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L’approbation annuelle des comptes des sociétés : une obligation porteuse de réels enjeux ! Par Emmanuel Duvilla, Avocat.
Parution : vendredi 2 décembre 2022
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Il s’agit d’une obligation « légale » incontournable, porteuse de réels enjeux tant pour les dirigeants que pour les associés, souvent ignorés ou négligés par certains. Le souci de transparence économique et de contrôle étant de plus en plus prégnant, les greffes veillent de plus en plus au bon respect de cette obligation et n’hésitent pas à notifier des amendes en cas de 1er défaut ou retard de dépôt des comptes annuels, s’élevant à 1 500 euros et 3 000 euros en cas de récidive.

Chaque année, toute société commerciale en France, telles que les SARL, SA et SAS (dont les SEL (société d’exercice libéral), mais aussi civile (telles que les SCP, SCM et SCI), doit faire approuver ses comptes annuels par ses associés, réunis en assemblée générale ordinaire (vote à la majorité simple), et ce, au plus tard dans les 6 mois de la clôture de l’exercice. Seules les sociétés commerciales, dont les SEL (et non les SCP et les SCI), doivent ensuite les déposer au greffe dont elles dépendent (maximum deux mois après l’approbation en cas de dépôt dématérialisé). Lesdits comptes annuels seront alors rendus publics, consultables sur Infogreffe par toute personne, à défaut de dépôt d’une déclaration de confidentialité.

Le respect de cette obligation annuelle permet également aux associés de pouvoir contrôler et approuver la gestion de la société par les dirigeants. Comme nous allons le voir, il requiert un formalisme rigoureux qu’il est vivement conseillé de suivre compte tenu des nombreux enjeux qui en découlent, sans attendre la survenance d’un conflit, dans le souci de maintenir un climat de confiance entre associés.

Précautions à suivre, qui s’imposent d’autant plus dans les sociétés, ayant plusieurs associés avec des statuts différents (exerçant, non exerçant, investisseurs), des visions et intérêts divergents (en raison notamment de leur âge ou encore du % de leur participation), nécessitant de ce fait de gérer des équilibres complexes, voire parfois fragiles, et de faire preuve de conciliation.

Cette responsabilité incombe légalement au(x) dirigeant(s) de la société qui, à défaut de se conformer à ces obligations, peu(ven)t se voire condamner en justice à une amende de 9 000 euros [1] et à indemniser, le cas échéant, la société qu’il représente (et/ou ses associés), en cas de préjudice en résultant.

Compte tenu des sanctions encourues et des différents enjeux exposés ci-après, les dirigeants de société, en tant que garant du bon respect de ces obligations légales, ont ainsi tout intérêt à confier cette mission annuelle (purement juridique) à un professionnel du droit.

Calendrier et Convocation des associés.

L’assemblée générale annuelle des associés doit se tenir dans les 6 mois de la clôture de l’exercice. Les associés doivent tous (y compris ceux détenant ne serait-ce qu’une part ou action dans le capital de la société) être convoqués au moins 15 jours avant la date de l’assemblée (sauf délai plus court prévu dans les statuts). En pratique, les dirigeants de petites ou moyennes structures, tant qu’ils s’entendent bien avec leurs associés, ont souvent tendance à négliger cette obligation. Or, iI faut savoir que le non-respect de cette obligation de convocation préalable des associés rend l’assemblée annulable et constitue une faute de gestion opposable au dirigeant.

Sous peine également de rendre l’assemblée annulable, la convocation doit, en plus de rappeler précisément l’ordre du jour, s’accompagner obligatoirement de la communication aux associés d’un certain nombre de documents : les comptes annuels, le texte des résolutions soumis aux votes des associés, le rapport spécial sur les conventions règlementées, une procuration en cas d’absence, le rapport annuel de gestion. Ce dernier, même si depuis 2018, n’est obligatoire que pour les sociétés dépassant certains seuils élevés notamment de chiffre d’affaires (12 M€), il s’avère être un support de communication et d’information réellement utile pour les associés.

Car il va permettre de rendre compte aux associés de manière détaillée de l’activité de la société, de rappeler les évènements importants intervenus au cours de l’exercice écoulé, d’exposer les perspectives d’évolution de la société, de faire ratifier (ou valider en amont) certains investissements, divers projets, ou encore des opérations de croissance externe.

Ordre du jour de l’AGOA.

Le dirigeant doit obligatoirement porter à l’ordre du jour de l’assemblée : l’examen et l’approbation des comptes annuels de la société (bilan, compte de résultat, annexes), l’approbation de la gestion exercée au titre de l’exercice écoulé par le Gérant ou Président en lui donnant « Quitus », l’affectation du résultat (et en cas de distribution de dividendes, la part attribuée à chaque associé et celle prélevée le cas échéant sur les réserves disponibles), l’approbation du rapport spécial sur les conventions dites règlementées (soit toutes celles nouvellement conclues ou poursuives durant l’exercice en cause par la société avec un associé, un dirigeant ou une société dans laquelle il est dirigeant ou associé), l’éventuel renouvellement du mandat des dirigeants, de celui du commissaire aux comptes.

Les sujets incontournables : la résolution d’affectation du résultat (adoptée à la majorité simple des voix des associés) constitue plus particulièrement un sujet sensible, pouvant donner lieu à un abus de majorité en cas de mise systématique en réserves du bénéfice. La mise en place en amont dans le pacte d’associés d’une politique de distribution de dividendes (garantissant aux associés minoritaires le versement chaque année d’un pourcentage minimum du bénéfice) peut s’avérer judicieux notamment pour éviter des discussions à ce sujet, voire des contestations ultérieures, mais également pour créer une source de motivation supplémentaire contribuant à un meilleur développement de la société.

Une autre résolution, tout aussi essentielle, doit prévoir la ratification des rémunérations versées au(x) dirigeants, en contrepartie de l’exercice des fonctions de direction, et, idéalement (même si ce n’est pas obligatoire) de celles versées aux associés professionnels exerçant « non-dirigeants » (de SEL), en contrepartie de l’exercice de leurs fonctions techniques, tant au titre de l’exercice écoulé que de l’exercice à venir.

Enfin, un sujet tout aussi essentiel, soumis au vote des associés à l’issue de l’assemblée, est celui de l’évaluation de la société, dès lors qu’il résulte d’une obligation en ce sens prévue dans les statuts ou le plus souvent dans le pacte d’associés. En réalité, on constate que le respect de cette obligation annuelle d’évaluation des titres de la société est trop souvent négligé, alors même que sa réalisation effective permet par la suite d’éviter d’éventuels blocages entre associés (souvent résolus en cas de litige qu’à l’issue d’une longue et coûteuse procédure d’expertise judiciaire), lors notamment d’entrée ou de sortie d’associés (départ à la retraite), d’augmentation de capital ou encore de vente de la société.

A toutes fins utiles, d’autres sujets importants peuvent aussi être abordés lors de cette assemblée annuelle, et soumis aux votes des associés, tels que les modalités de rémunération et de remboursement des comptes courants d’associé, la répartition des fonctions de direction entre les codirigeants, ou encore toute autre question relevant de la compétence des associés au regard de la loi et des statuts de la société.

Mentions obligatoires.

Il convient aussi de rappeler qu’un certain nombre de mentions obligatoires se doivent aussi d’être impérativement inscrites : dans les résolutions soumises aux votes des associés. Les plus récurrentes et incontournables, sans qu’elles soient pour autant exhaustives, étant : la dotation de la réserve légale, les montants des dividendes distribués au cours des 3 derniers exercices, certaines dépenses non déductibles et charges somptuaires [2], s’il en existe, ou encore pour les sociétés ne rentrant pas dans la catégorie des « petites entreprises » [3], dans le rapport de gestion, l’évolution prévisible de son activité, les participations détenues dans d’autres sociétés, les changements de méthode comptable, une description des principaux risques et incertitudes auxquels est confrontée la société.

Plus généralement, l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes offre l’opportunité d’aborder certains sujets stratégiques de gestion et de fonctionnement, et plus généralement, de faire un bilan sur l’année qui vient de s’écouler, de réfléchir ensemble à l’amélioration de la gestion de la société, de définir de nouvelles orientations, d’initier certains projets, investissements, recrutements, d’opérer si besoin des réajustements dans certains domaines (RH, stratégie commerciale, répartition des tâches de gestion, renégociation de certains contrats de services…).

Par expérience, cette concertation collégiale contribue indéniablement à maintenir entre les associés une cohésion, ainsi qu’une bonne communication. Vous l’aurez donc compris, la préparation de l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes est porteuse de nombreux enjeux financiers, source de responsabilités pour les dirigeants de société, qui demeurent garants du bon déroulement et du respect du formalisme requis.

Il est donc essentiel chaque année d’y porter une attention particulière en confiant cette mission à un professionnel du droit, et de s’emparer de différents sujets, dans le souci de maintenir entre les associés un climat de confiance, une saine gestion et un équilibre financier.

Emmanuel Duvilla Avocat associé [->eduvilla@auravocats.com] www.auravocats.com

[1C.com. art. L223-26.

[2CGI, art. 243 bis et 39,4.

[3Selon les critères des articles L232-1 et L123-16-2, C. com.

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