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Reconnaissance en Turquie d’un jugement de divorce prononcé en France. Par Kubilay Kilic, Elève-Avocat.
Parution : vendredi 14 octobre 2022
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Dans cet article, nous allons nous pencher sur la question de la reconnaissance en Turquie d’un jugement de divorce prononcé en France.

Le même droit civil qui donne la possibilité de se marier accorde aussi le droit de divorcer. Les procédures de divorce peuvent être longues et fatigantes surtout si l’un des époux possède une double nationalité ou réside à l’étranger.

Dans ces cas, plusieurs questions juridiques peuvent se poser. Quel juge est compétent pour prononcer le divorce si l’un des époux est étranger ? Est-ce que c’est le juge du pays de résidence ou le juge du pays dont l’un des époux ont la nationalité qui va juger l’affaire ?

Le fait que les époux ont divorcé en France ne signifie pas que leur divorce soit aussi reconnu en Turquie. Lorsque les époux ont la double nationalité ou résident en France veulent divorcer, les tribunaux français rendront un jugement en ce sens si toutes les conditions sont réunies.

Mais les autorités turques ne sont pas informées d’emblée de cette procédure. La première chose qui incombe aux clients c’est de consulter un avocat en droit international de la famille.

I. L’Effet du jugement dans l’état civil français.

L’état civil des époux ayant divorcé en France est modifié. Le divorce étant inscrit dans les registres respectifs des époux, ces derniers perdent alors leur qualité de « marié » pour laisser place à la situation « célibataire ». Ainsi, les époux divorcés ont la liberté de pouvoir se remarier avec la même personne ou avec une personne différente.

Par conséquent, si l’ex conjointe tombe enceinte la présomption de paternité ne s’applique plus. Rappelons que la filiation paternelle s’établit automatiquement par le principe : le mari de la mère est présumé être le père de l’enfant.

II. L’Effet du jugement dans l’état civil turc.

Le jugement prononcé en France ne serait pas reconnu en France tant qu’une procédure de reconnaissance du jugement n’a pas eu lieu.

1) La procédure de reconnaissance avant la loi du 25 mars 2020.

Avec l’entrée en vigueur de la loi du 29 avril 2006, il n’est plus obligé de passer devant le juge pour faire reconnaitre en Turquie un jugement de divorce prononcé en France.

La seule condition était que les époux devaient se rendre ensemble, soit au consulat turc ou soit à l’Office de l’état civil en Turquie.

Mais dans les cas où l’un des époux était décédé, se trouvait à l’étranger ou était injoignable, la seule manière de faire reconnaitre le divorce était de passer par une procédure judiciaire.

C’est dans ce contexte que la loi du 25 mars 2020 a apportée des nouveautés afin de faciliter cette procédure.

2) Nouvelle procédure depuis la loi du 25 mars 2020.

Désormais un citoyen turc voulant faire reconnaître son jugement de divorce en Turquie pourra se rendre seul au consulat ou à l’Office de l’état civil si l’ex-époux est étranger ou décédé. Cette procédure facilite la tache pour les citoyens turcs qui n’ont plus besoin d’un jugement de reconnaissance pour faire reconnaitre leur divorce dans leurs pays d’origine.

Que se passerait-il si le jugement n’est pas reconnu en Turquie ?

Dans le cas où une personne décide de ne pas prononcer son divorce en Turquie, elle s’expose aux risques de se retrouver avec des héritiers non désirés. En effet, la filiation paternelle en Turquie s’établit de la même façon qu’en France c’est-à-dire par le lien du mariage du père et de la mère : le père de l’enfant est le mari de la mère.

Si le jugement n’est pas prononcé en Turquie et que l’ex conjointe se remarie en Turquie, l’enfant né de cette dernière aura pour père le mari inscrit à l’état civil. Cela crée parfois des problèmes car l’enfant né devient héritier à part entière.

Par la suite il sera nécessaire d’intenter une action en justice pour contester la filiation par des rapports ADN…

III. La nécessité du jugement de reconnaissance.

La procédure judiciaire reste encore nécessaire lorsque l’un des époux de nationalité turc ne se rendent pas disponible pour aller au consulat ou à l’Office de l’état civil. La seule manière de faire reconnaitre ce jugement reste alors la voie judiciaire.

Kubilay Kilic, Avocat, Barreau d’Istanbul.