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Les apports de la loi Elan en droit locatif. Par Maxence Genty, Avocat.
Parution : mardi 29 novembre 2022
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Le droit immobilier n’est pas de celles des matières du droit qui possède le foisonnement législatif le plus important. Les lois marquantes en matière de droit immobilier sont rares, ce qui les rend d’autant plus remarquables lorsqu’elles sont adoptées.

Toutefois, le caractère quasi figé du régime du droit immobilier semble avoir été remis en cause cette dernière décennie par le législateur semblant désormais s’enquérir d’un regain d’intérêt pour cette discipline.

Le 29 décembre 2012, le législateur a posé une première pierre à son édifice de refonte du droit immobilier avec la loi dite « Duflot », suivie le 29 décembre 2014 de la loi dite « Pinel » qui sont toutes deux venues favoriser l’investissement locatif en octroyant des réductions d’impôt à travers l’instauration d’une division du territoire en 5 zones créées en fonction de la densité de la population, de la plus tendue (Zone A bis) à la moins tendue (Zone B).

Le 26 mars 2014, le législateur est venu apporter une deuxième pierre à son édifice avec la loi dite « Alur » dont il résultera de nombreux changements significatifs au titre desquels on peut notamment citer : l’encadrement de l’augmentation du prix des loyers, l’encadrement des frais d’agence, le rallongement de la trêve hivernale, la modification des délais de préavis, la modification des délais de prescription en matière de recouvrement de loyers, l’encadrement des dossiers locatifs, la création d’un contrat de syndic type, l’encadrement des honoraires du syndic.

Le 23 novembre 2018, le législateur est venu apporter une troisième pierre à son édifice avec la loi dite « Elan » qui va faire l’objet de la présente analyse.

Les apports de la loi Elan en droit locatif :

1. Encadrement des loyers.

La loi Alur de 2014 avait déjà tenté d’instaurer un dispositif d’encadrement des loyers qui n’a toutefois pas été une grande réussite. En effet, d’une part, sa mise en place s’est avérée complexe, de sorte que seules deux villes l’avaient finalement mis en place, Paris et Lille.

D’autre part, les tribunaux administratifs ont fini par abolir ce dispositif en 2017.

La loi Elan a redonné un second souffle à ce dispositif qui n’est cette fois qu’optionnel, le législateur ayant privilégié une approche plus prudente et plus flexible. Ainsi, si l’encadrement du prix des loyers n’est pas obligatoire, le préfet peut néanmoins décider de sa mise en œuvre par arrêté à la demande des établissements publics de coopération intercommunale ou des collectivités, elles-mêmes, situées en zone tendue. Les communes restent donc libres de choisir d’appliquer ce dispositif ou non.

Lorsque le dispositif est appliqué, le propriétaire qui ne le respecterait pas s’exposerait alors à des condamnations pouvant s’élever jusqu’à la somme de 15.000,00 euros.

2. La limitation du formalisme de l’engagement de caution.

Le deuxième apport important que l’on peut souligner est la disparition du formalisme de l’engagement de caution. Auparavant, l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 imposait à la caution pas moins d’une triple mention manuscrite :
- la reproduction du montant du loyer et des conditions de sa révision tels que figurant dans le contrat de location ;
- la reproduction de la durée du cautionnement et de la faculté de le résilier unilatéralement en cas de cautionnement à durée indéterminée ;
- la reproduction d’une mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance que le garant a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’il contracte.

L’oubli d’une de ces mentions manuscrites était sanctionné par la nullité de l’acte de cautionnement, sanction évidemment très lourde sur laquelle la caution essayait quasiment systématiquement de jouer pour se dégager. Désormais, la loi n’exige plus que ces mentions soient manuscrites. Elles doivent toujours apparaître dans l’acte de cautionnement mais peuvent être pré-rédigées, la loi se satisfaisant désormais d’une seule signature de la caution.

3. La facilitation de l’expulsion des squatters.

Désormais les occupants sans droits ni titres, familièrement appelés squatters, ne sont plus protégés par les dispositions relatives à la trêve hivernale et peuvent donc être expulsés même en hiver. Cette disposition, très attendue, ne s’applique qu’aux seuls occupants sans droit ni titre et non aux locataires qui ne payent plus.

L’objectif de cette disposition est d’assurer une meilleure protection des droits des propriétaires, parfois particuliers, qui se retrouvent bloqués par des délais excessivement longs, une procédure d’expulsion pouvant prendre jusqu’à plusieurs années.

En outre, le délai de deux mois qui doit être respecté après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux, étape qui rappelons le, intervient après avoir obtenu une décision d’expulsion et avant le recours à la force publique, a été supprimé pour les squatters.

4. Les location type Airbnb.

La réforme renforce également le contrôle des locations de courte durée afin que ce type de location ne dépasse pas les 120 nuits par an autorisées, délai au-delà duquel le logement n’est plus considéré comme une résidence principale.

Ainsi, dans les communes qui ont mis en place un service de déclaration préalable pour la location d’appartements meublés de tourisme comme Paris, Lyon ou Bordeaux, la formalité devient obligatoire, le propriétaire devant en conséquence indiquer dans son annonce le numéro d’enregistrement qui lui a été délivré.

Les sanctions sont également renforcées tant pour les loueurs que pour les plateformes qui ont l’obligation de s’assurer que le numéro communiqué par l’administration soit inscrit sur les annonces.

L’usager s’expose ainsi à des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 10.000,00 euros en cas de violation des dispositions précitées et la plateforme à des amendes pouvant aller jusqu’à 50.000,00 euros.

5. Bail mobilité.

On peut également citer la création d’un nouveau type de contrat de bail, le bail mobilité, contrat de location de courte durée non renouvelable, conclu pour une durée comprise entre un et 10 mois, pour un logement meublé pour lequel le propriétaire ne peut pas demander de dépôt de garantie mais peut toutefois exiger une caution.

Ce type de bail a été mis en place pour les étudiants, en stage ou échange scolaire de quelques mois. Le locataire doit justifier, à la signature du bail du caractère temporaire de son activité et peut mettre fin à tout moment au bail à condition de respecter un préavis d’un mois, alors que le propriétaire sera lui contraint de respecter l’intégralité du bail, ne pouvant donc donner congé à son locataire.

6. Les Habitations à Loyers Modérés (HLM).

Les bailleurs sociaux sont également concernés par la loi Elan qui souhaite regrouper ces derniers. En outre, la loi entend favoriser la mobilité des habitants des logements sociaux et contrôler la légitimité de l’attribution desdits logements à ces derniers en imposant à la commission d’attribution des logements d’étudier le dossier des locataires tous les 3 ans afin de tenir compte de l’évolution de la situation familial et professionnelle de ceux-ci.

Maxence Genty, avocat au barreau de Lyon https://mgenty-avocat.fr/