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Précisions autour de la notion de victime d’attentat. Par Charles Merlen, Avocat.
Parution : jeudi 24 novembre 2022
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La loi n°90-589 du 6 juillet 1990 a institué le principe d’une indemnisation intégrale et garantie pour les victimes d’attentats. Ces dernières ont ainsi la possibilité de se faire indemniser des préjudices qu’ils subissent par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

La notion de victime est ainsi déterminante pour savoir si une personne, impactée dans sa vie quotidienne par un attentat, peut bénéficier de la protection du fonds de garantie.

Au travers de quatre arrêts le 27 octobre 2022, la Cour de cassation [1] a précisé la notion de victimes d’attentat terroriste et par la même, a fixé, les conditions de bénéfice du FGTI.

La loi n°90-589 du 6 juillet 1990 a institué le principe d’une indemnisation intégrale et garantie pour les victimes d’attentats. Ces dernières ont ainsi la possibilité de se faire indemniser des préjudices qu’ils subissent par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

Le champ d’intervention du FGTI est défini par l’article L126-1 du Code des assurances. Ce texte dispose que le fonds est tenu d’indemniser

« Les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit ».

La notion est ainsi essentielle pour savoir si une personne, impactée dans sa vie quotidienne par un attentat, peut bénéficier de la protection du fonds de garantie.

Au travers de quatre arrêts le 27 octobre 2022, la Cour de cassation [2] a précisé la notion de victimes d’attentat terroriste et par la même, a fixé, les conditions de bénéfice du FGTI.

I. Reconnaissance de la qualité de victime aux proches de victimes non décédée [3].

Dans ces trois affaires des proches de personnes prises en otage et ayant survécu à l’attentat de l’hyper casher avaient sollicité l’indemnisation de leurs préjudices personnels auprès du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

La notion d’ayant droit visée par l’article L126-1 du Code des assurances pourrait laisser penser que seuls les proches de personnes décédées, lors d’un attentat, pourraient bénéficier du Fonds de garantie.

Ce fut certainement le raisonnement de la Cour d’appel qui a déclaré irrecevable les demandes des proches d’otages.

Ces derniers formaient un pourvoi en cassation. Ils estimaient que toutes victimes, directe ou par ricochet, d’actes de terrorisme, étaient recevables à demander au FGTI l’indemnisation de leurs dommages.

La notion de victime par ricochet recouvre les proches de la victime blessée ou décédée. Pour être considérée comme victime, le proche doit subir un préjudice personnel, direct certain et licite [4].

La Cour de cassation avait déjà estimé qu’aucun texte n’excluait l’indemnisation du préjudice personnel des parents d’une victime ayant survécu à une infraction de droit commun [5].

Dans les trois affaires commentées ici, la Cour de cassation était amenée à reconnaitre ou non la qualité de victime par ricochet à des proches de personnes ayant survécu à un attentat terroriste.

La Cour de cassation a estimé que les proches de victimes étaient eux-mêmes victimes. La Cour déclarait : « aucun de ces textes n’exclut l’indemnisation des proches de la victime directe d’un attentat, en cas de survie de celle-ci » ajoutant

« interpréter les articles L126-1, L422-1 et L4222 du Code des Assurances comme excluant l’indemnisation des proches d’un victime conduirait à réserver aux proches des victimes d’attentats un sort plus défavorable qu’à ceux des victimes d’autres infractions ».

Cette position de la Cour de cassation est à saluer : rejeter la demande d’indemnisation formée par les proches de victimes ayant survécu à des actes de terrorisme, alors que ce type de demande est acceptée par les proches de victimes d’infractions de droit commun depuis 1998, reviendrait à créer une double définition de la victime par ricochet.

La cohabitation d’une définition de victime par ricochet de droit commun avec une définition de victime par ricochet de terrorisme n’aurait eu aucun sens. Cette double définition aurait été de plus préjudiciable aux proches de victimes d’attentats.

Pour la Cour, les proches d’une personne victime directe d’un attentat ont eux-mêmes la qualité de victime, peu importe si la victime directe a ou non survécu. Ces proches peuvent ainsi, en tant que victimes par ricochet, solliciter du FGTI l’indemnisation de leurs propres préjudices.

II. Exclusion de la qualité de victime aux personnes non exposées directement à un péril objectif de mort ou d’atteinte imminente [6].

Dans cette affaire deux personnes se trouvaient à proximité de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016 au moment des faits (environ 400 mètres). Ces personnes sollicitaient l’indemnisation des préjudices qu’elles subissaient du fait des répercussions psychologiques provoquées par l’événement.

Le FGTI avait rejeté leur demande au motif qu’elles ne se trouvaient pas sur le lieu même de l’attentat, la position du Fonds avait été validée par la Cour d’Appel.

Les demandeurs contestaient cette position et se considéraient comme victimes puisqu’elles avaient été exposées, selon elles, à un risque et présentées ensuite un dommage physique ou psychologique qui y est directement lié.

On peut en effet estimer que se retrouver à proximité d’un attentat peut, en raison du traumatisme et la peur provoqués, causer un dommage psychologique et entrainer plusieurs préjudices (préjudice d’angoisse, préjudice de mort imminente, voire assistance tiers-personne provoquée par une perte d’autonomie…)

Ici, la Cour de cassation était amenée à s’interroger sur l’extension ou non de la qualité de victime à des personnes témoins ou proche de la réalisation d’un attentat et qui auraient été traumatisée par cette douloureuse expérience.

La Cour a rejeté la demande des personnes qui souhaitaient se voir reconnaitre la qualité de victime et les a, par conséquence, exclu du bénéfice offert par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

Pour la Cour, le fait de s’être trouvé à proximité du lieu d’un attentat et d’en avoir été le témoin ne suffit pas à conférer la qualité de victime, en l’espèce les personnes ne s’étaient pas trouvé sur la trajectoire du véhicule.

Pour la Cour, seules peuvent être reconnues comme victimes les personnes directement exposées à un péril objectif de mort ou d’atteinte imminente.

Charles Merlen, Avocat Barreau de Lille www.charles-merlen-avocat.fr

[1Cass. Civ. 2e, 27 octobre 2022, n°21-13.134 ; n°21-424 ; n°21-425, n°21-426.

[2Cass. Civ. 2e, 27 octobre 2022, n°21-13.134 ; n°21-424 ; n°21-425, n°21-426.

[3Cass. Civ. 2e, 27 octobre 2022, n°21-424, n°21-425 et n°21-426.

[4Cass. Ch. Mixte 27 février 1970.

[5Cass. 2e Civ, 14 janv. 1998 n°96-11.328 et n° 96-16.255.

[6Cass. Civ. 2e 27 octobre 2022 n°21-13.134.