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Discipline des avocats : que prévoit la circulaire du 9 novembre 2022 de présentation de la réforme (Partie 2) ? Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : lundi 5 décembre 2022
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La loi du 22 décembre 2021 a modifié la procédure disciplinaire des avocats.
La circulaire du 9 novembre 2022 de présentation de la réforme de la discipline des avocats comporte 4 fiches :
- le traitement des réclamations (articles 186-1 a 186-4 du décret du 27 novembre 1991) ;
- l’enquête déontologique ;
- la procédure disciplinaire ;
- les sanctions disciplinaires (article 184 du décret du 27 novembre 1991).
Cet article présente les fiches relatives à la procédure disciplinaire et aux sanctions disciplinaires.

Comme son nom l’indique, c’est une circulaire de présentation de la réforme plutôt que d’interprétation de celle-ci.

Dans notre partie 2, nous reprendrons les fiches 3 et 4 à savoir la procédure disciplinaire et les sanctions disciplinaires.

3 - La procedure disciplinaire (articles 188 à 199 du décret du 27 novembre 1991).

1 - Le conseil de discipline.

La composition du conseil de discipline reste inchangée (articles 22-1 et 22-2 de la loi du 31 décembre 1971 et article 180 du décret du 27 novembre 1991).

Les ressorts territoriaux des conseils de discipline ne sont également pas modifiés : chaque cour d’appel conserve un conseil régional de discipline.

L’exception parisienne est maintenue : le conseil de l’ordre du barreau de Paris siégeant comme conseil de discipline connaît des infractions et fautes commises par les avocats qui y sont inscrits (article 22 de la loi du 31 décembre 1971).

La réforme introduit deux nouveautés :
- Le conseil de discipline devient désormais une juridiction ;
- La présidence de la formation de jugement est assurée par un magistrat du siège de la cour d’appel lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une requête présentée par un tiers (non avocat) ou lorsque l’avocat mis en cause en fait la demande quelle que soit l’origine de la saisine. Ce magistrat est désigné par le premier président de la cour d’appel.

Le secrétariat de la juridiction disciplinaire reste placé sous l’autorité fonctionnelle des instances de la profession d’avocat.

Les juridictions disciplinaires siègent dans les mêmes locaux que ceux utilisés avant cette réforme.

2 - La saisine de la juridiction disciplinaire (articles 188 et 188-1).

Directement ou après enquête déontologique, la juridiction disciplinaire est saisie soit par :
- Requête du bâtonnier dont relève l’avocat mis en cause,
- Requête du procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle est instituée la juridiction disciplinaire,
- Requête de l’auteur de la réclamation, qui doit contenir, sous peine d’irrecevabilité, la réclamation qu’il a préalablement adressée au bâtonnier.

La requête contient, à peine de nullité, les mentions prescrites par l’article 57 du Code de procédure civile, y compris celles de l’article 54 du même code auxquelles l’article 57 renvoie.

Elle est accompagnée des pièces justificatives.

La saisine directe de la juridiction disciplinaire par l’auteur de la réclamation est une nouveauté introduite par la loi du 22 décembre 2021 : à réception de la requête, le président de la juridiction disciplinaire saisit le conseil de l’ordre dont relève l’avocat poursuivi. Il s’agit de l’acte de saisine cité au deuxième alinéa de l’article 188-1.

Le président de la juridiction disciplinaire transmet son acte de saisine au requérant. Ce dernier notifie alors sa requête et l’acte de saisine à l’avocat poursuivi par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Copies de la requête et de l’acte de saisine sont adressées par le secrétariat de la juridiction au bâtonnier et au procureur général lorsqu’ils ne sont pas requérants.

La procédure devient alors contradictoire à l’égard de l’avocat mis en cause.

La circulaire suggère une bonne pratique suivante : lorsque la juridiction disciplinaire est saisie sur requête d’un tiers et que le président de la juridiction disciplinaire n’use pas de son pouvoir de filtrage, il en informe dans les meilleurs délais le premier président de la cour d’appel afin d’anticiper l’audiencement.

La mise en place d’une adresse courriel structurelle dédiée pourrait être utile dans cette hypothèse.

3 - Le filtre du président de la juridiction disciplinaire en cas de saisine de la juridiction par l’auteur de la réclamation (articles 188-1 dernier alinéa et 188-2).

A réception de la requête, sans tenir d’audience et avant saisine du conseil de l’ordre pour désignation d’un rapporteur, le président de la juridiction disciplinaire peut, par ordonnance motivée, rejeter cette requête s’il l’estime irrecevable, manifestement infondée ou si elle n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.

Dans ce cas, l’ordonnance est notifiée par tout moyen conférant date certaine à sa réception au requérant. Copie en est communiquée par le secrétariat de la juridiction à l’avocat poursuivi, au bâtonnier dont il relève et au procureur général qui peut alors solliciter les pièces du dossier.

Le président qui exerce ce filtre est le président du conseil de discipline et à Paris, le bâtonnier doyen, membre du conseil de l’ordre (article 181). Il s’agit donc d’un professionnel quel que soit l’auteur de la requête.

L’ordonnance de rejet peut être déférée à la cour d’appel. Le recours est formé, instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure avec représentation obligatoire. Il est formé dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision.

La décision de la cour d’appel est notifiée par le greffe à l’auteur de la réclamation par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Copie de la décision est communiquée à l’avocat poursuivi et au bâtonnier dont il relève.

Dans le cas où l’ordonnance de rejet est infirmée, le greffe communique la décision à l’avocat poursuivi et au conseil de l’ordre dont il relève aux fins de désignation d’un rapporteur. Copie de la décision est communiquée au bâtonnier et au procureur général.

4 - La désignation du rapporteur (article 188-3).

Le conseil de l’ordre, saisi soit par le président de la juridiction à réception de la requête soit par la cour d’appel en cas d’infirmation du filtrage, désigne un de ses membres en qualité de rapporteur.

Il doit procéder à cette désignation dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

A défaut, l’autorité qui a engagé l’action disciplinaire ou le procureur général en cas de saisine directe de la juridiction disciplinaire par l’auteur de la réclamation, saisit le premier président de la cour d’appel qui procède alors à cette désignation parmi les membres du conseil de l’ordre.

5 - L’instruction par le rapporteur (articles 189 et 191).

Le rapporteur a pour mission de procéder à une instruction objective, impartiale et
contradictoire de l’affaire. Il procède, à cette fin, à toute mesure d’instruction nécessaire.

Il peut entendre toute personne susceptible d’éclairer l’instruction.

Dans le respect du principe du contradictoire, le rapporteur informe l’avocat poursuivi de l’audition éventuelle d’un tiers et l’invite à y assister. L’avocat poursuivi peut demander à être entendu et peut se faire assister d’un conseil.

Il est dressé procès-verbal de toute audition. Les procès-verbaux sont signés par la personne entendue et par le rapporteur.

Toutes les pièces constitutives du dossier disciplinaire, et notamment les rapports d’enquête et d’instruction, sont cotées et paraphées. Copie, en version papier ou numérisée, en est délivrée à l’avocat poursuivi sur sa demande.

Le rapporteur transmet le rapport d’instruction au président de la juridiction disciplinaire, et, à Paris, au bâtonnier doyen, membre du conseil de l’ordre, et s’il est empêché, au plus ancien bâtonnier, membre du conseil de l’ordre au plus tard dans les quatre mois de sa désignation.

Ce délai peut, à la demande du rapporteur, être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du président de la juridiction disciplinaire ou, à Paris, du bâtonnier doyen, membre du conseil de l’ordre, et s’il est empêché, du plus ancien bâtonnier, membre du conseil de l’ordre.

Cette décision est notifiée aux parties. Copie en est adressée au bâtonnier et au
procureur général si ce dernier a pris l’initiative de l’action disciplinaire.

6 - La convocation à l’audience (articles 191 dernier alinéa et 192).

La date de l’audience est fixée par le président de la juridiction disciplinaire et, à Paris, par le bâtonnier doyen, membre du conseil de l’ordre, et s’il est empêché, par le plus ancien bâtonnier, membre du conseil de l’ordre.

L’avocat mis en cause est convoqué au moins un mois avant l’audience.

La convocation comporte, à peine de nullité, l’indication précise des faits reprochés ainsi que la référence aux dispositions législatives ou réglementaires précisant les obligations auxquelles il est reproché à l’avocat poursuivi d’avoir contrevenu, et, le cas échéant, une mention relative à la révocation du sursis.

La convocation rappelle à l’avocat mis en cause la faculté dont il dispose de solliciter que l’audience soit présidée par un magistrat, prévue à l’article 22-3 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée. Cette demande doit, à peine de forclusion, être formulée quinze jours au plus tard avant l’audience. La convocation précise le moyen par lequel l’avocat mis en cause adresse sa demande au secrétariat de la juridiction disciplinaire.

Cette demande est portée sans délai à la connaissance du premier président de la cour d’appel par le secrétariat de la juridiction.

La circulaire suggère la bonne pratique suivante : lorsque l’avocat mis en cause sollicite la présidence de son audience par un magistrat, il serait utile de mettre en place une adresse courriel structurelle permettant d’aviser immédiatement le premier président de la cour d’appel.

L’auteur de la réclamation est informé de la date de l’audience et de la faculté dont il dispose de demander, par tout moyen, à être entendu par la juridiction disciplinaire.

La convocation est adressée à l’avocat mis en cause par le requérant (le bâtonnier, le procureur général ou l’auteur de la réclamation).

Le secrétariat de la juridiction disciplinaire prend attache avec le requérant pour lui donner la date d’audience et lui rappeler, à cette occasion, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 192 du décret du 27 novembre 1991.

Le procureur général est toujours avisé de la date d’audience à laquelle il peut assister (voir VII).

La juridiction lui communique, sur sa demande, l’entier dossier.

7 - Le jugement (articles 193 à 196).

L’audience se tient dans la commune où est fixé le siège de la cour d’appel.

L’avocat poursuivi comparaît en personne. Il peut se faire assister par un avocat.

Lorsque le conseil de discipline est saisi sur requête d’un tiers ou lorsque l’avocat mis en cause en fait la demande, un magistrat préside l’audience de la juridiction disciplinaire uniquement pour les affaires relevant de ces cas.

Le président de la juridiction disciplinaire donne la parole au bâtonnier, au procureur général si ce dernier a pris l’initiative d’engager l’action disciplinaire et à l’auteur de la réclamation si celui-ci a demandé à être entendu.

Le ministère public n’est tenu d’assister à l’audience que dans les cas où il est partie principale.

Dans les autres cas, il peut néanmoins faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience (article 431 du Code de procédure civile).

En tout état de cause, il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le décret du 27 novembre 1991 (article 277 du décret du 27 novembre 1991).

Les débats sont publics. Toutefois, la juridiction peut décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du conseil à la demande de l’une des parties ou s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée.

Si, dans les douze mois de la désignation du rapporteur par le conseil de l’ordre, la juridiction disciplinaire n’a pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande est réputée rejetée. L’autorité qui a engagé l’action disciplinaire ou, en cas de saisine directe de la juridiction disciplinaire par l’auteur de la réclamation, le procureur général peut saisir la cour d’appel dans les conditions décrites ci-dessous au 111.8.

Ce délai peut être prorogé dans la limite de huit mois lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée ou lorsqu’elle prononce un renvoi à la demande de l’une des parties (ces délais ont été modifiés par la présente réforme).

Toute décision prise en matière disciplinaire est notifiée à l’avocat poursuivi, au procureur général et au bâtonnier dans les huit jours de son prononcé par tout moyen conférant date certaine à sa réception. L’auteur de la réclamation est informé du dispositif de la décision lorsque celle-ci est passée en force de chose jugée.

Ces notifications et cette information sont assurées par le secrétariat de la juridiction disciplinaire.

8 - La procédure d’appel (articles 23 dernier alinéa de la loi du 31 décembre 1971 et 197 du décret du 27 novembre 1991).

La décision de l’instance disciplinaire peut toujours faire l’objet d’un appel de la part de l’avocat poursuivi, du bâtonnier dont il relève ou du procureur général. La réforme n’apporte aucune modification sur ce point.

La cour d’appel est saisie et statue, comme auparavant, dans les conditions de l’article 16 du décret du 27 novembre 1991. L’appel a donc un caractère suspensif.

Le seul point nouveau apporté par la réforme, au niveau de l’appel, concerne la composition de la formation de jugement de la cour d’appel. La loi du 22 décembre 2021 a introduit un échevinage.

Désormais, la formation de jugement de la cour d’appel comprend trois magistrats du siège de la cour d’appel, dont l’un préside la formation, et deux membres des conseils de l’ordre du ressort de la cour. Ces derniers, ainsi que deux membres suppléants, sont désignés pour une année, de concert, par les conseils de l’ordre du ressort de la cour d’appel parmi leurs membres.

Ces désignations ont lieu avant le 1er janvier qui suit le renouvellement annuel des conseils de l’ordre sauf à Paris où les désignations ont lieu chaque année au mois de janvier.

4- Les sanctions disciplinaires (article 184 du décret du 27 novembre 1991).

Les sanctions accessoires deviennent des sanctions complémentaires.

1 - Les sanctions principales.

Les sanctions principales sont :
- L’avertissement,
- Le blâme,
- L’interdiction temporaire d’exercice, qui ne peut excéder trois années,
- La radiation du tableau des avocats ou le retrait de l’honorariat.

2 - Les sanctions complémentaires.

A titre de sanction complémentaire, la juridiction disciplinaire peut ordonner :

- La publicité du dispositif et de tout ou partie des motifs de sa décision, dans le respect de l’anonymat des tiers. Elle fixe les modalités de cette publicité notamment sa durée.

- La privation du droit de faire partie du conseil de l’ordre, du Conseil national des
barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée n’excédant pas dix ans.

- L’interdiction temporaire de conclure un nouveau contrat de collaboration ou un
nouveau contrat de stage avec un élève-avocat, et d’encadrer un nouveau
collaborateur ou un nouvel élève-avocat, pour une durée maximale de trois ans, ou en cas de récidive, une durée maximale de cinq ans.

C’est une nouvelle peine complémentaire qui avait été réclamée par le CNB (le conseil de l’ordre des avocats de Paris avait en revanche voté contre cette mesure).

La circulaire précise que « seuls l’avertissement, le blâme et l’interdiction temporaire d’exercice peuvent être assortis des deux dernières sanctions complémentaires ».

3 - Le sursis.

L’interdiction temporaire d’exercice peut être assortie en tout ou partie du sursis pour son exécution.

Le sursis ne s’étend pas aux sanctions complémentaires éventuelles.

Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la sanction, l’avocat a commis une infraction ou une faute ayant entraîné le prononcé d’une nouvelle sanction disciplinaire, celle-ci entraîne sauf décision motivée l’exécution de la première sanction sans confusion avec la seconde.

Lorsqu’une interdiction temporaire d’exercice est assortie du sursis, la sanction
complémentaire de l’interdiction temporaire de conclure un nouveau contrat de collaboration ou un nouveau contrat de stage avec un élève-avocat, et d’encadrer un nouveau collaborateur ou un nouvel élève-avocat, prend effet immédiatement.

Dans le cas contraire, elle prend effet à l’expiration de la période d’interdiction temporaire d’exercice.

4 - La formation complémentaire en déontologie.

C"est une nouveauté de la réforme de la loi du 22 décembre 2021 et du décret du 30 juin 2022.

La juridiction disciplinaire peut également prescrire à l’avocat poursuivi une formation complémentaire en déontologie dans le cadre de la formation continue, ne pouvant excéder 20 heures sur une période de deux ans maximum à compter du caractère définitif de la sanction prononcée. Cette formation complémentaire s’ajoute à l’obligation de formation prévue à l’article 85 du décret du 27 novembre 1991.

5 - L’ajournement.

Le décret du 30 juin 2022 permet désormais à la juridiction disciplinaire, dans le cas où elle retient l’existence d’une faute disciplinaire, d’ajourner le prononcé de la sanction en enjoignant à l’avocat poursuivi de cesser le comportement jugé fautif dans un délai n’excédant pas quatre mois.

La notification de la décision d’ajournement vaut convocation à l’audience sur le
prononcé de la sanction.

Source.

Circulaire du 9 novembre 2022 de présentation de la réforme de la discipline des avocats.
Discipline des avocats : la nouvelle procédure après le décret du 30 juin 2022.
Discipline des avocats : ce qui change à partir du 1er juillet 2022 avec la loi du 22 décembre 2021 ?

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum