Village de la Justice www.village-justice.com

Le sort des honoraires du syndic sur une période hors contrat. Par Charles Dulac, Avocat.
Parution : jeudi 13 octobre 2022
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/sort-des-honoraires-syndic-sur-une-periode-hors-contrat,43945.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Avec l’ordonnance du 25 mars 2020, modifiée récemment par la loi du 20 janvier 2022, et la dérogation offerte aux syndics de prolonger leur mandat au-delà de leur renouvellement en assemblée générale, la problématique des honoraires de syndic hors contrat est devenue récurrente en copropriété.

Revenons-en aux faits. Aux termes de l’article 22 de l’Ordonnance du 25 mars 2020 [1], modifiée une dernière fois par la Loi du 22 janvier 2022 [2], le gouvernement a autorisé les syndics qui n’avaient pas pu convoquer d’assemblée générale avant l’expiration de leur mandat, entre le 1er janvier et le 15 février 2022, à se maintenir au plus tard jusqu’au 15 avril 2022, le temps pour eux de convoquer une assemblée générale.

Cette dérogation à la liberté contractuelle des copropriétaires, qui par ailleurs a pu être louée en raison des retard pris par les copropriétés à la suite du contexte sanitaire, a naturellement été circonscrite dans le temps, entre le 1er janvier et le 15 février 2022, mais également pécuniairement, sur les honoraires du syndic calculés en fonction du précédent mandat et au prorata de la durée de maintien hors contrat.

Toutefois, pour les renouvellements des mandats de syndic qui devaient intervenir avant le 1er janvier 2022 ou postérieurement au 15 février 2022, aucune réponse n’a été apportée par le texte du 25 mars 2020. Pourtant, ces retards existent assurément et lorsque le syndic n’est pas renouvelé, la question de la taxation de ses honoraires sur la période hors contrat devient un sujet de contentieux majeur.

Il existe pourtant une réponse dans la loi et dans la jurisprudence. Il convient dès lors de distinguer deux hypothèses.

Le contrat de syndic précise régulièrement sa durée (la loi).

Rappelons tout de même que cette mention est obligatoire, l’article 18 de la Loi du 10 juillet 1965 disposant en son paragraphe VI que :

« le contrat de syndic est conclu pour une durée déterminée. Il est approuvé par une décision expresse de l’assemblée générale ».

De même que le prix doit être mentionné dans le contrat de syndic, tel que l’énonce l’article 29 du Décret du 17 mars 1967 :

« Le contrat de mandat du syndic fixe sa durée et précise ses dates calendaires de prise d’effet et d’échéance, ainsi que les éléments de détermination de la rémunération du syndic ».

Il est donc prescrit une obligation pour le syndic de préciser la durée de validité de son contrat, laquelle est circonscrite à trois années maximales [3].

En outre, l’article 18-1 A de la Loi du 10 juillet 1965 impose au syndic de préciser le montant de sa rémunération, laquelle doit comprendre une base forfaitaire non variable et le montant de ses prestations non-usuelles, suivant un barème fixé par Décret du Conseil d’Etat.

Dans cette hypothèse l’issue est simple dès lors que l’expiration du mandat est déterminée.

Au-delà de la durée stipulée, les copropriétaires sont libres de choisir un nouveau syndic [4], le renouvellement donnant lieu à un nouveau contrat [5].

De ce fait, si le syndic ne convoque pas d’assemblée générale avant la fin de son mandat, il doit être considéré comme déchu de ses fonctions et ses honoraires hors contrat ne seront pas dus.

En définitive, à défaut pour les copropriétaires d’être administrés, il sera possible de faire désigner un administrateur judiciaire le temps de la transition.

Le contrat de syndic ne précise pas régulièrement sa durée (la jurisprudence).

Cet état de fait est en réalité assez récurent. Au titre des imprécisions, il est possible de citer le procès-verbal d’assemblée générale qui ne mentionne pas la durée du mandat du syndic, de même que le contrat n’est pas contresigné, ou encore, les honoraires du syndic ne sont pas circonscrits dans le temps…

Le cas échéant, contrairement à la situation précédente, la durée de la mission du syndic est sujette à interprétation et, en tout état de cause, la question de la taxation de ses honoraires aussi.

Le prétoire a donc pris le relai de la loi sur ces problématiques.

En principe, la jurisprudence considère que si le syndic a été désigné sans durée déterminée, il doit être présumé que sa mission se poursuit tant que la question de son renouvellement n’a pas été portée à l’ordre du jour d’une assemblée générale, dans la limite des trois années restrictives de l’article 28 du Décret du 17 mars 1967 [6].

Toutefois, la Cour de cassation a également pu observer qu’en cas d’ambiguïté du texte de l’assemblée générale, il revenait au juge d’interpréter de manière souveraine la décision des copropriétaires, notamment sur la base du contrat de syndic [7].

Plus récemment, la Cour de Cassation est venue affirmer que :

« le juge pouvait, à bon droit, rectifier une mention du procès-verbal affectée d’une erreur matérielle, la preuve du contenu réel de la décision pouvant être établi par tout moyen » [8].

Ce qui doit donc être compris est que lorsque le procès-verbal d’assemblée générale est imprécis, le juge a un pouvoir d’interprétation et va se fonder sur les éléments factuels.

Si aucune mention n’est faite sur la durée du mandat, il sera considéré que celui-ci est prolongé jusqu’à la prochaine assemblée générale, sur une durée de trois années maximum. Les honoraires du syndic seront dus jusqu’au renouvellement.

Si, en revanche, le juge parvient à trouver des indices sur la durée initialement voulue par les copropriétaires (contrat de syndic, taux annuels des honoraires…), dans ce cas le contrat sera délimité. Au-delà les honoraires du syndic ne seront pas dus.

En conséquence, par cette analyse casuistique, la jurisprudence fait valoir la volonté contractuelle des copropriétaires.

Charles Dulac Barreau de Paris [->contact@dulac-avocat.com]

[1Ordonnance n° 2020-304.

[2Loi n° 2022- 46 du 22 janvier 2022.

[3Article 28 du Décret du 17 mars 1967.

[4Article 1102 du Code civil.

[5Article 1214 alinéa 2 du Code civil.

[6Cass. Civ.3ème, 18 novembre 1997, Inf Rap Copr juin 1998.

[7Cass. Civ 3ème, 17 avril 1991, IRC février 1992 p.47.

[8Cass. Civ.3ème, 15 décembre 2016, n° 15-25.109.

Comentaires: