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[Réflexion personnelle] Le traitement des archives. Par Daniel Massrouf, Avocat.
Parution : samedi 26 novembre 2022
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Au bout de 20 ans d’exercice de la profession, j’avais stocké plus de deux tonnes d’archives dans une cave.
Dans une première partie, je vous raconterai, de façon “romancée”, les difficultés concrètes que cela a posé pour vous éviter, si cela est encore possible, de vous retrouver dans une situation similaire.
Je vous proposerai une méthode d’archivage “classique”, basée sur un ordre chrono-alphabétique, qui vous permettra d’élaguer vos archives tous les dix ans, voire, tous les cinq ans …
Le seul remède aux archives reste la dématérialisation.
Je vous expliquerai alors l’intérêt de tout scanner et la façon de procéder.

Au bout de 20 ans d’exercice de la profession, j’avais stocké plus de deux tonnes d’archives stockées dans la cave de la maison de ma mère, qui, ayant toujours eu le cœur sur la main, avait gentiment mis à ma disposition l’espace nécessaire pour le stockage.

Vint toutefois le moment où très légitimement elle me demandait si je ne pouvais pas les mettre ailleurs, car cela devenait pour le moins… Encombrant…

Je n’envisageais pas de les stocker dans un box, mais de les détruire pour plus de simplicité et d’économies...

La vue de toutes ces archives me donnait le vertige. Je jetais un coup d’œil sur différents dossiers, des souvenirs me revenaient…

Je me disais : “c’est pas possible d’avoir pu faire tout ce boulot”... Vingt ans de travail stocké dans des cartons, qui occupaient une cave de 60 mètres carrés.

Une moitié de vie professionnelle, vingt ans de passés, plus de deux tonnes d’archives, 60 mètres carrés d’utilisés… Un condensé d’espace-temps…

Je me trouvais en face de mon passé, face à mes épreuves et à mon œuvre en quelque sorte…

J’éprouvais un étrange sentiment de solitude et d’accomplissement… Un calme intérieur, un vide étrange, une expérience presque mystique…

Expérience que de nombreux Confrères et Consœurs ont malheureusement vécues, mais que je ne conseille à personne…

Car cette expérience a un prix… Le prix d’un stockage papier de vingt ans…

Suite à l’expérience “spirituelle” de la vue des archives suivait la question très concrète de savoir comment tout détruire…

Comment ”cramer” tout ce passé ?

Demander à une société spécialisé dans la destruction d’archives d’intervenir me coûtait environ 1 500 euros hors taxes…

J’ai donc décidé de faire des économies et d’affronter ces cartons oppressants, de les éliminer…

Ma première idée était de les brûler pour m’en débarrasser définitivement…

A l’aide de complices bienveillants je mis cette première idée à exécution...

Je pris une dizaine de cartons pour commencer, nous nous sommes mis à l’extérieur, sur la terrasse de la maison, et nous commencions à y mettre le feu…

Une horreur : une épaisse fumée noire s’échappait du brasier avec des odeurs âcres, des odeurs d’encre... Et cela se consumait très lentement… Nous mettions une demie heure pour brûler un dossier de 40 pages… Une page par minute en quelque sorte…

Au bout d’une après midi, nous avions brûlé dix dossiers au total, nos vêtements étaient mal odorants, nos mains et nos visages devenaient noirs de cette combustion qui s’évaporait vers nous…

Des voisins commençaient à jeter un regard suspect sur nos activités, et le trouble du voisinage paraissait caractérisé…

Nous dûmes bien entendu mettre un terme immédiat à notre funeste entreprise, et force était de constater l’échec cuisant de notre méfait…

J’offrais alors à mes complices malheureux une bonne douche, un verre et un petit repas du soir… Après une soirée conviviale passée avec eux le problème restait entier.

Je réalisais en effet qu’avec cette méthode, je passerais seul deux ans de ma vie à brûler le reste…

Il me fallait une autre méthode … Je me dis que si je ne pouvais les détruire par le feu, j’en viendrais à bout en les noyant dans des seaux d’eau…

Cette solution me paraissait plus sécurisante pour moi : tout se passerait à la cave, personne ne pourrait rien voir et les voisins ne seraient pas ennuyés.

Je pris alors le lendemain un gros seau d’eau…

L’idée était d’y tremper les dossiers, de sorte qu’ils seraient détruits par l’eau, de les déchirer facilement, et de les mettre dans des sacs poubelles.

Le résultat était plus efficace : il me fallut trois heures pour noyer cinq dossiers et les déchirer ensuite. Les dossiers étaient totalement méconnaissables et illisibles …

Mais cette efficacité était somme toute relative, car il m’aurait fallu un an, en m’y mettant dix heures par jour pour venir par ce moyen à bout des tonnes d’archives qui gisaient à la cave…

De plus, les dossiers trempés devenaient cinq fois plus lourds, et les sacs plastiques les contenant menaçaient de céder sous la pression de leurs poids…

Je réalisais qu’en les détruisant par l’eau je transformais deux tonnes d’archives sèches en dix tonnes d’archives mouillées…

Cette fois, je me sentais clairement surpassé par l’ampleur de la tâche…

Les dossiers “abattus” allaient finir par m’abattre…

Je dus me résigner à opter pour la solution la plus raisonnable : payer un professionnel pour les détruire.

Un coup de fil, un gros chèques, un “contrat”, et on n’en parle plus…

Je sollicitai de nouveau mes complices, et à plusieurs, nous passions une journée entière à mettre les archives dans les bacs prévus à cet effet, qui nous avaient été fournis par le professionnel.

Le lendemain, par un calme matin de juillet, le professionnel passait avec son camion et emportait mes archives, les traces concrètes de mon passé d’avocat…

Je les regardais tout emporter, et je restais là, interdit... L’émotion me gagnait, mêlant un sentiment de liberté et une étrange sensation de vide…

Mon esprit était comme allégé… Mon compte bancaire aussi, délesté de presque deux mille euros… Le fait que je “récupère la tva” était malgré tout une petite consolation…

Est ce que mon expérience vous tente ? L’avez vous déjà vécue ?

Voulez vous la tenter ?

Si oui, rien de plus simple, ne jetez rien, archivez…

Dans le cas contraire, je vous félicite car vous êtes quelqu’un de raisonnable.

Les archives représentent un problème, si l’on supprime les archives il n’y aura plus de problème.

Qu’est ce qui sonnera le glas des archives ?

Quelle est la “faucheuse” des archives et de la paperasse ?

C’est une merveille de la technologie moderne : le scanner

Avant d’aborder la solution définitive et moderne du scanner, évoquons ci-après une méthode relativement efficace pour limiter les archives papier …

Les archives pour ceux qui veulent encore travailler à l’ancienne.

Pour ceux qui veulent vraiment travailler à l’ancienne et archiver malgré tout les dossiers il faut impérativement faire un classement chrono alphabétique.

Ainsi si je classe le dossier Dupont en 2018 je devrai ranger le dossier Dupont dans une boîte d’archive sur laquelle il y aura marqué : 2018. Mieux encore : “2018 - D” ou, si vous pouvez mettre dans la même boîte, les dossier commençant par E : “2018 D à E

Par ailleurs, il faudra prévoir un trieur alphabétique dédié aux archives. Il faudra alors noter à la lettre D : "Dupont 2018".

Si vous avez plusieurs boîtes d’archives pour 2018 il faudra alors numéroter les boîtes d’archives de la façon suivante : 2018/1, 2018 /2, 2018 / 3 etc...

Répercuter ensuite sur le trieur alphabétique d’archives le dossier Dupont à 2018 / 3 par exemple.

Le tout sera également de ne jamais perdre le répertoire alphabétique d’archives !

De préférence il faudra recopier le trieur sur un document word.

Il serait très fâcheux serait d’oublier l’aspect chronologique du classement et de ne pas noter de date sur les boîtes d’archives.

Par exemple de mettre le dossier Dupont dans la boîte d’archives numéro 1 ; le dossier Durand dans la boîte d’archives numéro 2 et cetera.

En effet nous serions pas à quelle date il aurait été archivé et donc à quel date il faudrait détruire les archives.

Si par contre les archives sont classées de façon chrono-alphabétique, la date apparaît clairement.

Ainsi les archives 2018 pourront être détruites en 2028 les archives 2017 en 2027 et cetera.

À la fin de chaque année il faudra donc faire un tour dans la salle d’archives et détruire les archives datant de plus de 10 ans.

Pour ceux qui seraient pressés ils pourraient envisager de détruire les archives au bout de 5 ans à compter du jour où leur mission est terminée puisque la responsabilité civile de l’avocat est sujette à une prescription quinquennale.

Rappelons à cet égard les dispositions de l’article 2225 du code civil : l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

En théorie toutefois, ces archives doivent être conservées dix ans.

La solution du scanner et (est) l’élimination des archives.

Tout doit être dans l’ordinateur. Tout.

Il y a beaucoup de choses qui peuvent être enregistrées directement :

Les messages RPVA, les minutes des jugements, les conclusions adverses qui sont envoyés par mail, Les mails importants des confrères, les conclusions qui sont envoyées par mail, les pièces etc…

Les pièces envoyées par mail des clients, des mails importants de clients.

Tout le reste doit être scanné :

Les pièces remises par les clients, les courriers importants de clients les actes d’huissier, vos éléments personnels, facture URSSAF, cotisation à l’ordre factures de fournitures, etc...

Les éléments papiers, une fois scannés, pourront être remis dans leurs dossiers “physique”.

Traitement des éléments dématérialisés :

Les éléments scannés seront renommés et affectés dans le dossier informatique correspondant (ainsi que les éléments enregistrés directement).

Ainsi un jugement scanné va apparaître dans le dossier scan de l’ordinateur de la façon suivante par exemple : “SK 210897".

Il faudra alors le renommer en allant sur le ficher avec la souris ;

Faire un clic droit, “renommer”, et indiquer par exemple : “Dupont jugement de divorce Mars 2020”.

Une fois renommé, il faudra alors déplacer le fichier dans le dossier informatique correspondant.

Si vous ouvrez un fichier scanné relatif au client Dupont et qu’il s’agit de pièces qu’il vous a envoyé par courrier vous pouvez renommer ce fichier : "Dupont pièces envoyées par le client".

Si il s’agit d’un rapport d’expertise, vous préciserez : “Dupont rapport d’expertise du 15 septembre 2019”.

L’idée est de renommer le fichier en mettant en premier le nom du client et en second le type de document qui y est lié : exemple courrier ; conclusion ; pièces ; attestation, certificat médical etc...

Une fois ceci fait vous pouvez glisser informatiquement le fichier renommé dans le dossier correspondant.

Ainsi le fichier “Xavier certificat médical du 15 décembre 2017” apparaîtra dans le dossier informatique correspondant au fichier scanné et renommé sera glissé dans le dossier client Xavier.

Cela peut vous paraître fastidieux... ça l’ est et cela prend un peu de temps …

Par contre vous gagnerez au final beaucoup de temps avec ce procédé qui vous simplifiera énormément la vie.

Tous les documents seront en effet présents en informatique vous pourrez y accéder quand vous voulez, avoir l’intégralité de vos dossiers sur une clé USB par exemple et travailler de l’endroit où vous le souhaitez.

Vous pourrez même enregistrer ces dossiers et fichiers sur internet, dans le Drive par exemple, en les glissant, avec la souris, de votre clé USB au Drive.

En procédant de la sorte, si vos dossiers sont également envoyés dans le drive vous pouvez même travailler de votre téléphone portable ou d’une tablette …

L’aspect pratique est indéniable :

Tel client veut la copie d un jugement, vous pouvez lui envoyer par mail en le sélectionnant dans le drive de votre téléphone portable par exemple.

Vous souhaitez envoyer des pièces à un confrère dans un dossier vous allez les dans le drive et vous les sélectionnez dans le dossier correspondant, vous le téléchargez et vous l’envoyez.

Tout est là, prêt à l’emploi, prêt à être utilisé.

Vous perdez un dossier papier ? Aucune panique il est là en intégralité, informatique sur clé USB, sur ordinateur et dans le drive.

Un confrère veut vous succéder dans un dossier de façon urgente ? dans les 5 minutes qui suivent la réception de ce courrier vous pouvez lui transmettre la totalité du dossier de surcroît sans aucun frais postaux.

La manœuvre est très simple : allez dans le drive cliquez sur partager un dossier et envoyez le par mail au Confrère qui le sollicite.

La sauvegarde des données :

Attention, il est important de sauvegarder les éléments dématérialisés, donc vos dossiers, vos fichiers, etc…

Il ne faut pas tout laisser sur un ordinateur, mais faire des sauvegardes.

Le contenu d’un ordinateur peut être sauvegardé sur une clé ou un disque dur.

Il peut aussi être sauvegardé sur le net via des “hébergeurs” tels que Google Drive, ICloud, Dop box, One drive, Box, Black base.

Il est à rappeler que les sauvegardes sur disque dur externes peuvent se faire tant via l’ordinateur que via internet. En d’autres termes, les éléments présents sur le drive par exemple peuvent être enregistrés sur disque dur ou clé.

Il suffira de cliquer sur un dossier, faire un clic droit et il sera alors téléchargé sur votre ordinateur ou sur votre disque dur externe.

Les conséquences de l’enregistrement informatique sur l’archivage papier.

Une fois que les dossiers sont enregistrés en informatique, et, de surcroît, sauvegardés sur ordinateur ou support internet, ou disque dur externe, ils ont une existence dématérialisée.

Dès lors qu’ils ont une existence dématérialisée, ils n’ont plus de raison physique d’exister. Ils peuvent donc être détruits.

Plus précisément, les dossiers papiers seront détruits une fois l’affaire terminée.

Ils n’auront donc pas à être archivés.

Il n’y aura donc plus d’archives et le problème est réglé.

J’attire votre attention sur le fait que pour pouvoir détruire les dossiers papiers il ne faut jamais prendre les originaux des clients.

C’est une “responsabilité” et une source d’ennui.

Il faut toujours ne prendre que les copies de leurs documents. Cela vous évitera d’être dérangé par des demandes intempestives des clients visant à récupérer leurs originaux.

Le seul problème restant est celui de la conservation des jugements …

Il faut en effet conserver les originaux des jugements si on ne les remet pas aux clients, pour qu’ils puissent être exécutés par huissier.

Les seules archives qu’il conviendra de classer et de conserver seront donc celles des jugements.

Cela réduit bien entendu de façon considérable le volume des archives.

Convaincus de la méthode ?

Alors à vos scans... Prêt… Partez !

Daniel Massrouf, Avocat Barreau de Lyon [->danielmassrouf@gmail.com]