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Fiche patrimoniale de la caution et appréciation de la disproportion d’un cautionnement. Par Natal Yitcko, Avocat.
Parution : vendredi 25 novembre 2022
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Dans son arrêt du 21 septembre 2022 (n°21-.218 F-B), le Cour de Cassation rejette le pourvoi en rappelant que même si la fiche de renseignements établie par caution comporte des anomalies, la banque n’est pas tenue de vérifier l’exactitude des autres éléments de la fiche qui, apparemment exacts, permettaient de considérer que l’engagement était proportionné aux biens et revenus de la caution.

Applicable jusqu’au 1er janvier 2022, l’ancien article L332-1 du Code de la consommation interdisait au créancier professionnel de se prévaloir d’un cautionnement donné par une personne physique et manifestement disproportionné.

Pour cela, le créancier devait au préalable s’enquérir de la situation financière et patrimoniale de la caution [1].

Cette condition s’entend strictement, les banques font habituellement remplir à la caution une fiche de renseignements qui, en cas de contestation ultérieure, permet à la banque de prouver qu’elle a satisfait à cette obligation.

Et plusieurs dispositions du Code de la Consommation interdisaient à un créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement donné par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution ne lui permette de faire face à son engagement lorsqu’elle est appelée à l’exécuter [2].

En cas de disproportion manifeste de son engagement, la caution était intégralement libérée [3], à moins qu’elle n’ait dissimulé sa situation patrimoniale lors de la souscription du cautionnement [4] ou qu’elle ne soit revenue à meilleure fortune.

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a abrogé ces dispositions du Code de la Consommation [5] pour leur substituer une disposition unique intégrée dans le Code Civil qui maintient l’exigence de proportionnalité du cautionnement lors de sa conclusion entre une personne physique et un créancier professionnel.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2022, un texte unique, l’article 2300 du Code civil, sanctionne l’exigence par un créancier d’un cautionnement disproportionné.

Cet article ne prévoit plus une décharge totale de la caution, mais une réduction du cautionnement au montant à hauteur duquel la caution pouvait s’engager à la date où elle s’est engagée.

A la lecture de son arrêt du 21 septembre 2022 n°21-12.218 F-B, on peut en déduire que la solution dégagée par la Cour de Cassation est une application de l’article 2300 du Code civil issu de l’ordonnance portant réforme du droit des sûretés.

En effet, le gérant d’une société qui s’est porté caution d’un crédit consenti à celle-ci par une banque invoque la disproportion de son engagement [6] pour demander à être déchargé puisque cet article interdisait au créancier professionnel de se prévaloir d’un cautionnement donné par une personne physique manifestement disproportionné.

Il fait valoir que la fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine qu’il a établie avant d’accorder sa garantie présentait des anomalies apparentes pour la banque.

Il soutenait que deux sociétés dont il était associé étaient surévaluées alors qu’elles étaient gravement endettées et que les juges auraient dû vérifier la réalité de son patrimoine.

Dans son arrêt, la Cour de cassation rejette le pourvoi en rappelant que :
- Le gérant avait certifié l’exactitude des renseignements mentionnés dans la fiche patrimoniale ;
- Même en faisant abstraction de certains éléments du patrimoine (Sommes indiquées au titre des participations dans le capital des deux sociétés et sommes inscrites en compte courant d’associé dans les livres de ces sociétés), l’engagement du gérant, souscrit à hauteur de 360.000 euros, ne présentait aucun caractère excessif au regard des valeurs déclarées au titre de ses autres biens (immeuble, contrat d’assurance-vie, portefeuille boursier et dépôts sur différents comptes bancaires), d’un montant de 980.000 euros.

De ce fait, il s’en déduisait que ceux des éléments figurant dans la fiche de renseignements qui n’étaient affectés d’aucune anomalie apparente permettaient de considérer que l’engagement souscrit n’était pas disproportionné aux biens et revenus de la caution et que la banque n’était donc pas tenue de vérifier l’exactitude des sommes mentionnées dans la fiche.

Natal Yitcko Avocat au Barreau de Paris Société d'avocats Chatel et Associés [->avocats@cabinetchatel.fr]

[1Cass.com ; 20 avril 2017, n°15-16.184 FD.

[2Ex-articles L314-18, L332 et L343 -4 du Code de la consommation.

[3Cass.com, 22 juin 2010, n°09-67.814 FS-PBI.

[4Cass.com ; 13 septembre 2011, n°10.20959 FD.

[5Ord. 2021-1192, art.32.

[6Ax-art L332-1 du C. consom.