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Séparation : comment préserver les enfants ? Par Barbara Régent, Avocat.
Parution : mercredi 16 novembre 2022
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Chaque année, la France compte 120 000 divorces, mais le nombre de séparations, chez le couples non mariés, est plus difficile à définir. La séparation, au sens large, a une incidence sur les enfants, car le monde tel qu’il avait été construit autour d’eux, s’effondre. L’enfant va alors devoir s’adapter à deux nouveaux modèles (celui de chacun de ses parents), à des tiers qu’il ne connait pas encore (un beau-parent, de nouveaux enfants, ou membres de la famille), à d’autres lieux de vie (logement, école, environnement, ville). Ce sont de grands bouleversements que de ne plus être « ensemble ».
Si on y ajoute des tensions entre les parents, une mauvaise ou une absence de communication, les conséquences sur l’enfant pourront être dramatiques, y compris sur sa construction d’adulte, de conjoint, de parent lui-même...
Comment l’éviter [1] ?

Le premier conseil qui peut être donné est de préparer sa séparation, de se faire aider de professionnels compétents (psychologues, thérapeutes, avocats formés aux modes amiables, spécialistes du couple et de la parentalité…).
Anticiper est l’une des clefs de l’apaisement futur.
Cela permet de prendre des avis éclairés pour aborder la question avec son conjoint, puis ensuite, d’une même voix, de l’annoncer ensemble à ses enfants.
La séparation n’est pas un évènement banal dans une famille et des paroles ou des attitudes, qui paraissent anodins sur le moment, ne le sont pas toujours, ni pour les enfants, ni pour les adultes.
Lorsque les mots sont posés et que la séparation est actée, comment préserver l’enfant de ses conséquences ? Comment faire en sorte qu’il puisse la vivre en demeurant à sa place d’enfant, à l’abri des préoccupations des parents ?

Voici quelques conseils sur le mode « do/don’t » que l’on peut suivre :

Ne pas :
- Prendre l’enfant pour témoin du comportement de l’un ou l’autre parent,
- Critiquer l’autre parent devant lui, y compris auprès de tiers,
- Donner à l’autre parent un surnom, le renommer (il reste « papa » ou « maman »),
- Prendre l’enfant comme confident de sa relation amoureuse ou de son intimité (ses sentiments ne sont pas ceux des adultes),
- Réécrire l’histoire familiale à l’éclairage de la séparation : avant la rupture, les parents ont construit un quotidien, fait des projets autour de l’enfant, se sont probablement aimés, c’était une réalité qui ne doit pas être transformée.

Mais au contraire :
- Le rassurer sur l’intangibilité de l’amour de ses parents,
- Respecter l’autre parent dans le discours tenu auprès de l’enfant (les désaccords de couple ne regardent que les adultes et jamais les enfants),
- Préserver son besoin d’être inscrit dans une filiation, dans deux branches familiales, son attachement à chacun, sa nécessité de grandir sereinement, de communiquer librement avec ses deux parents et son entourage,
- Maintenir une co-parentalité et un cap éducatif les plus équilibrés possible car on grandit mieux sur ses deux jambes que sont les deux piliers parentaux (Il peut, par exemple, être convenu d’une résidence alternée avec un rythme adapté à l’âge et aux nouvelles conditions de vie).

Bien sur cela peut paraître difficile à faire seul car la brutalité d’une séparation, la rancœur, la douleur peuvent obscurcir la pensée, pousser à vouloir faire du mal à l’autre, consciemment ou inconsciemment, au travers de l’enfant qui devient alors un arme de guerre, et non uniquement le sujet aimé qu’il doit demeurer.

Le couple doit être distingué de la parentalité.
Les questions d’argent, la procédure, la pension ne regardent pas l’enfant qui a droit d’être neutre, de vivre une enfance épargnée, loin de l’obligation de devoir « choisir un camp », d’être l’intermédiaire des préoccupations parentales, ou d’être séparé de l’affection de l’un deux pour de mauvaises raisons.

L’article 6 de la Déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959 dispose que :

« L’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, a besoin d’amour et de compréhension. Il doit, autant que possible, grandir sous la sauvegarde et sous la responsabilité de ses parents et, en tout état de cause, dans une atmosphère d’affection et de sécurité morale et matérielle ».

L’article 9 de la Convention relative aux droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 mentionne que :

« Les Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et
conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant
 ».

Il ne faut donc pas se laisser guider, par un avocat ou un tiers, vers des méthodes « agressives », un contentieux « conflictuel » et revanchard qui ne fait au final que des perdants.

L’article 6-1 du code de déontologie des avocats dit « RIN » les oblige à vous expliquer les possibilités offertes par les modes amiables de règlement des différends (MARD).
En effet, les MARD sont une approche préservant les individus, petits et grands, et permettant de bâtir, ensemble, des solutions « sur-mesure » adaptées à chaque famille. Parce qu’une séparation conflictuelle détruit, parfois durablement, la confiance, la sécurité, les finances, le patrimoine, la santé, la communication, les projets, mais avant tout, les enfants et les adultes, il est nécessaire de changer les méthodes.

Il ne s’agit plus aujourd’hui de raisonner en termes « d’adversaires », mais de rester ou de redevenir des coéquipiers de la parentalité, des bâtisseurs pour protéger les enfants qui subissent toujours les conséquences des tensions parentales.
Le conflit n’est pas une fatalité. Il existe des solutions pour faire autrement et il n’est jamais trop tard pour saisir un avocat formé aux modes amiables.

Barbara Régent, Avocate au Barreau de Paris, co-fondatrice de l’association "Avocats de la Paix" https://www.regentavocat.fr/

[1ici ne seront pas traités les cas particuliers de violence par exemple auxquels ces grands principes sont difficilement transposables