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Les violences conjugales et l’ordonnance de protection. Par Caroline Elkouby Salomon, Avocat.
Parution : jeudi 27 octobre 2022
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Lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ex-conjoint mettent en danger la personne qui en est victime ou un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut alors délivrer en urgence une ordonnance de protection afin de leur garantir une protection.

Dans quels cas ?

Toutes les violences qu’elles soient physiques, psychologiques, sexuelles, économiques, administratives sont visées. On examinera leur gravité et leur réitération.

Tous les enfants issus ou non du couple sont protégés.

Les violences sont prises en compte au sein de tous les couples : avec ou sans cohabitation ; mariés, pacsés ou vivant en concubinage ; actuels ou séparés.

Comment montrer qu’il existe des violences conjugales qui rendent indispensables une protection ?

Attention seule la vraisemblance des faits de violences doit être prouvée : c’est donc par un faisceau d’éléments que le juge va considérer que les violences sont « vraisemblables ».

Cette exigence de vraisemblance allège la charge de la preuve pour la victime.

Ce faisceau d’indice ou d’éléments peut être constitué de procès-verbaux de plainte (mais ce n’est pas obligatoire), mains-courantes, certificats médicaux, arrêts de travail, bulletins d’hospitalisation, interventions des pompiers ou des forces de l’ordre, témoignages de proches ou personnes ayant assisté à des scènes de violences ou constaté des séquelles, sms, emails, photos, vidéos etc.

Il faudra aussi prouver qu’il existe un « danger actuel et certain » : il ne doit pas être ancien ou hypothétique. Il peut notamment être prouvé par la réitération passée ou possible des violences, des risques avérés de représailles ou de pressions psychologiques. A titre d’exemple, il a été considéré que dès lors que le couple ou les ex-conjoints se sont séparés après les faits de violence et que depuis aucun incident n’est survenu, le danger n’est plus actuel.

Quelle procédure ?

Le juge est saisi par le conjoint ou l’ex-conjoint victime de violences, (ou avec son accord par le ministère public c’est assez rare dans les faits) par une requête remise au greffe.

Dès réception de la demande, le juge rend, sans délai, une ordonnance fixant la date de l’audience.

Le juge doit statuer dans les 6 jours à compter de la fixation de la date d’audience.

C’est donc une procédure très rapide.

Lors de l’audience, il sera possible de demander au juge aux affaires familiales la mise en place d’un bracelet anti-rapprochement. Toutefois l’auteur des violences devra donner son accord.

Le juge délivre une ordonnance de protection « s’il estime qu’il existe des raisons sérieuses de considérer que sont vraisemblables les faits de violence allégués et la situation de danger de la victime ou d’un ou plusieurs enfants » [1].

Si le juge estime qu’il n’y a pas lieu à une ordonnance de protection, il peut, si l’urgence le justifie et si une des parties en fait la demande, renvoyer les parties à une audience pour qu’il soit statué au fond sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. Il est très important de faire cette demande au juge pour éviter de se retrouver sans mesures pour les enfants en cas de rejet de protection.

Quelles mesures peuvent alors être ordonnées ?

Le juge ordonnera, pour une durée de 6 mois, des mesures de protection de type éloignement et des mesures destinées à assurer la subsistance et la résidence du conjoint, et des enfants le cas échéant. Il règlera aussi les questions relatives au droit de visite du conjoint violent à l’égard des enfants du couple.

L’intégralité des mesures qu’il peut prendre sont limitativement énoncées par l’article 515-11 du Code civil, à savoir :

- 1° Interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

- 1° bis Interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge aux affaires familiales dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse ;

- 2° Interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme ; Lorsque l’ordonnance de protection édicte la mesure prévue au 1°, la décision de ne pas interdire la détention ou le port d’arme est spécialement motivée ;

- 2° bis Ordonner à la partie défenderesse de remettre au service de police ou de gendarmerie le plus proche du lieu de son domicile les armes dont elle est détentrice ;

- 2° ter Proposer à la partie défenderesse une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes. En cas de refus de la partie défenderesse, le juge aux affaires familiales en avise immédiatement le procureur de la République ;

- 3° Statuer sur la résidence séparée des époux. La jouissance du logement conjugal est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences, et ce même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du conjoint violent ;

- 4° Se prononcer sur le logement commun de partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou de concubins. La jouissance du logement commun est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences, et ce même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du partenaire ou concubin violent ;

- 5° Se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et, au sens de l’article 373-2-9, sur les modalités du droit de visite et d’hébergement, ainsi que, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ; Lorsque l’ordonnance de protection édicte la mesure prévue au 1° du présent article, la décision de ne pas ordonner l’exercice du droit de visite dans un espace de rencontre désigné ou en présence d’un tiers de confiance est spécialement motivée ;

- 6° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie. Si, pour les besoins de l’exécution d’une décision de justice, l’huissier chargé de cette exécution doit avoir connaissance de l’adresse de cette personne, celle-ci lui est communiquée, sans qu’il puisse la révéler à son mandant ;

- 6° bis Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée ;

- 7° Prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle des deux parties ou de l’une d’elles en application du premier alinéa de l’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Le juge aux affaires familiales peut à tout moment modifier, supprimer ou ajouter des mesures ou encore suspendre temporairement certaines obligations faites au conjoint violent.

La durée des mesures de l’ordonnance de protection est de 6 mois. L’application des mesures de protection peut être prolongée au-delà de 6 mois, si durant ce délai, a été déposée une demande en divorce ou une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale.

Caroline Elkouby Salomon Avocat au Barreau de Paris Spécialisée en droit de la famille, des personnes et du patrimoine Associée du cabinet BES Avocats www.bes-avocats.com

[1Article 515-11 du Code civil.