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Droit des sociétés : une convention peut-elle déroger aux statuts ? Par Natal Yitcko, Avocat.
Parution : vendredi 4 novembre 2022
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Après avoir rappelé par un arrêt du 9 mars 2022 (Cass.com 9 mars 2022-n°19-25.795) le principe selon lequel les modalités de révocation des dirigeants d’une SAS sont librement fixées par les statuts, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser par un arrêt du 12 octobre 2022 (Cass.com ; 12 octobre 2022-21-15.382 F-B) publié au Bulletin qu’en cas de révocation du directeur d’une SAS, ce dernier ne peut se prévaloir d’un acte extra-statutaire en contradiction avec les statuts de la société

Dans cette affaire, le directeur général d’une société par actions simplifiée à associé unique a assigné la société en paiement d’une indemnité pour révocation intervenue, selon lui, sans juste motif. Ainsi, il se prévalait de la décision de l’associé unique aux termes de laquelle il avait été nommé en qualité de directeur général et dans laquelle il était précisé que les modalités de sa rémunération et de sa collaboration avec la société seraient celles figurant dans un courrier lui ayant été adressé le même jour.

Ce courrier indiquait notamment « qu’en cas de révocation de ses fonctions sans juste motif, le directeur général bénéficierait d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de sa rémunération brute fixe ».

Or, ce courrier était en totale contradiction avec les statuts de la société qui prévoyaient que

« le directeur général pouvait être révoqué à tout moment et que la cessation, pour quelque cause que ce soit et qu’elle qu’en soit la forme de ses fonctions ne lui donnerait droit à aucune indemnité ».

Par un arrêt du 18 février 2021, la Cour d’Appel de Paris a rejeté la demande en paiement d’une indemnité du directeur général révoqué jugeant que la décision de l’associé unique et le courrier y afférent ne pouvaient déroger aux stipulations statutaires.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a validé cette décision de la Cour d’appel de Paris sur le fondement des articles L227-1 et L227-5 du Code de Commerce.

Elle précise qu’il résulte de la combinaison des articles L227-1 et L227-5 du Code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter les statuts, ils ne peuvent y déroger.

Par cet arrêt du 12 octobre 2022, la Cour de cassation confirme cette décision de la Cour d’appel de Paris en rappelant que la Cour d’appel qui constate que la convention de direction prévoyait, en cas de révocation pour juste motif, une indemnité forfaitaire égale à six mois de la rémunération brute fixe et que les statuts de la société stipulaient que « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l’associé unique » et que « la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit », en déduit exactement que le procès-verbal de l’associé unique du même jour, procédant à la nomination du directeur général, qui se référait à la convention pour les « modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société », n’a pu valablement déroger à cette disposition statutaire.

Pour certains, cette solution peut paraître sévère compte tenu des faits de l’espèce.

Néanmoins, il convient de rappeler qu’elle est parfaitement conforme à l’esprit du droit des sociétés et rappelle que dans le silence de la loi, seules les dispositions statutaires doivent définir les règles applicables à la société.

Cette décision souligne également combien l’efficacité d’un acte extra-statutaire ou d’une pratique sociétale dépend de sa conformité aux statuts : il est indispensable de toujours veiller à la conformité de tout acte ou pratique émanant de la société ou de ses associés avec les statuts.

Natal Yitcko Avocat au Barreau de Paris Société d'avocats Chatel et Associés [->avocats@cabinetchatel.fr]