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Vers l’extension de la taxation sur les résidences secondaires. Par Jacques Gobert, Avocat et Frédéric Ponsot, Elève-avocat.
Parution : mercredi 26 octobre 2022
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Un amendement en discussion à l’Assemblée Nationale dans le cadre du vote de la loi de finances 2023 fait polémique parmi les propriétaires : il est envisagé d’étendre la possibilité de mettre en place une surtaxe de presque 60% sur les résidences secondaires dans un nombre plus important de communes. Néanmoins, cette hausse n’est pourtant pas inéluctable et des voies de droit existent.

Dans la version de la loi de finances 2023, un amendement déposé devant l’Assemblée Nationale le 7 octobre 2022 par environ 170 députés retient particulièrement l’attention des propriétaires : il vise à étendre la taxation sur les résidences secondaires dans plus de 4 000 communes.

Par cette mesure fiscale, le législateur souhaite inciter les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché immobilier, que ce soit à la location ou à la vente et d’augmenter par là même le nombre de logements disponibles, notamment dans les zones touristiques.
Certes la notion de « résidence secondaire » reste incertaine juridiquement [1] même si l’INSSE en donne la définition suivante : « logement utilisé pour des séjours de courte durée (week-ends, loisirs, ou vacances). Les logements meublés mis en location pour des séjours touristiques sont également classés en résidences secondaires ».

Actuellement, les résidences secondaires restant soumises à la taxe d’habitation, les maires de communes situées dans les zones tendues en déficit de logements, ont la possibilité de mettre en place une surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires et d’en porter le taux jusqu’à 60 %.

Ce dispositif concerne, pour l’instant, 1 140 communes, à l’image de la commune de Marseille qui, par délibération 21-37532 du 1er octobre 2021, a majoré de manière massive de 20% à 60% le taux de taxe d’habitation due au titre des logements meublés non affectés à la résidence principale :
« I. – Dans les communes classées dans les zones géographiques mentionnées au premier alinéa du I de l’article 232, le conseil municipal peut, par une délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A bis, majorer d’un pourcentage compris entre 5 % et 60 % la part lui revenant de la cotisation de taxe d’habitation due au titre des logements meublés non affectés à l’habitation principale » [2].

Or l’amendement litigieux, actuellement en discussion, va plus loin : il entend élargir ce dispositif de majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires aux communes qui connaissent difficultés d’accès au logement sans toutefois se situer dans une zone dite tendue. C’est par exemple le cas de certaines communes rurales très touristiques (notamment sur le littoral ou à la montagne), où les locaux ont des difficultés à se loger du fait de la pénurie de logements disponibles et de loyers trop élevés. Ces communes ne peuvent pas appliquer cette hausse puisque non situées en zone tendue.

C’est pourquoi l’amendement propose de modifier les critères définissant le périmètre des zones tendues et supprime la condition d’appartenance à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants. Cette réforme permettrait ainsi à plus de 5 000 communes de pouvoir taxer les logements vacants et de mettre en place la surtaxe sur les résidences secondaires.
Or les résultats d’une telle mesure sont mitigés, puisque comme le souligne par exemple le maire de Théoule-sur-Mer qui, bien d’ayant augmenté le taux de la taxe d’habitation à 40%, peu d’habitants sont passés en résidence principale.
En outre, cette hausse massive de la taxe d’habitation pesant sur les propriétaires de résidence secondaire semble injuste puisque la taxe d’habitation qui a pour objet de financer les services publics communaux, les dépenses sociales et scolaires, les équipements sportifs et culturels ainsi que l’entretien de la voirie, est payée par la catégorie de contribuables qui se servent dans une moindre mesure des services publics et des équipements publics de la commune où il ne réside pas forcément.

De plus, cette mesure s’ajoute aux nombreuses attaques contemporaines contre les propriétaires : encadrement des loyers, durcissement du diagnostic de performance énergétique, hausse de la taxe foncière…
Pour autant, cette hausse constante de la taxation sur les résidences secondaires n’est pas inéluctable.

Plusieurs voies de droit s’offrent aux propriétaires contribuables, parmi lesquelles l’exercice d’une question prioritaire de constitutionnalité afin de contester la constitutionnalité de cette hypothétique disposition législative au regard du droit de propriété ou encore le dépôt d’une demande de dégrèvement auprès de l’administration fiscale sur le fondement notamment de l’article 1407 ter du Code général des impôts.

SCP GOBERT ASSOCIES PION - JERVOLINO - BAYLOT - MORABITO Avocats Associés www.gobert-associes.fr Mail : [->fmorabito@gobert-associes.com] Tel : 04 91 54 73 51

[1Cour administrative d’appel de Paris, 5e ch, 22-02-2000, n° 97PA03520.

[2Article 1407 ter du Code général des impôts.