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Les obligations alimentaires. Par Gauthier Lecocq, Avocat.
Parution : mardi 3 janvier 2023
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Présentation des règles régissant les obligations alimentaires.

I- Quelles sont les différentes obligations alimentaires ?

A- Les obligations des parents envers leurs enfants.

En vertu de la combinaison des articles 205 et 207 du Code civil, les parents sont tenus d’une obligation d’entretien et d’une obligation d’aliments envers leurs enfants.

Si l’obligation d’entretien vise à pourvoir les besoins vitaux des enfants ainsi que toutes les dépenses liées à son éducation, l’obligation d’aliments ne concerne, quant à elle, que les seuls besoins essentiels des enfants.

B- Les obligations des enfants envers leurs ascendants.

L’article 205 du Code civil dispose :

« Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ».

Les enfants sont tenus d’une obligation alimentaire à l’égard de tous leurs ascendants se trouvant dans le besoin : à savoir leurs parents, grands-parents, arrière-grands-parents, etc.

NB. Lorsqu’un défunt était sans ressources ou si son corps n’a pas été réclamé, la commune ou, à défaut, le préfet, le fait inhumer ou alors incinéré si le défunt en a exprimé la volonté.

Lorsque la commune choisit l’entreprise de pompes funèbres, elle peut se retourner contre la famille du défunt afin d’obtenir le remboursement des frais d’obsèques du défunt qu’elle a engagés.

C- Les obligations des grands-parents/arrière-grands-parents envers leurs descendants.

L’article 207 du Code civil dispose : « Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques ».

Cet article se combine avec les articles 205, 206 et 207 du Code civil.

Tous les ascendants (parents, grands-parents, arrière-grands-parents, etc.) sont tenus de subvenir aux besoins essentiels de leurs descendants.

Toutefois ils n’ont pas l’obligation de contribuer à leur entretien.

Par ailleurs, les obligations des grands-parents/arrière-grands-parents sont subsidiaires de celles des parents.

Il en résulte que les grands-parents/arrière-grands-parents n’y sont tenus que si les parents n’y pourvoient pas ou alors insuffisamment.

D- Les obligations des alliés en ligne directe.

L’article 206 du Code civil dispose que :

« Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et belle-mère, mais cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés ».

Les gendres et belles-filles doivent des aliments à leur beau-père et belle-mère qui sont dans le besoin, et réciproquement.

L’obligation des alliés en ligne directe disparaît dès lors que l’époux créant l’alliance décède sans laisser d’enfant vivant issue de son union avec son conjoint.

De la même façon, ladite obligation disparaît si les époux divorcent, peu important qu’il laisse ou non des enfants communs en vie.

E- Les obligations naturelles transformées en obligations civiles.

Aux termes de l’article 1100 du Code civil :

« Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi.
Elles peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui
 ».

Les juges du fond peuvent reconnaître, en dehors de toute obligation légale, l’existence d’une obligation naturelle fondée sur le devoir moral d’entraide à l’égard d’un proche : entre des frère/sœur ou encore entre des concubins.

Cependant, l’obligation naturelle devient une obligation civile uniquement en cas d’engagement unilatéral de son débiteur à l’exécuter (par exemple : en versant une pension alimentaire).

L’engagement peut être exprès (reconnaissance de dette) ou tacite (les juges du fond devront alors rechercher l’intention véritable du débiteur).

Important ! Il n’existe aucune hiérarchie entre les débiteurs d’aliments, de sorte que le créancier d’aliments peut exercer une action commune contre plusieurs débiteurs ou alors des actions successives.

Il ne peut pas y avoir de condamnation solidaire en présence de plusieurs débiteurs d’aliments.

Il en résulte que les débiteurs ne sont pas tenus de régler à la place d’un autre débiteur la contribution qu’il n’a pas réglée spontanément.

Enfin, il est possible pour un débiteur d’aliments condamné à l’égard du créancier d’aliments de se retourner contre ses codébiteurs pour les sommes payées excédant sa part contributive en raison des facultés respectives des débiteurs.

II- Quelles sont les conditions de l’obligation alimentaire ?

Aux termes de l’article 208 du Code civil :

« Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit.
Le juge peut, même d’office, et selon les circonstances de l’espèce, assortir la pension alimentaire d’une clause de variation permise par les lois en vigueur. »

A- L’état de besoin du créancier d’aliments.

L’état de nécessité est caractérisé lorsque le demandeur ne dispose pas de revenus suffisants pour se loger, s’habiller, se nourrir, se soigner, etc.

Les besoins varient selon l’âge, l’état de santé, les charges de famille, voire le lieu d’habitation du créancier d’aliments ; ils font l’objet d’une appréciation souveraine des juges du fond.

Attention ! Les causes de l’indigence n’interdisent pas au demandeur de solliciter une obligation alimentaire : il importe peu qu’elles soient accidentelles (chômage, maladie, handicap) ou alors fautives (mauvaise gestion de son patrimoine, dette, condamnation pénale).

Pour apprécier l’état de nécessité, les juges du fond doit tenir compte des revenus perçus par le demandeur, mais également ceux de son conjoint, concubin ou partenaire de PACS.

B- Les ressources et charges du débiteur d’aliments.

Le défendeur ne peut être condamné à verser des aliments s’il n’en a évidemment pas les moyens.

Si les ressources du conjoint, concubin, partenaire de PACS du défendeur ne peuvent pas être cumulées aux siennes (l’obligation alimentaire étant une dette personnelle), celles-ci sont toutefois indirectement prises en compte pour fixer le montant de la pension alimentaire, dans la mesure où elles réduisent les charges du débiteur.

Enfin, le Juge aux affaires familiales tient compte du revenu disponible du débiteur : il est déterminé en déduisant de ses ressources l’ensemble des charges de la famille, des dépenses de la vie courante, etc.

C- L’appréciation du comportement du demandeur d’aliments.

L’article 207 du Code civil dispose que :

« Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques.
Néanmoins, quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire.
En cas de condamnation du créancier pour un crime commis sur la personne du débiteur ou l’un de ses ascendants, descendants, frères ou sœurs, le débiteur est déchargé de son obligation alimentaire à l’égard du créancier, sauf décision contraire du juge. »

Peu importe le niveau de revenus du débiteur, le Juge aux affaires familiales peut le décharger totalement ou partiellement de son obligation si le parent demandeur a gravement manqué à ses obligations à son égard.

Cette règle concerne les obligations alimentaires réciproques existant entre ascendants et descendants et entre alliés.

Le manquement allégué doit être établi avec certitude et ne concerner que le débiteur lui-même (et non d’autres proches).

Exemples de décharge partielle (la pension alimentaire se trouvant alors minorée) :

- lorsqu’un couple, qui sans s’être totalement désintéressé de ses enfants, les a confiés à leurs grands-parents (CA de Bordeaux, 16 juillet 1985, RG n°84-716) ;
- un père qui, sans avoir abandonné ses enfants, avait manifesté des sentiments haineux et rancuniers à leur égard (CA de Versailles, 7 juillet 1982, RG n°80/3588) ;

Exemples de décharge totale :

- en cas d’abandon matériel et moral par une mère de ses enfants (CA de Rennes, 28 février 2000, RG n°98- 8189) ;
- en cas de sentiments haineux d’un père ayant toujours nié sa paternité, à l’égard de ses enfants (CA de Paris, 22 octobre 1998, RG n°98-8368) ;

Enfin, l’enfant dont un parent a été privé de son autorité parentale est automatiquement dispensé de toute obligation alimentaire à l’égard de ce parent et de ses autres ascendants dans la même branche au regard des articles 205, 206 et 207 du Code civil, sauf disposition contraire du jugement de retrait.

III- Quelle est la durée de l’obligation alimentaire ?

La décision octroyant une pension alimentaire peut ordonner son versement à compter du jour du dépôt de la requête ou de la signification de l’assignation.

L’adage « les aliments ne s’arréragent pas » interdit en principe au créancier de solliciter des aliments pour la période antérieure à sa demande.

Cette règle peut toutefois être écartée en rapportant la preuve de son état de besoin antérieurement à l’acte introductif d’instance (1) et de l’absence de renonciation de sa part à ses droits à aliments (2).

En tout état de cause, la demande de rétroactivité ne peut pas remonter à plus de 5 ans avant le dépôt de l’acte introductif d’instance.

Enfin, il faut préciser que l’obligation alimentaire s’éteint au décès de son créancier ou de son débiteur.

Attention ! Si l’état de besoin du créancier d’aliments disparaît et/ou si la situation financière du débiteur d’aliments se trouve modifiée, ce dernier dispose de la faculté de saisir le Juge aux affaires familiales aux fins de réduire ou de supprimer la pension alimentaire, conformément aux dispositions de l’article 209 du Code civil.

IV- Quelles les sont les modes d’exécution de l’obligation alimentaire ?

En principe, la dette alimentaire s’exécute sous la forme d’une pension alimentaire.

Le Juge aux affaires familiales peut assortir ladite pension d’une clause indexation.

Toutefois, il peut également décider que l’obligation sera exécutée en nature (c’est-à-dire en logeant, nourrissant et en entretenant le créancier) dans deux hypothèses :

- si le débiteur apporte la preuve de son impossibilité de payer une pension alimentaire conformément aux dispositions de l’article 210 du Code civil : le juge prend notamment en compte le climat entre les parties et les possibilités d’hébergement du débiteur ;
- lorsqu’un enfant demande des aliments à l’un de ses parents, si ce dernier offre de recevoir et d’entretenir son enfant.

V- Quel est tribunal compétent pour connaître de l’obligation alimentaire ?

Selon l’article L213-3, 3°, a), du Code de l’organisation judiciaire, le Juge compétent est le Juge aux affaires familiales.

Le créancier dispose de la faculté de saisir :
- le Juge aux affaires familiales du lieu où il demeure ou,
- le Juge aux affaires familiales du lieu où demeure le défendeur (le débiteur d’aliments).

VI- Quelle est la procédure à suivre ?

Le Juge aux affaires familiales compétent est saisi par le créancier par voie d’assignation (assignation à date ou assignation en référé) ou de requête.

La représentation par un avocat est facultative, de sorte que les parties peuvent se défendre elles-mêmes.

La procédure est orale.

Une décision statuant sur une pension alimentaire est susceptible d’appel.

Toutefois, ladite décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

VII- Quelles sont les sanctions prévues en cas d’inexécution de l’obligation alimentaire ?

Si le débiteur ne règle pas la pension auprès du créancier, ce dernier dispose de la faculté de :
- recourir aux voies d’exécution (saisie-attribution, saisie sur les rémunération, saisie-vente, etc.) ;
- solliciter une avance sur pension auprès de la Caisse d’allocations familiales ;
- déposer une plainte pénale des chefs d’abandon de famille prévu à l’article 227-3 du Code pénal ou d’absence de notification au créancier d’aliment de son changement de domicile prévue à l’article 227-4 du Code pénal.

Gauthier Lecocq Avocat au barreau de Versailles Cabinet Bariseel-Lecocq & Associés Aarpi Inter-Barreaux