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Liquidation judiciaire : ne pas coopérer aux opérations de la procédure ne justifie pas une condamnation à combler le passif. Par Natal Yitcko, Avocat.
Parution : jeudi 27 octobre 2022
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Le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire ne pouvant être condamné à combler le passif que pour des fautes antérieures à l’ouverture de la procédure collective, il ne peut pas l’être pour n’avoir pas coopéré avec les organes de cette procédure [1].

Pour rappel, le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter l’insuffisance d’actif de la société s’il a commis une ou plusieurs fautes de gestion y ayant contribué [2].

Toutefois, la faute de gestion doit avoir été commise avant l’ouverture de la liquidation judiciaire.

Dans cette affaire, une SARL spécialisée dans le commerce d’œuvres d’art et de bijoux est placée en liquidation judiciaire après que son gérant et associé unique a déclaré la cessation des paiements. Reprochant notamment à ce dernier de ne pas avoir coopéré aux opérations de la procédure collective, le liquidateur le poursuit en responsabilité pour insuffisance d’actif.

La Cour d’appel de Paris rejette la demande du liquidateur et rappelle que : le défaut de coopération avec les organes de la procédure collective étant nécessairement postérieur au jugement d’ouverture de cette procédure, il ne peut pas constituer une faute de gestion donnant lieu à responsabilité pour insuffisance d’actif.

La Cour d’appel ajoute que le liquidateur, qui entendait en réalité stigmatiser les manquements du gérant dans la disparition des actifs de la société avant sa mise en liquidation judiciaire, ne démontrait aucune faute de gestion en ce sens. En effet, la cession du droit au bail opérée avant l’ouverture de la procédure par le gérant, dont il n’était pas établi qu’il en avait personnellement tiré profit, avait permis d’apurer une partie du passif de la société. Par ailleurs, le fait que le stock de la société avait, après cette cession, été entreposé dans les locaux d’une société tierce et vendu par elle pour non-paiement des factures de location de ces locaux par le gérant ne pouvait pas être imputé à ce dernier, qui s’était vivement opposé à cette vente.

Ceci n’apparaît de prime abord guère étonnant car l’arrêt de la Cour d’Appel s’inscrit dans le droit fil de plusieurs jurisprudences rendues par la Cour de cassation qui rappelaient déjà que : la responsabilité pour insuffisance d’actif des dirigeants ne peut concerner que leur gestion antérieure au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire [3]. Elle peut être engagée à raison des fautes commises entre l’ouverture du redressement et celle de la liquidation judiciaire qui lui a succédé [4].

En revanche, il convient néanmoins de rappeler que se fondant sur les articles L653-5, 5° et L653-8 du Code de Commerce, L’absence de coopération avec les organes de la liquidation peut justifier le prononcé contre un dirigeant de société d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer, si le liquidateur prouve que cette absence est volontaire et qu’elle fait obstacle au bon déroulement de la procédure.

Natal Yitcko, Avocat Associé Selarl Chatel Barreau de Paris https://www.cabinetchatel.fr

[1CA Paris 8-7-2022 n° 20/04670.

[2C. com. art. L651-2.

[3Cf. Cass. com. 28-2-1995 n° 92-18.572 D : RJDA 5/95 n° 651 ; Cass. com. 14-3-2000 n° 97-17.753 P : RJDA 7-8/00 n° 788 ; Cass. com. 29-11-2016 n° 15-10.466 F-D : RJDA 2/17 n° 104.

[4Cass. com. 22-1-2020 n° 18-17.030 F-PB : RJDA 4/20 n° 231.