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Bonnes pratiques pour une plaidoirie réussie.
Parution : jeudi 6 octobre 2022
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Plaider, défendre une cause devant les juges, avec un but : obtenir satisfaction pour les clients. Exercice de conviction à part entière, il mérite davantage de considération. Revue de détail en 3 étapes !

La plaidoirie est un temps fort des dossiers.

Elle est le point d’orgue du débat et permet de mettre en lumière certains points de façon plus marquée encore que dans les conclusions.

Elle symbolise l’opposition de thèses qui prennent vie sous les yeux des juges. Elle est et reste donc un passage indispensable pour convaincre, nonobstant la prédominance de l’écrit dans les procédures.

Elle est aussi attendue par les clients dont nous sommes les porte-voix. Pour eux, au-delà des conclusions, cela reste un moment d’engagement et de prise de position forte permettant de faire entendre ce qu’ils ont à dire.

C’est donc une étape clé des dossiers. A ce titre, elle mérite qu’on s’y attarde et qu’on la prépare.

En effet :
- la plaidoirie n’est pas une synthèse des conclusions que l’on présente à l’oral. Cela n’a aucun intérêt. Où est votre valeur ajoutée ?
- maîtriser son dossier est un préalable requis pour une bonne plaidoirie mais insuffisant. La maîtrise d’un dossier est une chose, la maîtrise de l’oral en est une autre.

Or, bien souvent, l’exercice de la plaidoirie est négligé. Nous ne prenons pas le temps de la considérer comme un exercice en tant que tel.

Alors que prendre le temps de réfléchir et de préparer cet exercice apporte de réels bénéfices, au premier rang desquels celui de convaincre plus facilement les juges et d’obtenir davantage de décisions en faveur de votre client.

Comment faire ? Petit guide pratique en 3 étapes :

- Etape 1.

Chassez ce premier réflexe : Je connais le dossier ! Prenez conscience que plaider est un exercice distinct de celui des conclusions et que la forme doit être soignée !

A l’oral, la forme ne s’improvise pas. Vous devez avoir votre plaidoirie en bouche. Cette maîtrise et cette assurance à l’oral renforceront votre pouvoir de conviction car on est convaincant quand on est convaincu. Or, pour apparaître convaincu, la récitation ou la simple synthèse des conclusions ne suffit pas. Il faut faire preuve de davantage d’implication et d’incarnation. Une fois cette prise de conscience opérée, passons à l’étape suivante.

- Etape 2.

Préparez des notes de plaidoirie. Ces notes sont votre mise en mémoire. Pas question de les rédiger mot à mot mais de faire une synthèse efficace et pertinente.

Prenez donc un soin particulier en les préparant.

- Faites ressortir une couleur, une sorte de fil rouge qui va accompagner chacune des étapes de votre démonstration (par exemple : la mauvaise foi du contradicteur) car c’est le moment de transformer le dossier en une histoire vous allez raconter.

- Rédigez les clairement ! Vos notes sont votre partition pour le jour J. Pour être un bon support, elles doivent être claires et aérées : écrire gros, mettre les points saillants en majuscules, laisser de l’espace, faire apparaître la structure et les points essentiels (comme une pièce à citer) avec différentes couleurs. Et de façon plus prosaïque, vos notes doivent être simples à manipuler, évitez donc le recto-verso, numérotez et agrafez vos pages pour éviter la chute de feuille durant l’audience !

- Etape 3.

Répéter sa plaidoirie. Si bien souvent, nous préparons des notes de plaidoiries, de façon plus ou moins efficace, en revanche, la plupart du temps, nous omettons cette étape cruciale.

L’exercice peut paraître contraignant, il est pourtant redoutablement efficace !

Comment imaginer parler sans être entraîné ? Pourquoi les comédiens, les hommes politiques s’entrainent avant une prestation orale et non les avocats ?

Bien souvent, nos confrères pénalistes me disent répéter, compte tenu des enjeux du procès pénal, mais pour les autres, c’est l’impasse.

Or, le meilleur des arguments n’est rien s’il est dit de façon inaudible.

Idéalement, répétez votre plaidoirie 2 à 3 fois (mais 1 fois serait déjà un très bon début). Cela est d’autant facile que les longues plaidoiries ne sont plus à la mode, 15 minutes est une moyenne.

Sur les moyens, libre à vous : devant une glace, en se filmant ou tout simplement juste en la disant. La première fois, vous allez buter sur les mots, les enchainements.

Vous verrez que quelque chose de logique à l’écrit ne l’est pas forcément à l’oral.

La deuxième fois, ce sera plus fluide. Vous allez gagner en précision, en assurance…

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » (Boileau).

Respecter ces différentes étapes va nécessairement renforcer votre pouvoir de conviction. Votre voix et votre façon de dire les choses seront en totale cohésion avec le fond que vous défendez, c’est ce qui fera votre force et la différence !

Sophie Lemaître, Avocat et Coach en prise de parole en public Barreau de Paris AdVocatio - prise de parole en public et art de convaincre