interprétation jurisprudentielle constante. Les deux décisions du juge constitutionnel permettent d’affirmer que le caractère constant de l’interprétation jurisprudentielle n’est tributaire ni de l’ancienneté [29] d’une position ni même de la nouveauté [30] de celle-ci.

Le caractère constant de l’interprétation jurisprudentielle doit être déduit principalement de la répétition d’une même solution sur une même question de droit sans anicroche matérialisée par un revirement ou par une opposition de vue entre deux juridictions de même niveau au sein du même ordre juridictionnel. Par définition, un revirement [31] de jurisprudence met un terme au caractère constant d’une interprétation jurisprudentielle qui pouvait être considérée comme bien établie. De l’éclaircissement de ce qui doit être entendu lors de l’usage de la locution « interprétation jurisprudentielle constante » découle la nécessaire question de savoir de qu’elle niveau hiérarchique doit être émis l’interprétation constante afin qu’elle entre sous l’emprise de la QPC ?

Le juge constitutionnel répond à cette interrogation dans une décision n°2011-120 QPC, en date du 8 avril 2011. Dans le considérant n°9 de la décision n°2011-120 QPC, le Conseil constitutionnel souligne que l’interprétation jurisprudentielle constante qui peut faire l’objet d’une QPC est uniquement celle qui découle de la juridiction placée au sommet d’un ordre juridictionnel. Cette solution consolide indiscutablement les Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels comme les gardiennes de la portée effective de la loi. Si la QPC permet de soumettre au juge constitutionnel le contrôle de la conformité à la Constitution de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, le contrôle de la légalité des solutions constantes des juges du fond est de la compétence exclusive de la Cour de cassation et du Conseil d’État pour les ordres juridictionnels qui sont sous leurs autorités respectives. Dans cette répartition des charges qui est posée via les décisions n°2010-39 QPC (6 octobre 2010) et n°2010-52 QPC (14 octobre 2010), une zone d’inefficacité de la QPC surgit. Cette dernière ressort du deuxième temps du dispositif de la jurisprudence posée par les décisions QPC citées ci-dessus.

Le juge constitutionnel précise bien que le justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative. Quid [32] des solutions jurisprudentielles prétoriennes constantes qui purgent les litiges lorsqu’il y a « […] insuffisance de la loi [33] […] » ?

Par deux décisions [34], la Cour de cassation consolide son ralliement à la position du Conseil constitutionnel dans sa lecture de l’article 61-1 de la Constitution. La juridiction souveraine de l’ordre juridictionnel judiciaire se soumet au fait qu’il « […] a été décidé que tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la Cour suprême compétente […] ».

Cependant, la reprise de cette jurisprudence semble devoir servir de tremplin afin de donner une impulsion à un rebondissement d’un degré supérieur, car, dans le même temps, la Cour de cassation souligne que la lecture donnée de l’article 61-1 de la Constitution par le Conseil constitutionnel interdit que soit considérée comme recevable une QPC qui se « […] borne à contester une règle jurisprudentielle sans préciser le texte législatif dont la portée serait, en application de cette règle, de nature à porter atteinte […] » aux droits et libertés que la Constitution garantit.

À l’occasion de la décision n°11-13.488 et de la décision n°12-40.100, la Cour de cassation fait la découverte d’une opportunité que les jurisprudences prétoriennes, c’est-à-dire les solutions qui semblent n’avoir aucune attache législative franche, puisse échapper à l’emprise de la QPC. Toutefois, il faut mettre en relief le fait que cette opportunité est d’autant plus précaire qu’elle est tributaire de la maladresse (ou du manque d’inspiration) du plaideur dans la formulation [35] de la QPC. La première décision de la Cour de cassation, c’est-à-dire celle issue du pourvoi n°11-13.488, a pour cause principale une action en responsabilité pour faute professionnelle d’un notaire. Ce dernier devait réaliser une déclaration fiscale pour un client. Une erreur d’expertise fait subir au client un redressement fiscal.

Logiquement, la victime de l’erreur d’expertise sollicite et obtient la réparation du préjudice qu’elle a subi. La condamnation du professionnel défaillant au versement de dommages et intérêts à fins de réparation intégrale du préjudice subi par le client était d’un montant identique au quantum du redressement fiscal. Il s’agit là d’une simple application du régime juridique de la responsabilité civile contractuelle notamment prescrite par l’ancien article 1147 [36] du Code civil. Par conséquent, la question aurait pu être formulée ainsi :

« au regard de la portée effective attribuée à l’ancien article 1147 du Code civil par une interprétation constante de la Cour de cassation, consistant à faire qu’un tiers peut être tenu au titre de sa responsabilité d’indemniser une personne d’une sanction pécuniaire ayant la nature d’une peine est-elle contraire au principe constitutionnel de personnalité des peines résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait ? »

Cette question formulée de la sorte, il est fort probable que la sanction n’eut pas été l’irrecevabilité de la QPC, mais la transmission ne serait pas acquise pour autant dans la mesure où sur le fond la question n’est pas sérieuse, car il s’agit d’une « banale » question de faute professionnelle.

La seconde décision de la Cour de cassation, c’est-à-dire celle issue du pourvoi n°12-40.100, se soumet également à une analyse similaire à celle précédemment réalisée. Dans cette affaire, la disposition législative dont l’interprétation est mise en cause est l’ancien article 340 du Code civil (nouveaux articles 310-3 et 327 du Code civil).

En vérité, coups d’épée dans l’eau, la décision n°11-13.488 et la décision n°12-40.100, de la Cour de cassation ne mettent pas en péril la jurisprudence du juge constitutionnel selon laquelle : « […] tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère […] » à une disposition législative. Il s’agit davantage de décisions qui mettent en relief l’impérative nécessité pour les plaideurs de faire l’effort de procéder au rattachement (de la manière la moins artificielle possible) des jurisprudences à une disposition législative.

Désormais posée en situation d’efficacité réelle, la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), notamment sous son aspect de renvoi préjudiciel relatif à la constitutionnalité de la portée effective de la loi, devrait permettre au Conseil constitutionnel de s’épanouir en tant que juge constitutionnel a posteriori. Ce mouvement qui a vocation à finaliser la compétence du Conseil constitutionnel détient-il la faculté de faire de cette juridiction la Cour suprême du système juridictionnel français ?

B. La Cour suprême de l’ordre juridictionnel transversal et incident.

La notion de « Cour suprême » est un terme générique habituellement utilisé afin de caractériser la juridiction qui, au sein d’un système juridictionnel, ne subit le contrôle d’aucune autre juridiction. Mais cela suffit-il réellement à obtenir une appréhension complète du concept de « Cour suprême » ?

Manifestement, cette définition liminaire et très utilisée de la locution « Cour suprême » permet de dire sans obligation de démonstration, qu’au sein du système juridictionnel français, les juges du fond, c’est-à-dire les juridictions de premier degré [37] et celles de second degré [38] ne sont pas des Cours suprêmes. Pour cause, ces juridictions constituent la base de leurs ordres juridictionnels respectifs. Cependant, est-ce que cela permet d’en conclure que le fait pour une juridiction qu’elle ne puisse être caractérisée de « suprême », lui interdit toute souveraineté juridictionnelle. Il est admis dans la pratique de la justice administrative [39] et notamment prescrit par le Code de l’organisation judiciaire [40] (ainsi que le Code de procédure civile [41]) que la souveraineté d’une juridiction existe même en l’absence de caractère « suprême ».

Les juridictions de second degré (CA et CAA) ainsi que celles du premier degré statuant en premier et dernier ressort, sont souveraines dans la qualification, la constatation et l’appréciation des faits. De jure, elles ont une autorité et une souveraineté indiscutable sur le fond de la cause. Cependant, la Cour de cassation et le Conseil d’État ont une autorité sur la portée effective du droit applicable et appliqué par les juges du fond. C’est ainsi que le pourvoi en cassation [42], sans être un recours contre l’appréciation des faits, peut remettre en question la solution juridique posée par les juridictions du fond.

Le pourvoi en cassation permet à la Cour de cassation et au Conseil d’État d’annuler les décisions prises par les juridictions de second degré ainsi que celles du premier degré statuant en premier et dernier ressort. L’annulation de la décision juridictionnelle non conforme à la loi ou à la portée effective que lui en donne la Cour de cassation et le Conseil d’État, provoque généralement le renvoi [43] de l’affaire afin qu’elle soit de nouveau jugée en droit et en fait. Malgré la possibilité d’une rébellion des juridictions du premier renvoi, le second renvoi impose la doctrine de la juridiction de cassation.

C’est cette réalité procédurale qui permet de qualifier, la Cour de cassation et le Conseil d’État, de Cours souveraines du dualisme des ordres juridictionnels. La lecture de la loi faite par les juridictions de cassation ne peut être contestée par les juges du fond sans risque de sanction. Cependant, si le pourvoi en cassation pose la souveraineté de la Cour de cassation et du Conseil d’État, il n’implique pas la suprématie desdites juridictions de cassation. La suprématie de la Cour de cassation et du Conseil d’État au sein de leurs ordres juridictionnels respectifs, est tributaire de l’existence ou de l’inexistence d’un recours contre les décisions de ces juridictions de cassation.

En tout état de cause, l’institution de la Question Prioritaire de Constitutionnalité peut-elle être appréhendée comme un recours contre les décisions des juridictions de cassation ?

S’il est fait une lecture simple et exégétique de l’article 61-1 de la Constitution, il doit être donné une réponse négative à la question qui précède. De prime abord, la Question Prioritaire de Constitutionnalité détient la modeste charge de ne s’intéresser « qu’aux dispositions législatives » qui portent atteinte aux droits et aux libertés que la Constitution garantit. Conformément à l’article 62 al.2 [44] de la Constitution, le recours QPC prononce une sanction contre une disposition inconstitutionnelle et non contre une décision d’une juridiction de cassation (Cour de cassation ou Conseil d’État). Par conséquent, la Cour de cassation et le Conseil d’État sont des Cour suprêmes, car leurs décisions ne sont susceptibles d’aucun recours.

En revanche, lorsque l’article 61-1 de la Constitution est également lu sous la perspective des décisions n°2010-39 QPC (6 octobre 2010) et n°2010-52 QPC (14 octobre 2010), il est possible de discuter tant de la suprématie que de la souveraineté de la Cour de cassation et du Conseil d’État. Lorsqu’il est octroyé à tout justiciable le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, n’est-il pas mis sous l’emprise d’une autre juridiction, le contrôle du travail juridictionnel des juges de cassation (Cour de cassation ou Conseil d’État) ?

Nonobstant l’absence de recours direct à l’encontre d’un acte juridictionnel d’une juridiction, la remise en question de la jurisprudence constante de ladite juridiction n’est-elle pas un recours juridictionnel plus grave ?

Les juridictions de cassation sont des juges du droit. Cela signifie qu’elles sont garantes de la réalisation de la portée effective de la loi. L’efficacité substantielle des juridictions du droit est l’unification et la consécration de la portée effective de la loi.

Lorsque cette efficacité fondamentale est mise en péril par les décisions des juges du fond, alors ces derniers subissent la sanction du juge de cassation. C’est à ce titre que le pourvoi en cassation est l’outil procédural qui garantit l’autorité juridictionnelle des juges de cassation sur l’interprétation de la loi. La Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) a le même effet.

Le Conseil constitutionnel est le juge qui garantit la portée effective des droits et des libertés que le bloc de constitutionnalité garantit. Lorsque ces derniers sont affectés par la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante des juges de cassation confère à la loi applicable, alors la jurisprudence constante non conforme provoque l’abrogation de la disposition législative à laquelle elle est attachée. Ainsi, s’il est vrai que la QPC ne sanctionne pas par l’annulation un acte juridictionnel, mais postule l’abrogation d’une disposition législative, c’est-à-dire un acte législatif, il faut impérativement garder à l’esprit que ce recours préjudiciel sanctionne la normativité effective de la disposition législative qui découle de la répétition d’une solution juridique par l’organe juridictionnel qui fait autorité [45] au sein de son ordre juridictionnel.

Dans cette configuration, la sanction de la non-conformité présente une gravité certaine, car, d’une part, elle renvoie le Législateur à une meilleure rédaction ou confection du texte litigieux. D’autre part, une telle sanction renvoie les juges de cassation (la Cour de cassation et le Conseil d’État) à une meilleure lecture de la loi.

De ce point de vue, ce ne sont pas la Cour de cassation et le Conseil d’État qui doivent être appréhendés comme des Cours suprêmes, mais le Conseil constitutionnel, car il ne subit aucun contrôle de sa politique jurisprudentielle. A minima, l’État français se trouve virtuellement susceptible de repenser l’organisation et/ou le fonctionnement de la juridiction constitutionnelle, si jamais la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’Homme y trouve un manquement aux standards du « procès équitable », du « recours effectif » et du « bref délai ».

Cela étant, l’élément le plus qualifiant de l’état de Cour suprême (ou au moins de contrôleur de politique jurisprudentielle) est matérialisé par la pratique de réserve d’interprétation dans le cadre d’une QPC portant sur l’interprétation de la loi. Via le recours QPC, le Conseil constitutionnel peut réajuster l’interprétation faite par la Cour de cassation (ou le Conseil d’État) d’une disposition législative afin de rendre la portée effective de ladite loi respectueuse de l’intégrité des droits et des libertés que la Constitution garantit. La décision n°2011-127 QPC, en date du 6 mai 2011, illustre cette réalité, lorsque par une réserve d’interprétation, le juge constitutionnel réajuste une jurisprudence constante de la Cour de cassation sur la question de la faute inexcusable de l’employeur en matière de régime spécial des accidents du travail des marins. Il ressortait de cette jurisprudence [46] de la Cour de cassation qui posait la portée effective de l’article 20 al. 1 du décret-loi du 17 juin 1938 « relatif à la réorganisation et à l’unification du régime d’assurance des marins », que les marins sont sous l’emprise d’un régime social spécial qui ne prévoit aucun recours contre l’armateur en raison de sa faute inexcusable.

Par une telle jurisprudence, le juge de cassation privait une catégorie de victimes d’un recours en responsabilité à l’encontre de l’auteur exclusif de leurs préjudices. Le Conseil constitutionnel consolide la spécialité du régime de prestation social des gens de mer. Cependant, il soumet au respect d’une réserve d’interprétation la validité constitutionnelle de la portée effective que le juge de cassation donne à la disposition litigieuse. En l’espèce, la suprématie du juge constitutionnel se matérialise par l’autorité de ses réserves [47] d’interprétation sur la conformité constitutionnelle de la jurisprudence constante de la juridiction de cassation. Qu’elle s’exprime via les réserves d’interprétations ou par le prononcé de la non-conformité, il faut souligner que les décisions QPC portant sur l’interprétation de la loi aboutissent tant à la sanction de l’inconstitutionnalité de la jurisprudence constante (c’est-à-dire à l’essence même de l’acte juridictionnel), qu’à l’abrogation ou à la non-abrogation d’une disposition législative. Dans cette configuration, la Question Prioritaire de Constitutionnalité à une action double.

Bien que la QPC n’ait pas vocation à être un recours en annulation ou en réformation d’un acte juridictionnel, car son objet est le contrôle de constitutionnalité a posteriori de la loi telle qu’elle est effectivement mise en pratique, ce dispositif agit en profondeur. Il a un impact redoutable sur l’effet substantiel de l’acte juridictionnel, c’est-à-dire sur la charge de dire le droit en conformité avec la norme suprême.

Dans cette optique, outre le fait d’être un dispositif de finalisation de l’effectivité de la Constitution, la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) est également un corollaire du principe de séparation des autorités judiciaires et de séparation des compétences. À ce titre, l’ordre juridictionnel transversal et incident institué par la QPC postule la pérennisation du dualisme des ordres juridictionnels et confirme la marche du conseil constitutionnel comme Cour suprême d’un ordre juridictionnel constitutionnel chapeautant les ordres juridictionnels administratif et judiciaire, « ponctuellement », c’est-à-dire à l’occasion de la mise en œuvre de la QPC a fortiori lorsqu’elle concerne le contrôle de la constitutionnalité de l’interprétation de la Loi tant pas la Cour de cassation que par le Conseil d’État.

Laurent Thibault Montet Docteur en droit

[1Mesdames Anne-Marie Escoffier et Françoise Laborde, messieurs Y. Collin et Jacques Mézard ; Voir p.8581 du JORF Sénat session ordinaire 2009-2010, compte-rendu intégral de la séance du 13 octobre 2009.

[2Voir article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

[3Hans Kelsen, « Théorie générale des normes » ; Traduit de l’allemand par Olivier Beaud et Fabrice Malkani ; Léviathan - Puf. Hans Kelsen, « Théorie générale du droit et de l’état » ; traduit par Béatrice Laroche et Valérie Faure ; LGDJ/Bruylant - La pensée juridique. Han Kelsen, « Théorie pure du droit » ; traduit par Charles Eisanmann ; Dalloz (1962).

[4Intervention de Monsieur le sénateur Jacques Mézard, telle que relatée à la page 8581 du JORF Sénat session ordinaire 2009-2010, compte-rendu intégral de la séance du 13 octobre 2009.

[5Intervention de Monsieur le sénateur Hugues Portelli, rapporteur, telle que relatée à la page 8581 du JORF Sénat session ordinaire 2009-2010, compte-rendu intégral de la séance du 13 octobre 2009.

[6Décision n°59-2 DC du Conseil constitutionnel du 24 juin 1959 : « Sont déclarés conformes à la Constitution, sous réserve des observations qui suivent, les articles du règlement de l’Assemblée nationale ci-après mentionnés : Article 48-6 : Pour autant que ces dispositions ne prévoient un vote de l’Assemblée nationale que sur les propositions arrêtées par la Conférence des Présidents en complément des affaires inscrites par priorité à l’ordre du jour, sur décision gouvernementale, conformément aux dispositions de l’article 48 de la Constitution ». Voir également : Considérant n°31 de la décision n° 99-419 DC du Conseil constitutionnel en date du 9 novembre 1999 ; Considérants n°9, 12 à 16 de la décision n° 99-423 DC du Conseil constitutionnel en date du 13 janvier 2000 ; Considérant n°13 de la décision n°2000-436 DC du Conseil constitutionnel en date du 7 décembre 2000.

[7Thierry Di Manno : « Par cette technique non prévue par les textes et purement prétorienne, le Conseil constitutionnel s’affranchit du carcan du schéma décisionnel binaire, pour agir directement sur la substance normative de la loi afin de la mettre en harmonie avec les exigences constitutionnelles ».

[8Intervention de Monsieur le sénateur Jacques Mézard, telle que relatée à la page 8581 du JORF Sénat session ordinaire 2009-2010, compte-rendu intégral de la séance du 13 octobre 2009.

[9Considérant n°2 de la décision n°2010-39 QPC du Conseil constitutionnel en date du 6 octobre 2010 : « […] que ces dispositions prévoient notamment que la disposition législative contestée doit être « applicable au litige ou à la procédure » ; qu’en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition ; […] ». Considérant n°4 de la décision n°2010-52 QPC du Conseil constitutionnel en date du 14 octobre 2010. Considérant n°4 de la décision n°2010-96 QPC du Conseil constitutionnel en date du 4 février 2011. Considérant n°9 de la décision n°2011-120 QPC du Conseil constitutionnel en date du 8 avril 2011. Considérant n°5 de la décision n°2010-127 QPC du Conseil constitutionnel en date du 6 mai 2011.

[10Intervention de Monsieur le sénateur Hugues Portelli, rapporteur, telle que relatée à la page 8581 du JORF Sénat session ordinaire 2009-2010, compte-rendu intégral de la séance du 13 octobre 2009.

[11Considérant n°13 de la décision n° 2009-595 DC du Conseil constitutionnel en date du 3 décembre 2009 : « […] qu’en réservant le cas du « changement des circonstances », elle conduit à ce qu’une disposition législative déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel soit de nouveau soumise à son examen lorsqu’un tel réexamen est justifié par les changements intervenus, depuis la précédente décision, dans les normes de constitutionnalité applicables ou dans les circonstances, de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative critiquée ; […].

[12Ou « processus intérieur » voir : Hans Kelsen, « Théorie générale des normes » ; Traduit de l’allemand par Olivier Beaud et Fabrice Malkani ; Léviathan - Puf. Hans Kelsen, « Théorie générale du droit et de l’état » ; traduit par Béatrice Laroche et Valérie Faure ; LGDJ/Bruylant - La pensée juridique. Han Kelsen, « Théorie pure du droit » ; traduit par Charles Eisanmann ; Dalloz (1962).

[13Voir notamment les articles 4 et 5 du Code civil. Voir également extrait du discours préliminaire du premier projet de Code civil présentée en l’an IX par Portalis, Tronchet, Bigot-Preameneu et Maleville : « […] Il y a une science pour les législateurs, comme il y en a une pour les magistrats ; et l’une ne ressemble pas à l’autre. La science du législateur consiste à trouver dans chaque matière, les principes les plus favorables au bien commun : la science du magistrat est de mettre ces principes en action, de les ramifier, de les étendre, par une application sage et raisonnée, aux hypothèses privées ; d’étudier l’esprit de la loi quand la lettre tue, […] ».

[14Extrait du discours préliminaire du premier projet de Code civil présentée en l’an IX par Portalis, Tronchet, Bigot-Preameneu et Maleville : […] Il faut que le législateur veille sur la jurisprudence ; il peut être éclairé par elle, et il peut, de son côté, la corriger ; mais il faut qu’il y en ait une. […] ».

[15Extrait du discours préliminaire du premier projet de Code civil présentée en l’an IX par Portalis, Tronchet, Bigot-Preameneu et Maleville : « […] la science du magistrat est de mettre ces principes en action, de les ramifier, de les étendre, par une application sage et raisonnée, aux hypothèses privées ; d’étudier l’esprit de la loi quand la lettre tue, […] ».

[16Article 605 du Code de procédure civile : « Le pourvoi en cassation n’est ouvert qu’à l’encontre de jugements rendus en dernier ressort ».

[17Article L821-1 du Code de justice administratif : « Les arrêts rendus par les cours administratives d’appel et, de manière générale, toutes les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions administratives peuvent être déférés au Conseil d’État par la voie du recours en cassation. ».

[18Article 604 du Code de procédure civile : « Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement qu’il attaque aux règles de droit. ». Article L121-1 du Code de justice administratif : « Le Conseil d’État est la juridiction administrative suprême. Il statue souverainement sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort par les diverses juridictions administratives ainsi que sur ceux dont il est saisi en qualité de juge de premier ressort ou de juge d’appel. ».

[19Opposition de la Cour de cassation : Décision n°09-83.328, 09-82.582, 09-87.307 en date du 19 mai 2010 ; décision n°09-70.161 en date du 19 mai 2010 ; décision n°09-87.578 en date du 31 mai 2010 ; décision n°09-87.884 en date du 11 juin 2010 ; décision n°10.83.090 en date du 5 octobre 2010. Opposition du Conseil d’État : décision n°338638 en date du 18 juin 2010 ; décision n°334665 en date du 16 juillet 2010.

[20Article 12 de la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution : « L’article 23-6 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est abrogé. ». Voir également article 1er du décret n°2010-1216 du 15 octobre 2010 relatif à la procédure d’examen des questions prioritaires de constitutionnalité devant la Cour de cassation.

[21« […] Nous ne nous intéressons pas ici au contrôle de constitutionnalité de la jurisprudence, qui est indépendante du texte de la loi. […] : Intervention de Monsieur le sénateur Hugues Portelli, rapporteur, telle que relatée à la page 8581 du JORF Sénat session ordinaire 2009-2010, compte-rendu intégral de la séance du 13 octobre 2009.

[22Voir notamment décision n°09-83.328, de la Cour de cassation en date du 19 mai 2010 : « […] Et attendu qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution, la question dont peut être saisi le Conseil constitutionnel est seulement celle qui invoque l’atteinte portée par une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que la question posée tend, en réalité, à contester non la constitutionnalité des dispositions qu’elle vise, mais l’interprétation qu’en a donnée la Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la motivation des arrêts des cours d’assises statuant sur l’action publique ; que, comme telle, elle ne satisfait pas aux exigences du texte précité ; […] ».

[23Considérant n°21 de la décision n°2009-595 DC, du Conseil constitutionnel en date du 3 décembre 2009 : « […] Considérant, en premier lieu, que la dernière phrase du premier alinéa de l’article 23-4 et la dernière phrase du troisième alinéa de l’article 23-5 prévoient que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité si " la question est nouvelle " ; que le législateur organique a entendu, par l’ajout de ce critère, imposer que le Conseil constitutionnel soit saisi de l’interprétation de toute disposition constitutionnelle dont il n’a pas encore eu l’occasion de faire application ; que, dans les autres cas, il a entendu permettre au Conseil d’État et à la Cour de cassation d’apprécier l’intérêt de saisir le Conseil constitutionnel en fonction de ce critère alternatif ; que, dès lors, une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être nouvelle au sens de ces dispositions au seul motif que la disposition législative contestée n’a pas déjà été examinée par le Conseil constitutionnel ; que cette disposition n’est pas contraire à la Constitution ; […] ».

[24Article 61-1 de la Constitution : « […] il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, […] ».

[25Notamment : Décision n°09-83.328 en date du 19 mai 2010 ; décision n°09-87.578 en date du 31 mai 2010 ; décision n°09-87.884 en date du 11 juin 2010.

[26Décision n°09-83.328, de la Cour de cassation en date du 19 mai 2010 : « […] Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ; Et attendu qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution, la question dont peut être saisi le Conseil constitutionnel est seulement celle qui invoque l’atteinte portée par une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que la question posée tend, en réalité, à contester non la constitutionnalité des dispositions qu’elle vise, mais l’interprétation qu’en a donnée la Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la motivation des arrêts des cours d’assises statuant sur l’action publique ; que, comme telle, elle ne satisfait pas aux exigences du texte précité ; […] ».

[27Décisions de la Cour de cassation : pourvoi n°10-10.385 en date du 8 juillet 2010 ; pourvoi n°11-40.017 en date du 30 juin 2011 ; pourvoi n°11-40.018 en date du 30 juin 2011. Décision du Conseil d’État : pourvoi n°322419 en date du 15 juillet 2010.

[28Décisions de la Cour de cassation : pourvoi n°18-21.567 en date du 14 mars 2019.

[29Considérant n°3 de la décision n°2010-96 QPC, du Conseil constitutionnel en date du 4 février 2011 : « […] Considérant qu’il ressort des arrêts de la Cour de cassation du 2 février 1965, confirmés depuis […] ».

[30Considérant n°3 de la décision n°2010-39 QPC, du Conseil constitutionnel en date du 6 octobre 2010 : « […] Considérant que l’article 365 du code civil fixe les règles de dévolution de l’autorité parentale à l’égard d’un enfant mineur faisant l’objet d’une adoption simple ; que, depuis l’arrêt du 20 février 2007 susvisé, la Cour de cassation juge de manière constante que […] ».

[31Dans une décision n° 32820/08, « Boumaraf contre France », de la CEDH en date du 30 août 2011, il est rappelé l’obligation de motiver les revirements de jurisprudence, et il est précisé les contours de la notion de jurisprudence « bien établie ».

[33Article 4 du Code civil.

[34Décision n°11-13.488 de la Cour de cassation en date du 27 septembre 2011 ; décision n°12-40.100 de la Cour de cassation en date du 27 février 2013.

[35Décision n°11-13.488 : « […] La règle jurisprudentielle suivant laquelle un tiers peut être tenu au titre de sa responsabilité d’indemniser une personne d’une sanction pécuniaire ayant la nature d’une peine est-elle contraire au principe constitutionnel de personnalité des peines résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait ? […] ». Décision n°12-40.100 : « […] la jurisprudence de la Cour de cassation édictée dans son arrêt du 23 novembre 2007 porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 37 et 39 de la Constitution de 1958 ainsi que l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? […] ».

[36Nouvel article 1231-1.

[37Tribunal judiciaire, Tribunal de commerce, Conseil de Prud’hommes, Tribunal de police, Tribunal correctionnel… ; Tribunal Administratif…

[38Cour d’Appel [CA], Cour Administrative d’Appel [CAA]…

[39Article L321-1 Code de justice administrative : « Les cours administratives d’appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs, sous réserve des compétences que l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduit à attribuer au Conseil d’État et de celles définies aux articles L552-1 et L552-2. » ; Article L331-1 Code de justice administrative : « Le Conseil d’État est seul compétent pour statuer sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort par toutes les juridictions administratives. ».

[40Article L311-1 : « La cour d’appel connaît, sous réserve des compétences attribuées à d’autres juridictions, des décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort. La cour d’appel statue souverainement sur le fond des affaires. » ; Article L411-2 : « La Cour de cassation statue sur les pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les juridictions de l’ordre judiciaire. La Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires, sauf disposition législative contraire. » ; Article L411-3 : « La Cour de cassation peut […], en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée. […] ».

[41Article 604 du Code de procédure civile : « Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement qu’il attaque aux règles de droit ».

[42Pour le Conseil d’État : Article L331-1 Code de justice administrative : « Le Conseil d’État est seul compétent pour statuer sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort par toutes les juridictions administratives » ; Pour la Cour de cassation : Article 604 du Code de procédure civile : « Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement qu’il attaque aux règles de droit. ».

[43Voir article L821-2 du Code de justice administrative (« S’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d’État peut soit renvoyer l’affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l’affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie. Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’État statue définitivement sur cette affaire ») ; Article 638 du Code de procédure civile (« L’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation. ») et article L431-4 du Code de l’organisation judiciaire (« En cas de cassation, l’affaire est renvoyée, sous réserve des dispositions de l’article L411-3, devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l’arrêt ou le jugement cassé ou devant la même juridiction composée d’autres magistrats. Lorsque le renvoi est ordonné par l’assemblée plénière, la juridiction de renvoi doit se conformer à la décision de cette assemblée sur les points de droit jugés par celle-ci »).

[44« […] Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. […] ».

[45Considérant n°9 de la décision n°2011-120 QPC, Conseil constitutionnel en date du 8 avril 2011 : « Considérant, en dernier lieu, que, si, en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition, la jurisprudence dégagée par la Cour nationale du droit d’asile n’a pas été soumise au Conseil d’État ; qu’il appartient à ce dernier, placé au sommet de l’ordre juridictionnel administratif, de s’assurer que cette jurisprudence garantit le droit au recours rappelé au considérant 87 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 ; que, dans ces conditions, cette jurisprudence ne peut être regardée comme un changement de circonstances de nature à remettre en cause la constitutionnalité des dispositions contestées ».

[46Décision n° 02-14.142 de la Cour de cassation en date du 23 mars 2004.

[47Considérant n°9 de la décision n°2011-127 QPC, du Conseil constitutionnel en date du 6 mai 2011 : « […] que ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, être interprétées comme faisant, par elles−mêmes, obstacle à ce qu’un marin victime, au cours de l’exécution de son contrat d’engagement maritime, d’un accident du travail imputable à une faute inexcusable de son employeur puisse demander, devant les juridictions de la sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du code de la sécurité sociale ; que, sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de responsabilité […] ». Voir également au sujet de l’article L112-2 du code de la voirie routière : Décision n°2011-201 QPC, du Conseil constitutionnel en date du 2 décembre 2011.