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Salariés seniors : ne pas confondre l’indemnité de départ en retraite avec l’indemnité de mise à la retraite. Par Frédéric Chhum et Mathilde Mermet-Guyennet, Avocats.
Parution : mardi 22 novembre 2022
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A l’heure du report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ou 65 ans, et alors que le taux d’emploi des 65-69 ans s’élève à seulement 8,6%, il est primordial de connaître précisément vos droits, et notamment lorsque votre employeur tente de vous « inciter » au départ, car il considère que vous lui coutez trop cher.

En effet, l’indemnité de départ volontaire à la retraite est bien moins favorable que l’indemnité de mise à la retraite par l’employeur, ce qui peut amener l’employeur à user de procédés pour provoquer votre départ volontaire à la retraite.

Les salariés seniors (plus de 55 ans) doivent être extrêmement vigilant lorsque leur employeur souhaite se « séparer » d’eux.

Dans ces conditions, un bref rappel des règles applicables s’impose afin de distinguer précisément les deux procédures et les droits et obligations qui s’y attachent.

1) L’indemnité de départ à la retraite à l’initiative du salarié.

Cette indemnité est prévue par les articles L1237-9 à 10 du Code du travail.

La loi prévoit en effet que :

« Tout salarié quittant volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite ».

Le salarié doit respecter un préavis dont la durée est déterminée par l’article L1234-1 du Code du travail ; entre un et deux mois à partir de 2 ans d’ancienneté, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables.

Le montant légal minimum de cette indemnité, fixé par l’article D1237-1, est le suivant :
- Un demi-mois de salaire après dix ans d’ancienneté ;
- Un mois de salaire après quinze ans d’ancienneté ;
- Un mois et demi de salaire après vingt ans d’ancienneté ;
- Deux mois de salaire après trente ans d’ancienneté.

Veillez cependant à vérifier les dispositions conventionnelles qui vous sont applicables, lesquelles peuvent être plus avantageuses que les dispositions légales.

A titre d’exemple, la Convention Collective de la Métallurgie prévoit en son article 31, une indemnité d’un montant de 0,5 mois de salaire après 2 ans d’ancienneté, 1 mois après 5 ans, 2 mois après 10 ans, 3 mois après 20 ans, 4 mois après 30 ans, 5 mois après 35 ans, 6 mois après 40 ans.

2) L’indemnité de mise à la retraite par l’employeur.

Il est indispensable de ne pas confondre le départ à la retraite et la mise à la retraite qui obéit à un régime spécifique et dont l’indemnité est beaucoup plus favorable.

2.1) Procédure.

En premier lieu, il faut préciser que la procédure de mise à la retraite à l’initiative de l’employeur concerne exclusivement les salariés ayant atteint l’âge à partir duquel tout assuré peut bénéficier d’une retraite à taux plein, peu important qu’il n’ait pas acquis la durée d’assurance suffisante.

Si cet âge était auparavant fixé à 65 ans, il a été relevé à 67 ans lors de la réforme des retraites intervenue en 2010, pour les assurés nés après le 31 décembre 1955.

Cela étant compte tenu du relèvement progressif de l’âge de liquidation de la retraite à taux plein indépendamment de la durée d’assurance, cet âge peut être de 65 ans ou 66 ans pour les salariés nés à compter du 1er juillet 1951.

Ensuite, trois mois avant l’anniversaire de l’âge requis, (entre 65 et 67 ans en fonction de la date de naissance du salarié), l’employeur doit interroger le salarié par écrit sur son intention de quitter la société afin de bénéficier d’une retraite [1].

Si le salarié refuse, l’employeur ne peut procéder à la mise à la retraite d’office, et ce pendant les 12 mois qui suivent.

La même procédure est applicable chacune des années suivantes jusqu’à ce que le salarié ait atteint l’âge de 70 ans, au-delà duquel le salarié n’a plus la possibilité de refuser la décision de mise à la retraite de l’employeur.

Si le salarié accepte, un préavis d’une durée identique à celui prévu en cas de départ volontaire du salarié doit être respecté.

En cas de mise à la retraite ne respectant pas les conditions relatives à l’âge requis et à l’accord du salarié, la rupture intervenue s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant ainsi droit à l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse [2].

2.2) Montant de l’indemnité de mise à la retraite à l’initiative de l’employeur.

Si le salarié accepte la mise à la retraite, l’indemnité minimale de mise à la retraite à laquelle il a droit correspond à l’indemnité légale de licenciement prévue à l’article L1234-9 du Code du travail, soit 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années, et 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté au-delà de 10 ans.

Ici encore, il convient de vérifier les dispositions conventionnelles ou contractuelles, ou encore les usages qui peuvent être plus favorables.

3) Négociez votre départ !

Si votre employeur vous pousse vers la sortie en raison de votre âge, ceci constitue une discrimination liée à votre âge qui est prohibée par le Code du travail.

Il faut vous « armer » et bien négocier votre départ de l’entreprise.

Nous vous renvoyons pour ce faire à notre brève : Salariés, cadres, cadres dirigeants : combien négocier sa rupture conventionnelle après les ordonnances Macron ?

En conclusion, il convient d’être vigilant si vous avez atteint l’âge requis pour la liquidation d’une retraite à taux plein, indépendamment de la durée de cotisation à l’assurance.

En effet, si la mise à la retraite repose sur une initiative de l’employeur, ce dernier doit impérativement respecter la procédure précitée et vous payer l’indemnité correspondante.

Aussi, s’il vous sollicite pour un départ « volontaire », demandez-lui un écrit formalisant cette demande de sa part, et surtout ne lui adressez pas de courrier faisant part de votre volonté de départ en retraite sans avoir reçu préalablement ce courrier.

Il faut ensuite bien savoir négocier son départ (cf. 3) ci-dessus).

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

[1Article L1237-5 du Code du travail.

[2Cass, soc, 16 juin 1998, n°96-40.919.