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Le jugement d’ouverture du redressement judiciaire interdit toute action en justice des créanciers. Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : mardi 18 octobre 2022
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10.000 entreprises ont mis la clé sous la porte.
Le niveau de défaillance est de + 69% sur un an, un taux jamais observé en 25 ans.
Une hausse record.
L’explosion des défaillances de sociétés françaises constatées sur les 12 derniers mois représentent 10.000 dossiers supplémentaires en cessation de paiement en 1 an + 34%.
La situation se détériore et le nombre de défaillance augmente très vite.

Les difficultés se propagent et n’épargnent pas les PME et les moyennes entreprises.

De nombreux bailleurs ont introduit des actions avant la mise en redressement judiciaire de l’entreprise locataire en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers échus antérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire.

Le bailleur peut-il faire constater la résiliation du bail pour des causes financières antérieures au jugement d’ouverture ?

1°- En droit, l’ouverture du redressement judiciaire rend caduque l’ordonnance de référé rendu.

L’article L622-21 du Code de Commerce dispose que :

« Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L622-7 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent
 ».

Il arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.

Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.

Sur la base de ces dispositions, l’ouverture du redressement judiciaire de rend caduque l’ordonnance de référé rendue.

Le bailleur ne peut donc faire constater la résiliation du bail pour des causes financières antérieures au jugement d’ouverture dés lors que l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective n’a donné lieu, à la date du jugement d’ouverture qu’à une ordonnance de référé frappée d’appel.

2°- Une instance de référé n’étant pas une instance en cours au sens de l’article L622-21 du Code de commerce, elle ne peut donc faire l’objet d’une reprise conformément à l’article L622-22 du Code de Commerce.

Postérieurement dès lors qu’elle n’a donné lieu, à la date du jugement d’ouverture, qu’à une ordonnance de référé frappée d’appel qui n’est donc pas passée en force de chose jugée, le bailleur ne pouvant faire constater la résiliation du bail pour des causes financières antérieures au jugement d’ouverture, il en résulte que la décision déférée, doit être déclarée caduque en ce qu’elle a constaté la résiliation du bail, ordonné l’expulsion du locataire et condamné celui-ci au paiement d’une indemnité d’occupation.

Il n’entre pas davantage dans les pouvoirs du juge des référés et, partant, dans ceux de la cour d’appel statuant dans le cadre de l’appel d’une ordonnance de référé, de fixer et d’admettre une créance à titre provisionnel, cette modalité étant exclusivement réservée aux créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale en application de l’article L622-24 du Code de commerce.

Il appartient au bailleur de se soumettre à la procédure de vérification des créances, celui-ci justifiant d’ailleurs avoir déclaré sa créance, la fixation et l’admission de sa créance ressortant désormais à la compétence du juge-commissaire.

Il ressort à la seule compétence du juge du fond de statuer sur les manquements éventuels du bailleur à son obligation de délivrance.

En conséquence, l’ordonnance de référé rendue dont appel sera infirmée et il sera jugé que par l’effet du jugement d’ouverture, la Cour est dessaisie du litige qui avait été porté devant la juridiction des référés qui n’a plus pouvoir de statuer, une instance de référé ne constituant pas une instance au sens des articles L622-21 et L622- 22 du Code de Commerce.

Le bailleur sera donc déclaré irrecevable en sa demande dès lors qu’au jour de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, l’ordonnance de référé constatant l’acquisition de la clause résolutoire était frappée d’appel, l’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement de loyers antérieurs à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire n’a pas encore été constatée par une décision passée en force de chose jugée conformément aux dispositions de l’article L145-41 du Code de commerce, de sorte que le bailleur ne peut plus poursuivre l’action antérieurement engagée, ce qu’interdisent les dispositions de l’article L622-21 paragraphe I, 2º, et peu important que l’ordonnance de référé soit exécutoire à titre provisoire.

Sur la base de ces dispositions, l’ouverture du redressement judiciaire rend caduque l’ordonnance de référé rendue.

Notes.

1. Arrêt Cour d’Appel de Paris Pôle 1 Chambre 3 du 10 février 2021 - RG 20/08648.
2. Arrêt Cour d’Appel d’Aix En Provence du 14 novembre 2014 - RG 12/14758.
3. Arrêt Cour d’Appel de Rouen du 18 mai 2017 - RG 16/01640.
4. Arrêt Cour d’Appel de Toulouse 3ème Chambre du 28 juin 2016 - RG 16/01066.
5. Arrêt Cour d’Appel de Toulouse 3ème Chambre du 15 juin 2017 - RG 17/01030.

Benoit Henry, Avocat Spécialiste de la Procédure d'Appel [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau Récamier Membre de Gemme-Médiation https://www.facebook.com/ReseauRecamier/