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Le droit de visite et d’hébergement élargi : quels avantages pour l’enfant et ses parents ? Par Barbara Régent, Avocate.
Parution : vendredi 30 septembre 2022
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A mi-chemin entre le droit de visite classique et la résidence alternée, le droit de visite et d’hébergement élargi présente certains atouts : il permet en effet à l’enfant de maintenir des liens étendus avec le parent non hébergeant, sans aller jusqu’à une résidence alternée qui parfois n’est ni possible ni souhaitable.

Le droit de visite et d’hébergement élargi comporte certains avantages qu’il est intéressant d’examiner. Il permet tout d’abord à l’enfant de voir le parent non hébergeant plus que dans le cadre du système dit « classique » (un week-end sur deux en période scolaire, soit quatre jours par mois).

En effet, la jurisprudence considère qu’il est de l’intérêt de l’enfant d’

« entretenir avec le parent qui ne bénéficie pas de la résidence habituelle le plus de rapports possibles, la durée et la qualité de ces rapports conditionnant la solidité des identifications nécessaires à la construction de sa personne » [1].

Dans le même sens, le juge aux affaires familiales de Bobigny a jugé que « dans le cadre d’une résidence habituelle chez la mère, il est dans l’intérêt des enfants de continuer de voir leur père le plus souvent possible, chacun des deux parents jouant un rôle irremplaçable auprès d’eux » [2].

Citons également cet arrêt : « l’intérêt de l’enfant est de pouvoir passer le plus de temps possible aux côtés de chacun de ses parents » [3].

En conséquence, et sauf exception, il est conforme à l’intérêt de l’enfant de passer un temps suffisant avec le parent chez qui il n’a pas sa résidence principale. Si ce principe peut conduire à un partage égalitaire du temps de l’enfant dans le cadre d’une résidence alternée, cette dernière est parfois impossible (en cas de faible disponibilité du parent non hébergeant par exemple) ou déconseillée (enfant en très bas âge, éloignement géographique des deux domiciles parentaux…). Le DVH élargi (droit de visite et d’hébergement) peut alors apparaître comme une solution de compromis satisfaisante pour les parents et l’enfant.

Le DVH élargi présente l’avantage d’être très souple et de s’adapter ainsi à toutes les situations familiales. En effet, plusieurs formules existent pour mettre en œuvre ce DVH élargi : par exemple, ce droit peut s’exercer du vendredi, sortie d’école au lundi ou mardi matin, retour à l’école. Ou encore du jeudi sortie d’école au dimanche soir, retour chez le parent hébergeant. L’élargissement peut également se réaliser un soir ou une journée dans la semaine (toutes les semaines ou une semaine sur deux). Toutes les solutions sont possibles, étant précisé que le DVH implique généralement un temps de résidence de l’enfant inférieur à 40%.

En effet, les magistrats considèrent, en principe, qu’à partir de 60/40%, l’enfant entre dans un système de résidence alternée inégalitaire. En effet, résidence alternée ne rime pas nécessairement avec un partage strictement égal du temps de présence de l’enfant auprès de chacun de ses parents dans la mesure où « l’article 373-2-9 du Code civil n’impose pas, pour que la résidence d’un enfant soit fixée en alternance au domicile de chacun des parents, que le temps passé par l’enfant auprès de son père et de sa mère soit de même durée » [4].

Dernier avantage du DVH élargi : il offre la possibilité d’évoluer en résidence alternée quand les conditions sont réunies (proximité géographique des parents, capacités d’hébergement, disponibilités des parents…). Rappelons, à cet égard, que certains juges ont tendance à privilégier ce mode de résidence égalitaire plutôt qu’un droit élargi car la résidence alternée « présente l’avantage de favoriser le maintien et le développement de relations harmonieuses des mineurs avec chacun de ses deux parents ».

L’alternance sera d’autant plus facilement prononcée lorsque l’organisation en place au moment où le juge statue est un DVH élargi en milieu de semaine. En effet, une telle organisation conduit à des changements trop fréquents de domicile. La jurisprudence considère ainsi que la résidence alternée hebdomadaire est préférable car plus respectueuse du rythme biologique de l’enfant (quatre changements de résidence par mois), en plus de permettre l’exercice d’une véritable co-parentalité équilibrée.

L’étude la jurisprudence fournit de nombreuses illustrations : « La cour infirmera le jugement déféré et organisera une résidence alternée selon les modalités fixées au présent dispositif afin de limiter les changements de domiciles de l’enfant et de le maintenir dans un environnement stable »  [5]. En l’espèce, l’élargissement était du mardi fin des activités scolaires au mercredi matin rentrée des classes.

« Il y a lieu de mettre en place une résidence alternée laquelle leur permettra de partager leur temps entre leurs deux parents de manière plus équilibrée avec des périodes plus stables que celles qui leur sont imposées actuellement avec les changements de domiciles liés au droit de visite et d’hébergement élargi » [6].

En l’espèce l’élargissement concernait trois mercredis par mois de 13 heures à 20 heures.

« Il n’apparaît pas contraire à leur intérêt de mettre en place une résidence alternée laquelle leur permettra de partager leur temps entre leurs deux parents de manière plus équilibrée avec des périodes plus stables que celles qui leur sont imposées actuellement avec les changements de domiciles liés au droit de visite et d’hébergement élargi » [7]. En l’espèce l’élargissement concernait les semaines impaires, du mardi sortie des classes au jeudi matin entrée des classes.

« Considérant que compte tenu de ces éléments et de l’âge des deux enfants et de leur attachement à leurs deux parents, il est de leur intérêt de mettre en place une résidence alternée laquelle leur permettra de partager leur temps entre leurs deux parents de manière plus équilibrée avec des périodes plus stables que celles qui leur sont imposées actuellement avec les changements de domiciles liés au droit de visite et d’hébergement élargi » [8].

En l’espèce l’élargissement concernait les milieux des semaines impaires, du mardi à la sortie des classes ou de la crèche jusqu’au jeudi matin reprise de la classe ou de la crèche.

« Considérant, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, de l’âge des enfants qui ont 10 ans et 6 ans et demi, de la proximité des résidences parentales, de ce que l’organisation actuelle entraîne de nombreux allers et retours et des conflits entre les parties, il y a lieu de mettre en place une résidence alternée, selon les modalités fixées dans le dispositif de l’arrêt, laquelle permettra aux enfants de partager leur temps entre leurs deux parents de manière plus équilibrée avec des périodes plus stables que celles qui leur sont imposées actuellement avec les changements de domiciles liés au droit de visite et d’hébergement élargi » [9].

En l’espèce l’élargissement concernait tous les mardis soirs de la sortie des classes au mercredi soir 19h30.

Plus récemment, un arrêt de la Cour d’appel de Versailles a relevé que l’organisation qui lui était soumise conduisait « les enfants à changer de lieu de vie quatorze fois en un mois », jugeant ainsi qu’ « il est dans leur intérêt de prévoir une nouvelle organisation leur permettant de profiter de chacun de leurs parents et de s’installer plus durablement dans chaque logement ». La cour prononce donc la résidence alternée hebdomadaire et écarte la demande principale du père fondée sur un rythme infra-hebdomadaire (2-2-5-5). La cour juge que cette organisation « impliquerait au moins sept changements de domicile par mois pour les enfants, ce qui est contraire à leur intérêt et à leur rythme biologique » [10].

La Cour d’appel de Paris adopte ce même raisonnement comme l’illustre un arrêt rendu le 1er juillet 2021 :

« La résidence en alternance hebdomadaire apparaît plus sécurisante pour une enfant de cet âge qu’un droit d’accueil élargi de milieu de semaine qui l’oblige à changer de domicile tous les deux jours, une semaine sur deux. Elle permet également aux parents de mettre en place une organisation pérenne afin d’accueillir une semaine entière l’enfant, chacun à son tour. Cette continuité hebdomadaire permet la mise en place de repères pour l’enfant identiques une semaine sur l’autre et d’un rythme défini à l’avance une fois pour toutes (…) » [11].

Cet arrêt précise également : « La seule réserve qui ressort des différents témoignages produits est qu’elle n’apprécie pas le milieu de semaine chez son père qu’elle trouve perturbant et qui l’oblige à mettre des « gommettes » dans son agenda pour s’y retrouver.

C’est le caractère « haché » de cette semaine impaire qui la perturbe, pas le fait d’aller chez son père ».

Signalons enfin que la Cour de cassation a jugé en 2007 que, dans l’intérêt de l’enfant, la résidence alternée est préférable à un droit de visite et d’hébergement élargi [12]. En effet, elle estime qu’il est contraire à l’intérêt de l’enfant de changer fréquemment de lieu de résidence. L’enfant avait 4 ans au moment de la séparation et la Cour d’appel de Paris avait décidé de remplacer le droit de visite élargi du père par une résidence alternée, au motif que l’enfant « subissait des changements trop fréquents de domicile », ce qui était « source d’instabilité au quotidien » pour l’enfant.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la mère :

« Attendu qu’après avoir relevé d’abord, que si le droit de visite élargi mis en place depuis décembre 2003 au profit du père (…), avait permis à Victor de partager son temps équitablement entre ses parents, l’organisation ainsi mise en place obligeait toutefois l’enfant à changer fréquemment de lieu de résidence, étant dans la même semaine les lundis et jeudis soirs chez sa mère et les autres soirs chez son père ou les mardis et mercredis soirs chez son père et les autres soirs chez sa mère, ce qui était source d’instabilité au quotidien pour Victor (…), ensuite, que les parents résidant à proximité l’un de l’autre et dans l’intérêt de l’enfant, il y avait lieu de mettre en place une résidence alternée une semaine sur deux afin d’éviter à Victor des changements trop fréquents de domicile et de faciliter sa vie quotidienne, la cour d’appel (…) a légalement justifié sa décision  » [13].

En conclusion, le DVH élargi présente de nombreux atouts, en particulier lorsque les parents ne peuvent pas, ou ne souhaitent pas, mettre en place une résidence alternée.

Il n’en demeure pas moins que l’expression « droit de visite et d’hébergement » peut apparaître blessante pour le parent non hébergeant et de plus en plus inadaptée à l’évolution de la société. Il serait peut-être opportun de réfléchir à une autre formulation (par exemple « temps d’accueil » chez l’un ou l’autre parent) car si les parents ont des droits respectifs sur l’enfant, ils ont aussi un devoir essentiel : celui de l’éduquer en le préservant de leurs différends. Parler de droit est réducteur du rôle du parent chez lequel la résidence majoritaire n’est pas fixée car il est exclusif des devoirs parentaux qui accompagnent l’hébergement qu’il soit ou non majoritaire.

Les parents sont tous les deux, de manière égalitaire, responsables de l’enfant, de son éducation, de son bien-être, de la transmission de valeurs et de savoir, de sa protection... Ce principe est au cœur de l’autorité parentale qui, par défaut, est toujours conjointe (les cas d’autorité parentale exclusive sont extrêmement rares).

Ils doivent pouvoir se parler de l’enfant, dans l’intérêt de ce dernier, et rechercher, ensemble (y compris avec l’aide de professionnels tels des avocats formés aux modes amiables, des médiateurs, des spécialistes de l’enfance, des psychologues…) les meilleures solutions pour son épanouissement et que chacun puisse vivre sereinement.

C’est la raison pour laquelle, lorsque cela est possible, il ne faut pas hésiter à privilégier les modes amiables de règlement des différends et à en parler à son avocat pour lui demander d’agir prioritairement en ce sens.

Barbara Régent, Avocate au Barreau de Paris, co-fondatrice de l'association "Avocats de la Paix" https://www.regentavocat.fr/

[1JAF Pontoise, 27 mai 2021, n° 19/00542.

[2JAF Bobigny, 18 déc. 2018, n° 18/08690.

[3CA Aix-en-Provence, ch. 2 3, 7 juin 2022, n° 20/07847.

[4Civ. 1re, 25 avr. 2007, no 06-16.886.

[5CA Versailles, 3 oct. 2019, n° 18/06126.

[6CA Versailles, 14 janv. 2021, n° 19/05307.

[7CA Versailles, 30 sept. 2021, n° 20/02762.

[8CA Versailles, 15 avr. 2021, n° 19/06002.

[9CA Versailles, 16 sept. 2021, n° 20/05847.

[10CA Versailles, 12 mai 2022, n° 21/00806.

[11CA de Paris, Pôle 3 - Chambre 3, 1er juillet 2021, n° 20/12170.

[12Cass, 19 sept. 2007, n° 07-12.116.

[13Cass. 1ère civ., 19 sept. 2007, n° 07-12.116.