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Comment céder son fonds de commerce ? Par Jean-Baptiste Gerges, Avocat.
Parution : mardi 29 novembre 2022
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Le fonds de commerce est un ensemble comportant des éléments corporels (mobiliers, matériels, outillages) et incorporels (clientèle, droit au bail, nom commercial, enseigne).
Préalablement à toute cession, il faudra s’assurer de la collecte des documents et des informations obligatoires (1) avant d’envisager la cession proprement dite laquelle doit s’effectuer par étapes (2).

1) Quelle est la liste des documents et éléments d’information à demander au cédant du fonds de commerce.

Concernant les documents et les éléments d’information à solliciter de la part du cédant, en vue d’acquérir son fonds de commerce, la liste est usuellement la suivante :

- Le bail commercial, dont il est conseillé d’effectuer un audit préalable, et ce notamment afin de vérifier la durée du bail restant à courir, l’existence d’une éventuelle dette locative et d’un contentieux avec le bailleur, s’assurer que les conditions du droit au renouvellement sont remplies.
- Les plans des locaux
- Le règlement de copropriété
- La dernière quittance de loyer et d’appel de provision sur charges et la dernière régularisation annuelle de charges
- Titre de propriété du fonds (sauf en cas de création du fonds par le vendeur)
- Statuts et extrait kbis du cédant
- Liste du matériel cédé, cette liste pouvant être établie contradictoirement avec le potentiel acquéreur, afin de sélectionner et valoriser ledit matériel
- Justificatifs afférents à la conformité des locaux aux normes applicables (accessibilité PMR, système d’extraction pour une activité de restauration…)
- Les trois derniers bilans du cédant et les coordonnées de l’expert-comptable du cédant
- L’attestation d’assurance des locaux
- Les contrats en cours, à savoir ceux attachés à l’exploitation du fonds cédé (crédit-bail, contrats de leasing, contrats de fourniture de marchandises, d’eau, d’électricité, de téléphone, contrat d’exclusivité)
- Les contrats de travail de l’ensemble des salariés et les fiches de paie qui y sont attachés, un audit des contrats de travail est vivement recommandé, afin d’anticiper la masse salariale, vérifier la régularité des contrats et l’existence des contentieux avec les salariés
- Diagnostics à réaliser en vue de la cession (DTA, DPE, ERP, présence de termites et d’insectes xylophages, rapport de conformité des installations électriques et de gaz, accessibilité PMR ou dérogation)
- Indication des jours et horaires d’ouverture.

Depuis le 21 juillet 2019, les actes de cession de fonds commerce ne sont plus assortis d’aucune mention obligatoire.

Ainsi, ont été supprimées, les clauses imposées relatives au précédent vendeur, à l’état des privilèges et nantissements, aux chiffres d’affaires et aux résultats d’exploitation des trois exercices comptables précédents, et, s’il y a lieu, aux informations relatives au bail (date, durée, nom et adresse du bailleur) (L. n° 2019-744, 19 juill. 2019 : JO 20 juill. 2019).

2) Quelles sont les étapes et les formalités à effectuer dans le cadre d’une acquisition d’un fonds de commerce ?

1. Les étapes.

La vente d’un fonds de commerce porte sur des éléments corporels (matériel…) et incorporels (clientèle, achalandage, droit au bail…).

Ces deux éléments seront ainsi valorisés entre les parties.

Le stock de marchandises présent dans le fonds n’est pas cédé dans le cadre de la cession du fonds de commerce et fait l’objet d’une facturation distincte. Le sort du stock et sa valorisation relève de la négociation entre les parties, l’acquéreur n‘étant en tout état de cause, pas obligé d’acquérir le stock.

Après avoir convenu d’un prix pour la cession de fonds de commerce et effectué un audit des contrats et éléments d’information communiqués par le cédant, les parties peuvent formaliser leur accord en optant pour les actes suivants :
- Un compromis de cession ou appelé promesse synallagmatique de cession de fonds de commerce sous conditions suspensives, aux termes duquel le promettant (vendeur) et le bénéficiaire (acquéreur) s’engagent dans la transaction ;
- Une promesse unilatérale de vente qui est un contrat par lequel le promettant (vendeur) s’engage à céder son fonds de commerce à un acquéreur (bénéficiaire), à un prix déterminé. Le bénéficiaire de la promesse ne s’engage pas à acquérir le fonds car il dispose d’une option d’achat à lever dans un délai imparti ;
- Une promesse unilatérale d’achat qui constitue l’inverse de la promesse unilatérale de vente. L’acquéreur intervient en qualité de promettant et prend l’engagement d’acheter et le vendeur (bénéficiaire) dispose d’une option de vendre dans un délai déterminé.

Il est préférable que l’acte matérialisant l’accord intervenu entre les parties soit être rédigé par un professionnel du droit, à savoir un avocat ou un notaire.

Chaque partie peut soit opter pour un rédacteur unique, soit faire appel à son propre conseil, à charge pour ces derniers de se répartir la rédaction des actes de cession de la manière suivante :
- Le Conseil du cédant rédigera la promesse,
- Le Conseil de l’acquéreur (ou du cessionnaire) rédigera l’acte réitératif.

Il est à notre sens préférable que chacune des parties se fasse assister de son propre conseil.

La promesse stipulera des conditions suspensives, dont la réalisation conditionnera la cession.

Ces conditions sont généralement les suivantes :
- La purge du droit de préemption urbain, chaque commune (mis à part PARIS à ce jour) dispose d’un droit de préemption qu’elle peut exercer pour toute cession de fonds de commerce ou de baux commerciaux intervenant dans le périmètre de sauvegarde du commerce de proximité, conformément aux articles L214-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Dans le cas où le fonds est effectivement situé dans un tel périmètre, le cédant devra en faire la déclaration préalable à la commune, qui disposera alors d’un délai de 2 mois pour l’exercice éventuel de son droit de préemption, le silence équivalant à une renonciation,
- La purge du droit de préférence du bailleur, en cas de clause stipulée en ce sens au bail,
- La production par le cédant d’un état d’endettement sur le fonds de commerce ne révélant pas d’inscription pour un montant supérieur au prix de vente, ni autres sûretés ou publication portant atteinte à la libre disposition du droit de propriété du fonds de commerce au plus tard au jour de la réitération des présentes,
- L’obtention éventuelle d’un financement bancaire (dans le cas où l’acquéreur souhaite financer son achat par un prêt bancaire) dans un délai arrêté entre les parties, le futur acquéreur devant justifier auprès du cédant 1) du dépôt d’une ou plusieurs demandes de prêt et ensuite 2) de l’accord ou du refus de l’établissement bancaire. Il est aussi possible que le cessionnaire souhaite ne pas faire appel à un établissement bancaire et régler comptant le prix de cession.

D’autres conditions suspensives pourront être stipulées dans une promesse de cession :
- Autorisation de vos travaux par le bailleur, la copropriété et les autorités administratives,
- Obtention d’un droit de terrasse conformément aux dispositions de l’article L2124-33 du Code général de la propriété des personnes publiques,
- Dérogation à la formalité de rédaction d’un acte authentique si cette forme est imposée par le bail et que les parties optent pour les services d’un avocat,
- Information régulière des salariés de leur droit de présenter une offre de rachat du fonds de commerce conformément aux articles L141-23 et L141-28 du Code de Commerce.

Concernant les salariés, il est opportun de rappeler que l’article L1224-1 du Code du travail prévoit une reprise obligatoire et automatique des salariés en cas de fonds de commerce.

Dans la mesure où l’objet d’une promesse de cession est, pour le futur acquéreur, de réserver le bien pour le temps nécessaire afférent à réalisation des conditions suspensives, les parties peuvent convenir que le futur acquéreur verse un montant (appelé indemnité d’immobilisation) représentant entre 5 et 10% du prix de cession, lequel sera séquestré entre les mains du conseil du cédant sur son compte ouvert au sein de la CARPA (caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats).

Il sera précisé que les parties ne peuvent prévoir une telle indemnité si elles optent pour une promesse unilatérale d’achat, car cet acte ne peut pas engager le vendeur sur une indemnité d’immobilisation.

Le vendeur n’est en effet pas obligé de vendre son bien à l’acheteur dans le cadre d’une telle promesse.

Dans le cas où les conditions suspensives venaient à être réalisées, le montant de l’indemnité d’immobilisation viendra en déduction du prix de cession.

La promesse stipulera en outre les conditions dans lesquelles cette indemnité devrait être restituée à l’acquéreur si la vente venait à ne pas aboutir ou au contraire conservée par le vendeur (notamment dans le cas où l’acquéreur venait à renoncer à son achat, malgré la réalisation des conditions suspensives ou s’il ne respecte pas les délais impartis pour la réalisation de la condition d’obtention du prêt et l’information y afférente du cédant).

En termes de délais, il s’écoule généralement entre 2 et 4 mois entre la conclusion de la promesse de cession et celle de l’acte réitératif, les parties ayant fixé dès le stade de la promesse la date d’entrée en jouissance de l’acquéreur en cas de réalisation des conditions suspensives.

2. Les formalités.

A l’issue de la conclusion de l’acte définitif, le montant du prix de cession est versé entre les mains d’un séquestre amiable qui peut être soit le conseil du cédant ou un service dédié au sein de l’ordre des avocats.

Ce dernier a ainsi pour mission de conserver les fonds dans un délai compris entre 3 et 5 mois et quinze jours maximum, compte tenu :
- Du principe de solidarité fiscale entre le cédant et l’acquéreur dont la durée est de 90 jours ;
- Des délais afférents à la transmission de la cession de fonds de commerce à l’administration fiscale (45 jours) et le dépôt de la déclaration des résultats (60 jours) suivant la publication de ladite cession dans un journal d’annonces légales.

La cession de fonds de commerce doit en effet être publiée par l’acquéreur ou son conseil dans :
- Un journal d’annonces légales dans un délai de 15 jours suivant la conclusion de l’acte de cession de fonds de commerce,
- Et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales 3 jours suivant l’insertion dans un journal d’annonces légales.

Cette publication fait courir un délai de dix jours, à compter de la publication au BODACC, pendant lequel les créanciers du cédant peuvent faire opposition sur le prix de vente.

Le séquestre amiable est ainsi chargé de recueillir les oppositions et de désintéresser éventuellement les créanciers et/ou l’administration fiscale.

L’acquéreur doit, outre les publications précitées, effectuer l’enregistrement de l’acte de cession de fonds de commerce auprès du Service des impôts des entreprises territorialement compétent et s’acquitter des droits y afférents, dans le délai d’un mois à partir de l’acte de cession.

Les montants des droits d’enregistrement sont les suivants :
- Exonération jusqu’à 23.000 euros,
- 3% sur la tranche de 23.000 à 200.000 euros,
- Puis 5% au-delà de 200.000 euros.

Quant au cédant, il aura, pour charge de :
- Clôturer ses comptes,
- Et comme exposé ci-dessus, procéder aux déclarations fiscales dans les délais précités et demander, s’il souhaite arrêter son activité, sa radiation auprès du Centre des formalités des entreprises (CFE).

A l’issue du délai de séquestre, les fonds seront remis au cédant.

Enfin, un état des lieux d’entrée devra être établi au jour de la prise de possession des locaux, et ce conformément aux dispositions de l’article L145-40-1 du Code de commerce.

Recommandations.

Au regard des étapes et vérifications nécessaires et préalables à la conclusion de toute cession de fonds de commerce, il est vivement recommandé de se faire accompagner par un professionnel du droit pour : - vérifier l’exactitude des informations communiquées par les parties - réaliser un audit du bail commercial et des contrats attachés au fonds de commerce - accompagner dans le processus de la cession du fonds de commerce le cédant ou le cessionnaire ; - rédiger la promesse et l’acte réitératif ; - s’occuper de toutes les formalités nécessaires à la cession d’un fonds de commerce.

Jean-Baptiste Gerges - Avocat collaborateur pôle Baux Commerciaux - Cabinet BJA Avocats