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Convention d’honoraires proposée par l’avocat : attention aux clauses abusives !
Parution : lundi 12 décembre 2022
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Le bâtonnier et le premier président de cour d’appel, statuant en matière de fixation des honoraires d’avocat, peuvent relever le caractère abusif des clauses stipulées par la convention d’honoraires liant un avocat et son client consommateur.

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La Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’énoncer que les actions en paiement d’honoraires intentées par l’avocat contre son client consommateur sont soumises à la prescription biennale édictée par l’article L. 218-2 du code de la consommation (v. par ex. Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 14-11.599 ; Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 14-15.013 ; Cass. 2e civ., 18 avril 2019, n° 18-14.202 pour un avoué). C’est un autre pan du droit de la consommation qu’elle applique ici à la convention d’honoraires d’avocat : celui du droit des clauses abusives.

Dans ce domaine, on se souvient que, selon l’article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Ces stipulations sont, dès lors, réputées non écrites (C. consom., art. L. 241-1 al. 1er). L’intérêt de l’arrêt rapporté est de juger que le bâtonnier et le premier président de cour d’appel, saisis d’une réclamation portant sur le paiement des honoraires de l’avocat par un client consommateur ou non-professionnel, peuvent statuer sur le caractère abusif des clauses d’une convention d’honoraires. Cette précision préalablement apportée, l’arrêt illustre ensuite la règle selon laquelle l’appréciation du caractère abusif des clauses peut porter sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert lorsque les stipulations litigieuses ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible (C. consom., art. L. 212-1, al. 3), ce qui est le cas de clauses se contredisant (à ce sujet, v. par ex. Cass. 1re civ., 20 mars 2013, n° 12-14.432).

En l’espèce, une personne mariée confie la défense de ses intérêts à un avocat pour l’assister dans une procédure l’opposant à son époux. Une convention d’honoraires est conclue. Elle prévoit un forfait, non remboursable, de 3 500 euros TTC, au cas où le client dessaisirait son avocat et une clause d’indemnité de dédit prévoyant, dans la même hypothèse de dessaisissement de l’avocat par le client, que l’honoraire restera dû, plafonné à 2 500 euros HT (3 000 euros TTC). La cliente met fin au mandat de son avocat alors que celui-ci n’a effectué que deux des six prestations qu’il s’était engagé à effectuer pour le montant forfaitaire stipulé. Un litige oppose alors les deux parties quant au montant des honoraires dus : soutenant que les deux clauses de dédit sont abusives au sens de l’article L. 212-1 du code de la consommation, la cliente conteste devoir à son ancien conseil les sommes prévues par la convention devant le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau concerné.

Saisi sur recours, le premier président d’une cour d’appel juge les deux clauses abusives au motif qu’aucune clause de dédit n’était réciproquement prévue au profit du client en cas de dessaisissement anticipé par l’avocat. Il les répute conséquemment non écrites et condamne l’avocat à rembourser à sa cliente une certaine somme.

Dans son pourvoi, l’avocat soutient à titre principal que le bâtonnier, et sur recours, le premier président, n’ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, des différends portant sur l’existence ou la validité du mandat confié à l’avocat. Il en déduit qu’en jugeant que la clause de dédit insérée à la convention d’honoraires doit être réputée non écrite car abusive au sens du code de la consommation, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. A titre subsidiaire, il conteste le caractère abusif de la clause de dédit et reproche au premier président de n’avoir pas recherché si, ainsi que le mentionnait expressément la convention d’honoraires, la clause de dédit ne trouvait pas sa contrepartie, favorable au client, dans la fixation d’un honoraire forfaitaire ferme sans aucun dépassement d’un montant largement inférieur à celui qui aurait résulté de l’application d’un taux horaire.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, après avoir rappelé, à titre liminaire, la teneur de l’article L. 212-1, alinéas 1er et 3 du code de la consommation et la jurisprudence européenne Pannon, selon laquelle le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose (CJCE, 4 juin 2009, aff. C-243/08).

Elle juge ensuite qu’il entre dans les pouvoirs du premier président, statuant en matière de fixation des honoraires d’avocat, d’examiner le caractère abusif des clauses des conventions d’honoraires lorsque le client de l’avocat est un non-professionnel ou un consommateur. Elle conclut que c’est sans excéder ses pouvoirs que le premier président, qui ne s’est pas prononcé sur la validité du mandat de l’avocat, a retenu que les dispositions du code de la consommation sont applicables aux conventions d’honoraires d’avocats et a examiné le caractère abusif des clauses de la convention litigieuse.

Partant, la Cour de cassation approuve enfin le premier président d’avoir retenu le caractère abusif des clauses litigieuses. Le défaut de clarté, issu de la contrariété des deux clauses, autorise en effet un tel examen (le premier article prévoyant que les honoraires forfaitaires de 3 500 euros TTC restaient dus en totalité en cas de dessaisissement de l’avocat par le client et, s’agissant du second, que les indemnités de dédit ne pouvaient dépasser 2 500 euros HT, soit 3 000 euros TTC). Or, chacune des clauses a pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties au contrat. D’une part, car elles permettent à l’avocat d’obtenir de sa cliente le paiement de la totalité des honoraires ou leur quasi-totalité sans effectuer toutes les prestations qu’il s’était engagé à effectuer pour le montant forfaitaire fixé, les deux montants du dédit apparaissant disproportionnés avec les diligences réalisées. D’autre part, car aucune clause de dédit en faveur de la cliente n’est réciproquement prévue en cas de « dessaisissement » anticipé par l’avocat.

Agnès Maffre Baugé, Maître de conférences HDR, Avignon Université

Cass. 2e civ., 27 oct. 2022, n° 21-10.739, n° 1111 B

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