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Révolutionner la réponse pénale : la transaction environnementale en action. Par Amadou Diallo, Doctorant en Droit.
Parution : mercredi 19 octobre 2022
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À travers l’évolution scientifique, sociologique, économique et politique, les États se trouvent continuellement confrontés à la nécessité de mettre en place de nouvelles réglementations pour anticiper et encadrer les comportements humains émergents. Cette dynamique est également à l’œuvre dans le domaine du droit de l’environnement, où chaque avancée impose une adaptation de la législation.

L’émergence du droit de l’environnement trouve ses racines dans des événements historiques marquants. Remontant à l’arrêt du 11 mars 1941 de la Cour internationale de Justice, qui traitait du litige résultant de la pollution atmosphérique causée par une entreprise canadienne aux États-Unis, ce domaine juridique s’est depuis enrichi et étoffé, tant au niveau mondial que local [1].

Depuis cette époque, l’ampleur des enjeux environnementaux a connu une croissance sans précédent, propulsant la nécessité d’une réglementation robuste et actualisée. La prise de conscience accrue des défis liés au changement climatique, à la biodiversité et à la dégradation des écosystèmes a incité les gouvernements à réviser et renforcer leurs cadres législatifs.

Article mis à jour par son auteur en août 2023.

En France, l’établissement du Code de l’environnement le 18 septembre 2000 a légalement entériné l’émergence d’un corpus juridique indépendant dédié à la protection environnementale. Cette évolution reflète l’importance croissante de la préservation de la nature dans le contexte du début du XXIe siècle.

L’environnement occupe désormais une position fondamentale, comparée à des valeurs telles que la vie, la liberté et la propriété. Une illustration significative de cette reconnaissance se trouve dans la Charte de l’environnement, intégrée au préambule de la Constitution française depuis le 1er mars 2005.
L’article 1er de la Charte proclame que :

« Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

De surcroît, l’article 5 de cette même Charte établit le principe de précaution, obligeant les autorités publiques à prendre des mesures temporaires afin d’atténuer les effets graves et irréversibles d’un dommage causé à l’environnement. Même si la Charte n’incorpore pas de dispositions répressives à proprement parler, la portée symbolique de ce mécanisme plaide en faveur de l’instauration d’un système effectif pour réprimer les infractions environnementales.

La législation française s’est dotée d’une pluralité de régulations visant à préserver la nature contre les pollutions et les nuisances. Afin d’assurer leur mise en application concrète, le législateur a fréquemment assorti ces règles de sanctions pénales.

Il est à noter que depuis les années 1970, l’environnement a graduellement bénéficié d’une protection pénale spécifique. Plus récemment, les directives 2008/99/CE du 19 novembre 2008 concernant la protection de l’environnement par le droit pénal et la directive 2009/123/CE du 21 octobre 2009 relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions, imposent aux États membres de prévoir des sanctions pénales pour les actes de pollution et les dommages aux écosystèmes naturels, que ces infractions soient intentionnelles ou résultent de négligences graves.

Comme relevé par J. Lasserre-Capdeville, la notion d’environnement est désormais une valeur sociale protégée. L’équilibre de l’écosystème et de l’environnement est ainsi consacré parmi les intérêts fondamentaux de la Nation, énumérés à l’article 410-1 du Code pénal, et les atteintes à ces intérêts font l’objet de sanctions.

Cependant, bien que des sanctions pénales soient désormais associées au droit de l’environnement, les statistiques révèlent un "taux faible" de répression pénale en matière environnementale. Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure a enregistré une augmentation de 7 % des infractions constatées en 2021 par rapport à 2016 (soit une augmentation moyenne de 1,3 % par an) [2]. Cette augmentation significative concerne principalement les dépôts d’ordures et, dans une moindre mesure, les atteintes aux espaces naturels. Cependant, cette augmentation ne traduit pas nécessairement un changement de comportement, mais plutôt une hausse des plaintes enregistrées, voire une intensification de l’action répressive des officiers de police judiciaire.

Par ailleurs, une étude réalisée en 1993 par les chercheurs P. Lascoumes et O. Timbart concernant la protection de l’environnement devant les tribunaux judiciaires répressifs, a révélé que seulement 2 % du nombre annuel de condamnations pénales étaient liées à des affaires environnementales, la plupart du temps sanctionnées par des amendes.

En outre, les statistiques du ministère de la Justice, publiées en avril 2021, mettent en évidence que "seulement 16 % des auteurs d’atteintes à l’environnement faisaient l’objet de poursuites devant les tribunaux" [3].

L’examen de ces données met en évidence un déséquilibre marqué entre l’affirmation de principes robustes en matière de protection environnementale d’une part, et la faible intensité de la répression d’autre part. Il est manifeste que les actes de pollution demeurent peu ou pas sanctionnés, et même lorsqu’ils le sont, les sanctions légères ne suscitent guère d’incitation au changement de comportement. Le rapport de l’Inspection générale de l’environnement de 2005 apportait des éclaircissements à cette situation : éclatement et absence de coordination des divers corps de police impliqués, absence de priorités édictées par l’État, faible activité judiciaire dans ce domaine en raison notamment de la complexité du droit de l’environnement et du manque de temps pour traiter les infractions environnementales, et autres facteurs.

C’est dans ce contexte de faiblesse dans l’exercice de la répression que se présente la notion de transaction. En matière environnementale, la transaction pénale peut être définie comme un instrument juridique permettant de négocier avec l’Administration afin d’éviter les poursuites pénales prévues par la loi.

Historiquement, la transaction pénale a trouvé son application privilégiée dans les domaines relevant du patrimoine et du monopole de l’État, tels que les impôts, les douanes, les ressources forestières et les voies publiques. Dans ces domaines, les enjeux concernent davantage la préservation du patrimoine de l’État que des atteintes à l’ordre social [4].

Cette perspective pourrait expliquer pourquoi la loi du 30 décembre 2006 a limité la transaction pénale "environnementale" aux infractions commises dans le domaine de l’eau, de la pêche et au sein des parcs nationaux.

Toutefois, l’ordonnance du 11 janvier 2012, en vigueur depuis le 1er juillet 2013 et accompagnée d’un décret d’application, prévoit d’étendre cette possibilité à l’ensemble des infractions environnementales, y compris celles liées à la gestion des déchets et aux installations classées [5].

En effet, l’article L173-12 du Code de l’environnement stipule :

« L’autorité administrative peut [...] conclure des transactions avec les personnes physiques et morales pour la répression des contraventions et délits prévus et réprimés par le présent code ».

Ainsi, même les personnes morales peuvent recourir à cette alternative au système judiciaire. Cependant, alors que le législateur cherche à exclure les crimes environnementaux, il a également écarté, via l’article 529 du Code de procédure pénale, les "contraventions des quatre premières classes" qui donnent lieu à une amende forfaitaire. Par conséquent, la possibilité de la transaction pénale se limite aux contraventions de cinquième classe et aux délits environnementaux.
Face à cette logique, il se pose la question de la manière dont l’outil transactionnel doit être employé, dans quelle mesure et pour quelles infractions.
Afin d’apporter des éléments de réponse à cette question, il convient d’examiner le dispositif normatif et procédural, y compris le paiement d’une amende transactionnelle et sa mise en œuvre (I), avant d’analyser, par la suite, son aspect fonctionnel et opérationnel (II).

I. Dispositif normatif et procédural de la transaction pénale environnementale.

Pour mieux comprendre l’utilisation de la transaction pénale en matière environnementale, il est essentiel de se pencher sur son cadre normatif et procédural, ainsi que sur la mise en place pratique du paiement d’une amende transactionnelle.

A. Le cadre normatif.

Le développement de la transaction pénale répond à la vision exprimée par Renaud Denoix de Saint-Marc dans son cours sur « Le service public de la justice judiciaire » à l’Institut d’études politiques de Paris en 1983. Cependant, pour pouvoir conclure une transaction, il faut « avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction », comme le précise l’article 2045 du Code civil. C’est pourquoi, en principe, la possibilité de transiger sur des questions d’ordre public est limitée. Le principe de l’indisponibilité de l’action publique entrave ainsi l’utilisation de la transaction en matière pénale. Néanmoins, une exception à ce principe existe.

L’article 6 du Code de procédure pénale stipule :

« L’action publique pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale et la chose jugée », précisant également que : « elle peut, en outre, s’éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément [...] ».

Cette forme d’« extinction négociée de l’action publique », selon les termes d’Eric Gherardi, offre de multiples avantages. En tant que voie intermédiaire entre la poursuite pénale et le classement sans suite, elle se révèle adaptée à diverses contraventions et délits mineurs. La procédure de transaction, efficiente et économique, présentait plusieurs avantages : elle allégeait la charge des tribunaux, réduisait le nombre de classements sans suite, et permettait d’accompagner le paiement de l’amende transactionnelle de mesures visant à prévenir la répétition des dommages. En outre, l’implication du procureur dans le processus transactionnel évitait le secret qui pouvait entourer l’affaire [6].

L’article L173-12 du Code de l’environnement stipule que l’autorité administrative a la possibilité de recourir à la transaction :

« tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement ».

Il précise également que :

« la transaction proposée par l’Administration et acceptée par l’auteur de l’infraction doit être homologuée par le procureur de la République ».

Lorsque survient la commission de faits pouvant entraîner des poursuites pénales, une démarche de transaction est souvent entreprise, offerte par une autorité administrative à l’auteur des faits en question. Il est à noter que l’accord du procureur de la République est nécessaire pour valider cette transaction. Après des négociations entre les parties, un arrangement transactionnel est formalisé, impliquant des mesures spécifiques que le transigeant accepte de mettre en œuvre pour réparer les actes litigieux. L’aspect judiciaire de ce processus intervient lors de l’approbation de cet accord par le procureur de la République. L’exécution de la transaction conclue aboutit finalement à l’extinction de l’action publique.

Cependant, en cas de refus de cette proposition, la voie pénale conventionnelle est alors mise en œuvre. Conformément au texte de loi, l’acceptation de la proposition de transaction par le procureur interrompt la prescription de l’action publique. Cette prescription n’est éteinte que lorsque le contrevenant a satisfait intégralement aux obligations résultant de l’acceptation de la transaction, dans les délais impartis.

La Cour de cassation a établi une position constante à ce sujet, considérant que la transaction peut être valide tant qu’aucune décision ayant force de chose jugée n’a été prononcée.
Sa jurisprudence affirme que :

« la transaction intervenue avant que les poursuites aient aboutie à une condamnation définitive a pour effet d’éteindre l’action publique et s’oppose à l’exécution des peines prononcées, quelle qu’en soit la nature » [7].‬

La transaction pénale agit comme une alternative à la répression pénale. Il convient de noter que la possibilité d’y recourir ne devrait pas être limitée uniquement aux cas où l’action publique n’a pas encore été initiée. Cependant, certaines réserves ont été émises par la doctrine concernant certains aspects de cette procédure.

En effet, l’article L173-12 du Code de l’environnement prévoit que :

« la proposition de transaction est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges ».

B. La solution financière : paiement de l’amende transactionnelle.

Par le biais de cette approche de traitement extrajudiciaire des infractions, les auteurs d’atteintes à l’environnement peuvent mettre un terme à l’action publique. Régie par les articles 529 à 529-2 et 530 à 530-3 du Code de procédure pénale, cette procédure s’applique notamment aux contraventions des quatre premières classes, notamment en cas d’infractions survenant dans les parcs nationaux et les réserves naturelles [8].

Récemment, la loi climat et résilience de 2021 cherche à améliorer le régime des sanctions en cas de préjudices portés à la santé, à la sécurité des individus ou à la détérioration substantielle de la faune, de la flore, de la qualité de l’air, etc. Par exemple, elle modifie l’article L173-3 du Code de l’environnement pour porter l’amende sanctionnant les atteintes à la qualité de l’air et d’autres éléments environnementaux à cinq ans d’emprisonnement et un million d’euros. En ce qui concerne les émissions dans l’air, cette disposition ne peut être appliquée que dans le cas de dépassement des valeurs réglementaires [9].

Cependant, de nombreux rapports publics préconisent aujourd’hui un renforcement des sanctions dans ce domaine et démontrent que les peines prévues sont déjà relativement sévères.
Par exemple, C. Lepage soutient que dans le cadre de la loi visant à lutter contre le dérèglement climatique et à renforcer la résilience face à ses effets, les conditions rigoureuses énoncées pour caractériser le délit d’écocide ne permettent même pas de respecter les obligations européennes datant de 2008 en matière de droit pénal de l’environnement [10].

De plus, l’avis adopté le 4 février 2021 par le Conseil d’État relève que :

« Le projet de loi climat et résilience ne garantit pas (...) une répression cohérente, graduée et proportionnée des atteintes graves et durables à l’environnement en fonction de l’existence ou non d’une intention ».

En outre, l’insuffisance de la répression ne peut être attribuée uniquement aux sanctions parfois peu contraignantes qui peuvent être appliquées. Il est donc nécessaire d’examiner d’autres sources de cette insuffisance. Le manque de contrôle, déjà évoqué, découle en grande partie du déficit de moyens, contribuant ainsi à la faiblesse des mesures de répression dans le domaine des atteintes à l’air. Cependant, ce constat résulte également de l’institutionnalisation de choix politiques en matière environnementale. Par exemple, l’utilisation généralisée des procédures de transaction pénale environnementale établies par le décret n° 2014-368 du 24 mars 2014. Ces procédures permettent au Procureur de la République de les proposer aux auteurs présumés de délits environnementaux, en tant qu’alternative aux poursuites.

La transaction pénale met fin de manière définitive à l’action publique et empêche ainsi toute reprise des poursuites en cas de récidive ou de découverte de nouveaux éléments pouvant modifier l’appréciation des faits, tels qu’une aggravation des dommages ou l’apparition d’un plaignant.

C’est pourquoi la circulaire du 21 avril 2015 concernant les orientations de la politique pénale en matière d’atteintes à l’environnement précise que :

« le recours à cette procédure doit donc être réservé aux infractions de faible gravité, et exclu lorsque les faits ont été commis de façon manifestement délibérée, ont été réitérés, ou ont causé des dommages importants à l’environnement ou à des victimes. De même, il doit être écarté lorsque des victimes ont porté plainte et ont demandé réparation d’un préjudice ».

De plus, il semble que la transaction ne soit pas perçue comme un outil visant principalement ou même accessoirement à réparer le préjudice environnemental. Ce constat, sévère, résulte notamment des directives formulées par cette circulaire du 21 avril 2015, soulignant que le recours à la transaction « doit être réservé aux infractions de faible gravité… ».

Il est évident que contrairement à l’approche plus large adoptée par l’ordonnance de 2012, la perception de la circulaire de 2015 tend à restreindre l’utilisation de la transaction aux infractions de moindre gravité et aux préjudices peu importants.

Ainsi, bien qu’étant un instrument de réparation du préjudice environnemental, la transaction est envisagée pour des dommages de faible envergure. Si la transaction représente une option alternative, elle est fréquemment employée pour des infractions de moindre importance [11]. En effet, concernant la question de savoir si les mesures prises dans le cadre de la transaction constituent des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, la réponse penche plutôt du côté positif. Ces sanctions transactionnelles se révèlent efficaces car elles fournissent une réponse répressive à l’infraction. De plus, elles sont proportionnées grâce au choix préalable d’une amende transactionnelle.

II. Analyse de l’aspect fonctionnel et opérationnel de la transaction pénale.

Une analyse approfondie de l’aspect fonctionnel et opérationnel de la transaction pénale s’avère nécessaire pour évaluer son efficacité en tant qu’alternative à la répression pénale.

A. Contraintes et limitations de l’amende comme sanction.

La pratique de la transaction pénale environnementale a émergé avec l’intention de fournir une alternative à la répression judiciaire. Cependant, la sanction principalement employée dans ce contexte est l’amende. Cette approche suscite des questions, car l’amende transactionnelle ne peut dépasser un tiers du montant de l’amende encourue en cas de poursuite. Malgré cela, l’Administration peut assortir la transaction d’obligations visant à mettre fin à l’infraction, prévenir sa répétition, réparer les dommages ou rétablir la conformité [12].

Cependant, il est important de noter que contrairement aux juridictions pénales, l’Administration ne peut pas imposer de peines complémentaires. Cet aspect a été souligné par le Conseil d’État, qui a exprimé son désaccord quant à la généralisation de la transaction pénale pour des infractions potentiellement graves. Cette position découle de la directive de 2008 sur la protection de l’environnement par le droit pénal, qui exige des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, ce qui pourrait ne pas être pleinement réalisé à travers la transaction pénale généralisée.

En pratique, le montant de la transaction reste déterminé en fonction des dispositions de l’article 131-38 du Code pénal. Pour les personnes morales, ce montant ne peut dépasser 20 % du montant total de l’amende encourue. L’autorité administrative peut toutefois contraindre l’auteur de l’infraction à réparer les dommages causés. De plus, la proposition de transaction doit obligatoirement inclure des mesures pour mettre fin à l’infraction et prévenir sa répétition. L’autorité administrative détermine les délais impartis pour exécuter
ces mesures nécessaires, telles que la réparation des dommages subis par les milieux aquatiques.

Ces mesures peuvent également impliquer la satisfaction d’autres dispositions réglementaires, telles que la soumission d’un dossier dans un délai déterminé ou le respect de prescriptions spécifiques dans un délai donné. En outre, la transaction peut inclure des mesures visant à empêcher la récurrence des actes (par exemple, la mise en conformité d’une station d’épuration) ou à restaurer le site (retrait d’une utilisation ou d’un remblai illégal, etc.). Par ailleurs, la transaction pénale n’empêche pas un tiers ayant subi un préjudice résultant de l’infraction d’entamer une action civile contre la partie ayant transigé, bien que cela n’ait aucune incidence sur cette action civile.

Déjà en 1998, un rapport de la Commission des lois du Sénat soulignait que :

« les critiques formulées contre la transaction concernaient en particulier le sort de la victime et le risque de porter atteinte à la force de la sanction pénale en donnant le sentiment que l’impunité peut être achetée » [13].

Le respect de l’obligation de réparation des préjudices subis par d’éventuelles victimes ne doit pas entraver le déroulement de la procédure transactionnelle. En effet, l’indemnisation des victimes ne constitue ni une condition préalable ni un prérequis pour engager cette démarche. Il incombe aux parties lésées d’exiger des auteurs d’infractions la réparation de leur préjudice en présentant des éléments permettant d’évaluer l’étendue des dommages ou en déposant une demande de réparation devant les instances civiles. La procédure de transaction pénale est exclusive de l’action publique.

En outre, l’auteur de l’infraction peut être tenu de couvrir les frais d’analyse. Les prélèvements effectués sont essentiels pour rassembler les preuves nécessaires à l’établissement des éléments matériels de certaines infractions, notamment le délit de pollution. Les frais d’analyse correspondants doivent être considérés comme faisant partie intégrante des coûts globaux de la mission de police judiciaire et ne peuvent être réclamés au contrevenant dans le cadre de la procédure transactionnelle.

B. Voies de recours et modalités de mise en oeuvre.

La transaction, dans un cadre formel, représente un accord entre plusieurs parties, et restreindre les possibilités de recours dans une démocratie serait paradoxal.
Il est crucial de distinguer les différentes phases de la procédure :

Première étape : l’offre de transaction. La jurisprudence établit que cette offre constitue une décision administrative distincte de la procédure judiciaire de répression des infractions, susceptible d’être contestée via un recours pour excès de pouvoir.

Une autre étape, postérieure à la conclusion de la transaction, est également sujette à des recours : l’exécution des engagements pris. En cas d’exécution sans contestation, aucun problème ne se pose. Toutefois, il n’est pas exclu qu’un litige puisse surgir concernant la réalisation effective des mesures convenues. En cas de litige, celui-ci serait traité par le juge pénal saisi après l’engagement des poursuites.
Le transigeant pourrait invoquer l’« exception de transaction », affirmant que l’action publique est éteinte du fait de l’exécution correcte de ses engagements. En outre, le contrevenant pourrait faire valoir des motifs de nullité inhérents aux droits communs, tels que l’erreur, le dol ou la violence, pour contester la validité de l’accord transactionnel.

Le décret n° 2014-368 du 24 mars 2014 énonce les modalités de mise en œuvre de la transaction.

Face à un recours contre ce décret, le Conseil d’État avait au préalable soumis une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, afin de déterminer si la procédure de transaction pénale en matière environnementale pouvait être considérée comme une « sanction ayant le caractère d’une punition » [14].

Le Conseil constitutionnel a exposé en quoi ce dispositif transactionnel ne revêtait pas le caractère d’une punition, ce qui a permis de valider les principes en jeu.
Selon le Conseil, la transaction implique « l’accord libre et non équivoque de l’auteur des faits, avec éventuellement l’assistance de son avocat ». Une fois homologuée, elle n’a « en elle-même aucun caractère exécutoire et n’entraîne aucune privation ou restriction des droits de l’intéressé », car elle doit être exécutée volontairement par celui-ci.

Par ailleurs, la transaction ne bloque pas le droit des victimes de rechercher la réparation de leur préjudice devant les juridictions civiles, ou encore devant les juridictions pénales dans le délai de prescription de l’action publique. En outre, du fait que la transaction signifie que l’Administration renonce à poursuivre l’auteur de l’infraction, il n’y a pas de cumul entre l’amende transactionnelle et la sanction administrative.

Enfin, en cas de non-respect de l’ensemble des mesures énoncées dans la transaction homologuée, l’autorité administrative conserve la possibilité de saisir le procureur de la République afin de solliciter l’engagement de l’action publique [15].

Concernant les autres arguments soulevés par l’association requérante, le Conseil d’État confirme de manière définitive la légalité du décret du 24 mars 2014. Il met en évidence que ce décret ne contrevient pas aux objectifs établis par la directive CE nº 2008/99 du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal, compte tenu de la nature et des caractéristiques de la transaction pénale. De plus, il précise que ce décret respecte également les intentions de la directive UE nº 2012/13 du 22 mai 2012 concernant l’information au sein des procédures pénales, en considération du statut d’alternative aux poursuites de la transaction pénale et des garanties encadrant son élaboration. Cet arrêt, qui confirme de manière irrévocable la légalité de la procédure de transaction pénale en matière environnementale, résonne en écho avec la circulaire du 21 avril 2015 qui définit les orientations de la politique pénale en matière d’atteintes à l’environnement.

Conclusion : En fin de compte, la transaction pénale environnementale se profile comme une alternative perçue par divers intervenants comme une mesure d’assouplissement du droit pénal de l’environnement, un domaine où les mesures répressives actuellement en vigueur sont souvent jugées insuffisantes.

Toutefois, cette approche présente l’avantage indéniable de réduire considérablement les sanctions pour certaines infractions environnementales. Il convient également de noter que le caractère confidentiel de la transaction pénale, offert aux auteurs d’infractions, pourrait atténuer considérablement l’effet dissuasif du droit pénal. Étant donné que les poursuites pénales peuvent avoir des répercussions préjudiciables sur la réputation des individus ou des entités, ces derniers optent souvent en faveur d’une transaction discrète.

Cette approche soulève des interrogations quant à l’efficacité globale de la répression pénale dans le domaine environnemental. Alors que la transaction pénale peut jouer un rôle positif en encourageant la résolution rapide et discrète des infractions mineures, elle doit être abordée avec précaution afin de garantir que les atteintes environnementales graves ne soient pas négligées. En définitive, la transaction pénale environnementale incarne un nouvel équilibre entre répression et prévention, posant ainsi les bases d’une réflexion continue sur l’évolution du droit pénal de l’environnement.

Mots-Clés : Transaction environnementale, droit pénal de l’environnement, renonciation à poursuivre, politiques environnementales, médiation, protection de l’environnement.

Références :

Amadou Diallo Doctorant en droit [->amadiallo20@yahoo.fr]

[1Fitzgerald, G. F. (1980). Le Canada et le développement du droit international : La contribution de l’Affaire de la fonderie de Trail à la formation du nouveau droit de la pollution atmosphérique transfrontière. Études internationales, 11(3), 393–419. https://doi.org/10.7202/701072ar.

[2Les atteintes à l’environnement enregistré par la police et la gendarmerie entre 2016 et 2021. 18 mai 2022.

[3Ministère de la Justice., Le traitement du contentieux de l’environnement par la justice pénale entre 2015 et 2019. avril 2021.

[4J. –B. Perrier, Le regard français sur la transaction environnementale, Énergie-env-Infrastr. 2016, dossier 20.

[5Rec. Dalloz 2014, p. 998. – P.-E. Bouchez, La possibilité de transaction pénale élargie à l’ensemble des infractions environnementales, actu-environnement.com, 27 mars 2014.

[6D. n° 2015-282, 11 mars 2015, sur les modes alternatifs de résolutions des conflits, publié au Journal Officiel du 14 mars 2015.

[7Cass. crim., févr. 1956, Bull. crim., n° 154 ; 3 oct. 1957, Bull. crim., n° 602 ; V, aussi, pour une transaction intervenue pendant l’instance‭‬ en cassation, Cass. crim., 12 févr. 1990, Bull. crim., n° 72.

[8C. env., art. L. 332-25.

[9Article 231-1 du Code de l’environnement issu de la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

[10Par exemple, C. Lepage estime que dans le cadre de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, “les conditions drastiques mises à la réalisation de (délit d’écocide) ne permettent même pas de respecter les obligations européennes datant de 2008 en termes de droit pénal de l’environnement. Article publié sur Dalloze Actualité, 17 février 2021.

[11M. Thomas., La pratique de la transaction en matière environnementale : AJ Pénal, 2015, p. 473.

[12Article L. 216-14 Code de l’environnement.

[13Fauchon, Alternatives aux poursuites, renfort de l’efficacité de la procédure pénale et délégation aux greffiers des attributions dévolues par la loi aux greffiers en chef : Rapp. de la Com. des lois, Sénat, 1998.

[14CE, 27 juin 2014, nº 380652.

[15Cons. const. QPC, 26 sept. 2014, nº 2014-416.